29 novembre 2016

L'os thé aux pattes




L'autre nuit, j'ai rêvé que deux mignons z'animaux, à vous donner envie de devenir définitivement végétariens,  me regardaient avec leur petite tronche de cake. Et le plus drôle, c'est que je leur ai répondu ...


 *


- On peut t'aider, Célestine ? On peut faire quelque chose pour toi ?
- C'est adorable ! Figurez-vous, mes petits pelucheux, que je me demande comment répondre à cette question quand mes amis me la posent... Et en ce moment, c'est souvent. 
On les sent comme vous, impuissants, désolés. Ils ont un peu votre frimousse fondante et craquante. Ils aimeraient m'aider, mais ils ne savent pas comment. Et moi non plus d'ailleurs, je ne sais que leur dire...Souvent c'est ça dans la vie... Il y a des choses devant lesquelles on est seul. Tel Chateaubriand dans la brume ou Napoleon devant Waterloo...
- Enfin, nous on dit ça, mais on sait bien que tu as eu du chagrin, et plein de soucis et qu'il faut que tout ça s'évacue...
- Oh mais ça s'évacue, croyez-moi : le corps est comme un gros essuie-tout absorbant , ou plutôt une éponge naturelle, et quand elle est pleine,  il lui faut s'essorer, exprimer les liquides pleins de miasmes, se refaire une santé...
- C'est joli comme périphrase...
- C'est pas une périphrase, c'est une métaphore !
- Ne vous disputez pas, mes boules de poils adorées ! Vous n'allez pas jouer les porte-flingues d'Audiard ! Bon enfin, pour votre gouverne  ( j'adore l'expression !) j'ai décidé d'aller voir un ostéopathe...
- Un os thé aux pattes ? Mince alors, étonnant ! Superbe idée ! Euh ...Qu'est-ce que c'est  ?
- Un gentil monsieur qui va me remettre en circulation comme une vieille bagnole après un contrôle technique ! Je l'ai choisi parce qu'il pratique la méthode Poyet. Une méthode douce pour retrouver de l'énergie, et ne plus avoir le corps comme un champ de mines ou de poireaux ravagés par les sangliers.
Rien que de l'imaginer, cet énergéticien aux mains douces, déjà, je vais mieux. Je visualise positivement.
- Oui c'est comme moi, je pense à une belle carotte bien fraîche !
- Pardon, parle pour toi, moi je visualise plutôt une souris bien croquante pour me mettre en appétit...
- Vous avez pigé l'idée, mes petits coton-tiges ! Quand la vie fait du sur-place, il est bon de visualiser l'instant où elle va redémarrer en trombe. Je sens que c'est pour bientôt.

¸¸.•*¨*•



PS: si vous vous êtes surpris à esquisser un sourire en lisant ce billet, vous êtes prêts pour la visualisation positive. Si c'est pas une bonne nouvelle, ça... !
Et pour ceux qui voudraient re-re-revoir les porte-flingues d'Audiard...

27 novembre 2016

A Vélo vers l'Eternité



Sous-titre : je fais rarement des chroniques littéraires, il y en a tellement qui font ça mieux que moi, mais là, l'auteur est un ami...



Dessin de Sempé






Je reviens d’un voyage étonnant que j’aimerais vous inviter à faire à votre tour. Rassurez-vous, nul besoin de mollets de campeur pour enfourcher ce vélo-là.
Vous n’aurez simplement qu’à vous caler dans un bon fauteuil.
Le prodigieux pouvoir de votre cerveau fera le reste.
Neuf nouvelles. Neuf petites histoires en apparence anodines, mais qui nous font plonger en pensée au-delà de nous-mêmes, au cœur de cette île étrange que nous avons tous à découvrir à l’intérieur de nous. Peut-être pour chasser l’ombre de nos propres démons.

Le temps y suinte, le temps qu’il fait comme celui qui passe et s’accroche à la peau.
Brouillards poisseux, crachins tristes, pluies glaciales.
Comme dans les films noirs : bistrots glauques, banlieues sales, villages fantômes.
Souvent à la mer, en Bretagne, mais jamais celle des cartes postales. Le sable colle à vos basques, le port, la jetée ont quelque chose d’inquiétant dans leur fausse quiétude même. De désagréablement malsain.
Futur ou passé ? Peu importe, on est surpris par le présent diffus de quelque chose de plus fort que nous. La Fatalité, le Mal, la Mort rôdent.

En quelques mots bien choisis, l’auteur allume la lanterne magique du théâtre humain. Sans complaisance, mais avec une sorte de tendresse impuissante, il met en scène ses personnages, tellement vrais, et les catapulte vers la fin de l’histoire, presque malgré lui.
Des personnages banals, ternes même, se retrouvent basculés dans le bizarre sous le doigt griffu du destin. Leur vie se vide en une seconde sous nous yeux ébahis. Ils sont seuls. Ils regardent s’effondrer leur univers avec un bruit mou. Ils sont happés, chosifiés.
Leur rapport au monde, aux objets parfois animés d’intentions maléfiques, se modifie. On pense à Faust, à Dorian Gray. A la Peau de Chagrin de Balzac.

Surfant sur le borderline, la marge mouvante de la folie ordinaire, l’auteur évoque les passions humaines avec une précision de scalpel. On sent qu’il maîtrise le sujet !  Les relations hommes/femmes, les dominations, les frustrations, les fétichismes sexuels, les illusions perdues, les hésitations, les perversions narcissiques, les nœuds gordiens ou de vipères, l’emprise, la violence, les jalousies, les rancoeurs, les revanches prenant racine dans l’enfance humiliée ou castrée par une mère abusive, et là c’est Camus ou Bazin qui s’imposent.
Et le diable a souvent une gueule d’ange. Il fait louper les trains ou les mariages. Il englue les rêves de gosse dans une morne résignation qui finit par faire péter sa gangue de manière tragique. Ou libératoire.
Au final, puisqu’il faut bien un petit bémol pour compléter une critique, les touches d’humour sont délicieuses mais un peu clairsemées pour nous éviter l’apnée, tellement le suspense est haletant.












 TheBookEdition, 2016, 108 pages.10€

23 novembre 2016

Mots et Merveilles






Qu'il était dur et beau, ce reportage sur l'illettrisme ce soir ! 
Plein d'émotion et de pudeur. Plein de souffrance, de blessures. 
Comment des adultes ont-ils pu passer seize ans à l'école et ne plus savoir ni leur alphabet, ni écrire des mots simples  ni compter ne serait-ce que la monnaie du pain...
J'en ai pleuré. 
J'ai tellement donné à ce métier, tellement travaillé à sortir de l'ornière des gamins cabossés par la vie, tellement redonné confiance à des mômes maltraités et en perte totale d'estime de soi. Tellement que l'un d'eux m'a écrit un jour une lettre bouleversante: « Vous m'avez sauvé du naufrage social » C'était exagéré mais cela m'a réjouie, bien plus que n'importe quel rapport d'inspection académique.

« Quand on est coupé des mots, on se coupe du monde » entend-on dans le film.
J'ai pleuré de sidération d'entendre dire que certains professeurs ne s'occupaient pas d'eux et les mettaient au fond de la classe. Quand ils ne les traitaient  pas de « bons à rien » ça paraît incroyable...et pourtant vrai.
D'entendre une femme  dire que son père ne voulait pas qu'elle lise parce qu'il se sentait rabaissé. Interdiction de se cultiver, elle devait lire en cachette. Les méfaits de la misère sociale ne sont plus à prouver.
A l'inverse, ne ratez pas cette adolescente merveilleuse, folle de lecture, qui parle de sa maman ex-illettrée : 
« Depuis qu'elle sait lire, elle s'est épanouie, elle existe, elle a une présence. Comment peut-on communiquer sans vocabulaire ? »

Le constat reste amer:  « L'illettrisme génère du chômage, et le chômage génère de l'illettrisme »
Mais je repense à la belle phrase lue sur un blog ami :
« Rien n'est jamais perdu en ce monde et que tout peut concourir à sa réussite, même les échecs, même des situations aux allures désespérées. »

Les bénévoles de l'association Mots et Merveilles ne baissent pas les bras. Le don de soi, ils connaissent. Sans relâche, ils offrent à des êtres humains le cadeau du langage. 
Regardez, c'est juste beau, l'espoir, comme un lever de soleil sur la mer.




Le reportage en intégralité








21 novembre 2016

Le bougon











En juillet, la terrasse de la Brasserie des Alpes est noire de monde. Façon de parler, évidemment, car c'est plutôt un déferlement de couleurs qui ruisselle sur les chaises en faux osier. Les couleurs de l'été, celles de quand on n'a qu'une seule pelure sur le dos. Débardeurs fuschia, caracos jaunes, chemises blanches...

A la table voisine, un type, la soixantaine grise et suffisante, qui a déjà bougonné contre l'ardoise pourtant très drôle du tavernier, étale maintenant sa hargne à la fille qui le regarde amoureusement avec des yeux de sardine tout en sirotant son mojito...
Soudain, un mot attire mon attention...On parle de blog.
Je rapporte de mémoire (en brodant un peu, mais je respecte l'idée générale...)

-Oui, les blogs, tu comprends, c'est une mode. Le summum du regardé de nombril. Un ramassis de poncifs et de bouteilles creuses.
-Ben non, c'est chouette, moi, je trouve, réplique la fille avec une fulgurante sagacité.
-Ah tu trouves ? Mais c'est d'un ennui profond, au contraire !
 Tout le monde s'y prend pour la cuisse de Jupiter. On n'y voit que des collectionneurs et des « spécialistes » de tout et de n'importe quoi, des allumés narcissiques qui racontent les moindres faits et gestes de leur journée, comme s'il s'agissait du couronnement de la reine d'Angleterre, des parents bavasseux qui s'émerveillent sur les photos de leurs chiards, des écrivains ratés qui croient écrire, des mirlitons qui se croient poètes maudits, des photographes à la petite semaine, des conseillers de tout poil, des chroniqueurs auto-proclamés politiques, musicaux, artistiques et surtout, surtout, des apprentis critiques littéraires qui démolissent ou s'extasient sur des livres que personne ne lira...
Ne parlons pas des faux psys, des pseudo-conseillers conjugaux  et de ceux qui leur exposent leurs problèmes névrotiques...Et vas-y que je me répands...Pathétique ! le tout baigné dans une espèce de sirop de bienveillance molle, de carpe diem bobo, de petits instants blabla, de petits bonheurs gnagna, de contact avec la nature et de peace and love consensuel jusqu'à l'écoeurement... Pouah !

-Ben quoi, si ça leur plaît ? réplique la fille avec la même sagace fulgurance.

C'est vrai quoi, si ça leur plaît. 
Perso, en faisant mon auto-analyse, je dois reconnaître qu'il n'a pas tout à fait tort. J'avoue, j'utilise trop le pronom « je » ...flagrant délit de névrose narcissique !
Mais si ça nous plaît, à nous, en quoi ça le gêne...On est encore en République, non ? (enfin je crois..). Il n'a qu'à lire l'Equipe et ne pas nous casser les noix.

Bref les blogueurs, ça blogue.
Et les bougons, ça bougonne et pis c'est tout.


¸¸.•*¨*• ☆





Musique : Night and day, piano jazz

19 novembre 2016

Rue de la Huchette






Parfois, on croit être ami avec quelqu’un. Comme le renard est l’ami du petit prince.
Et puis, au détour de la vie, quand les gouttes de pluie se font plus serrées, plus piquantes et plus obstinées, ou que l'orage tremble, on a le cou trempé, les cheveux dans les yeux et l’ami n’est plus là pour nous tendre un parapluie.
Et puis il y a ceux qui sont toujours là. Ils ne demandent rien. Ils n'attendent rien. Ils n'exigent rien. Mais ils sont là, au besoin. Sans carnet de comptes à la main. Comme si on s'était vu la veille. 
Pourquoi je pensais à ça, tout d'un coup ? Ah oui...
Je méditais en faisant une longue promenade en ville. Sous la pluie. Seule comme Barbara.
Il y avait une phrase...
« Monsieur Gregory Corso, qu'est-ce que la puissance ? 
Rester debout au coin d'une rue et n'attendre personne.  » 
J'ai rêvé New-York.
Tiens, Yves Simon, le chanteur de mes quatorze ans...J'ai repensé à ces mélodies qui me berçaient alors. « Des mots de tendresse et des mots de femme que tu caresses et qu'on condamne...et qu'on condamne, petite Anne » 
Quand je me roulais dans le spleen en triturant mon âme comme un bouton enflammé. On buvait des diabolo-menthe, on fumait des gauloises bleues...
Rue de la Huchette. Fabuleuse chanson. Du concentré de petites étincelles de temps, de pauvres vies juxtaposées et emmêlées, des paumés du petit jour. « Du goudron sur des vieux pavés où traînent des rêves infinis »... 
Tout ce que j'aime quand j'ai le coeur au bord des yeux. 







cliquez sur l'image pour accéder 
(j'espère) à la musique...je n'ai rien
trouvé de mieux en magasin.






17 novembre 2016

Biche aux pieds d'Erin...














































Je n’ai pas renoncé
A mon rêve plus grand que la mer impétueuse
Manteau flou d'émeraude
Plus fatale et plus belle à l'envol des pétrels
Elan fougueux ouragan sombre
Un soir
Je le verrai
Il viendra m’emporter
Dans ce cargo flambant où le charbon rougit
J’aurai ma robe fine
En vert velours satin embué de nuage
Par les embruns récifs escales phares étranges
Fous oiseaux larges ailes
Voiles blanches et roussies
Et l’alcool fulminant sur les aigreurs des ports
Chevelure criant toute arrosée d’étoiles
Flammèches de Saint Jean
échappées d'un brasier
rose et orange aurore
au matin renaissant

Un jour, un jour
Rutilant dans l’air frais
et le soleil d'hiver
les falaises
de Clare
éclairant l'horizon de leur barre dorée
On s’assoira sur les moutons
On nagera dans les bruyères
On boira la couleur des ciels
On tricotera nos orteils
Dans les ruisseaux de mousse froide
On chantera jusqu’aux confins
Sur les landes
assommées de vent
Il glanera
Il fauchera
Moissonnera mes éphélides

Je lui dirai l'amour,
dans un verre de stout 
Il me dira l'amour
En regardant ma main
On le fera sur les falaises
Là où le vent rend fou
pâles et nus dans la brume

Un jour, un jour, tu sais
Je n’ai pas renoncé
A mon rêve d’Erin
Je n’ai pas renoncé
A mon rêve
d’airain


¸¸.•*¨*• ☆





Pour les jeudis-poésie d'Asphodèle
Musique: Solas, Crested Hens


13 novembre 2016

Lapin





A la croisée de nos routes pâles, tracées hâtivement par une main inconnue, sous la clarté fugace des dernières étoiles, grisées d’ombres furtives, il y a ce banc sur lequel je t’attends. Je n’y crois pas. Mais pourquoi pas ?
Exactement là, dans cette rue irisée de la pluie de la nuit. L’asphalte me parle de toi. Le petit bar du coin me parle de toi. Les feuilles de platane qui s’assoupissent sur le chandail vert de la pelouse me parlent de toi. Et la musique languissante du joueur de saxo en haut des marches du métro.
A la croisée de nos vies, je n’ai que des larmes de temps à t’offrir. Des peluches de laine que l’on extirpe du pull du bout des doigts. Des gouttes, des perles qui roulent, des miettes de sons, des bouts d’images.
Une photo que l’on déchire et que l’on reconstitue d’une main tremblante en recollant les morceaux.
Viens vite, il fait humide sur ce banc mouillé d’automne. Mon ciré pleure des lambeaux d’éclairs sous le dernier réverbère de l’aube.
Nous n’aurons qu’une bulle mais elle  sera magique. Elle dansera au-dessus des lumières de la ville, comme un gros bubble-gum, nous y serons au chaud, nos corps  tendus comme des cordes de guitare. Le vin rouge sang coulera sur ma gorge.
Dépêche-toi, je gèle sur mon banc, je vais partir, nos routes vont se manquer.
Mais le bar-tabac sort ses tables à carreaux rouge et blanc. Le soleil point sur les toits bleus.
Tu ne viendras pas. Tu as pris une autre route et le banc m’a griffé une écharde dans la peau, je crie en silence. Dans le matin blêmi, mes seins frissonnent du manque de toi.


Un texte que j’avais griffonné sur un cahier d'adolescence...il y a ...un jour, un siècle, une éternité ?



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