Ce matin, je me suis éveillée au chant du coq, comme tous les jours depuis que le nouveau voisin a installé son poulailler au bas de la colline.
Contrairement à certains fâcheux qui râlent contre cette prétendue « pollution sonore », j'adore ce premier bonheur du jour. Ce sont les mêmes qui rouspètent après les cloches. Des grincheux qui préfèrent sans doute le doux ronron d'un aéroport ou les effluves d'une station d'essence.
On en apprend de belles sur ce volatile en musardant sur la toile. Sa symbolique, son histoire, son caractère chinois... Saviez-vous, par exemple, qu'un animal ailé fabuleux, à tête de coq et à corps de serpent, s'appelle le coquatrix ? Son prénom ne serait-il pas Bruno, par hasard ?
Moi, ce que je sais, c'est que l'emplumé du voisin annonce le lever du soleil de manière naturelle et joyeuse. Et que ça me va bien.
Tout à coup, je réalise que cela fait dix ans que j'ai abandonné le réveille-matin quotidien. Dix ans que je fêtais ma jubilacion, avec je dois le dire, une certaine allégresse...et sans me retourner, prête pour ma nouvelle vie. Je n'ai jamais regretté d'avoir quitté le métier avant d'en être lassée. Pas un jour, dans cette décennie, où je me sois morfondue, ennuyée, pas une minute où j'aie envié ceux que j'ai laissés sur le grand bateau de la vie dite active...
Fin août, les ombres des acacias et des chênes s'allongent sur l'herbe encore jaunie. La lumière prend cette teinte inimitable qui fait le bonheur des photographes et des peintres.
Les gynériums lancent leurs plumeaux vers le ciel. Septembre s'annonce.
Chaque année, à cette période, je rêvais d'une école toute fleurie de pervenches et de liserons bleus. Aux fenêtres des rideaux de mousse blanche flottaient au vent du matin.
De petits chemins herbus serpentaient dans le jardin, et les balançoires transformaient aux récréations les enfants en métronomes.
Je rêvais que les professeurs s'appelaient Jean Rivet, Pierre Gamarra, Jacques Prévert.
Des bouquets d'hirondelles poussaient sur les arbres de la cour, les couloirs sentaient la myrtille et la châtaigne en automne, et sur le poêle, l'hiver, chaque flaque d'eau était un bonhomme de neige évanoui. Au printemps le jasmin y embaumait.
L'été incendiait les soirs.
Sur le tableau, un coeur était tracé dans un peu de poussière de craie. Toute ma vie...
Je rêvais que les cahiers et les leçons avaient des noms étranges.
Livre d'étoiles, cahier de bonheur simple, leçon de rosée du matin, petit carnet de résolutions courageuses, manuel de rouge aux joues.
Je rêvais en préparant mon cartable.
Je ne comptais plus mes rentrées des classes. Mais rien ne m'empêchait de compter les battements de mon coeur quand je me retrouvais pour la énième fois devant mes chers élèves.
Désormais chaque année, à cette période, j'ai une pensée pour vous. Oui vous, les « actifs ». Pour ceux dont les vacances ont passé trop vite, et qui se retrouvent dans ce vortex incroyable, ce tambour à essorage appelé rentrée des classes. Qui ne génère pas que de doux rêves, d'ailleurs...
Avez-vous toujours ce léger vertige avant le jour J, cette peur diffuse et intrinsèque qui saisit le ventre, faites-vous toujours ces « cauchemars d'école » dans lesquels le réveil ne sonne pas, vous loupez la rentrée, ou alors vous avez 52 élèves qui montent sur les tables sans qu'aucun son ne sorte de votre bouche ?
Je pense aussi à mes petites étoiles qui retournent à l'école, remplies des bonheurs de l'été, les yeux plus clairs que jamais.
Quoi qu'il en soit, je vous souhaite la meilleure des rentrées à tous, jeunes padawans.