![]() |
| Image : Gier |
Petite dystopie en chlorophylle majeure.
Par la magie des coïncidences, j’ai été amenée à visiter, grâce à mon ami Gérard, un de ces lieux qui font du bien, où les nourritures de l’esprit et du corps se mêlent adroitement pour un moment paisible et hors du temps. L’Arbre Vagabond, il s’appelle. C’est une librairie au milieu de nulle part, salon de thé, bar à vin, restaurant, où l’on peut errer librement durant des heures. Niché dans un coin paumé entre la Haute Loire et l’Ardèche, vous savez, là où le bruit et la fureur ne parviennent qu’étouffés, ce genre de bulle de sérénité sertie dans les pâturages gras et la rude pierre de là-bas.
Dans le même temps, chez Gier un autre ami de la toile (aux deux sens du terme, car il est artiste et je ne le connais (pour l’instant) que sur le web) je découvre une série de dessins intitulée L’Arbre Vagabond.
Cette concomitance m’a donné envie d’écrire une petite histoire pour les (grands) enfants que nous sommes.
***
Cette année-là, certains arbres commencèrent à en avoir ras la ramure de l'engeance avec qui ils partageaient la terre depuis le matin des temps. Maltraités, pollués, acidifiés, abattus, calcinés, débités, dépités, ébranchés, écimés, décimés par cette espèce particulièrement néfaste et obtuse, qui ne comprenait toujours rien, malgré son cerveau prétendument développé.
Les Z'humains.
Ces arbres aventureux décidèrent de s'arracher pour aller voir ailleurs si l'homme était moins con. Mais quand je dis s'arracher, c'est au sens propre. Vous n'imaginez pas l'énergie qu'il fallut à ces mastodontes pour soulever leur gigantesque motte de terre hors du sol, délicatement en somme, sans mettre à nu leurs racines. D'aucuns auraient parlé d'énergie du désespoir, vous voyez... Tout de suite, le phénomène attira les journalistes, toujours avides de sensationnel, les éminentes sommités scientifiques, les milieux autorisés, le gratin politicard, bref, la routine habituelle en cas d'événement inhabituel. On ne parlait plus que de ça.
Par un système de câbles qualifié d'ingénieux, on attacha vite les végétaux épris de grands espaces. Certains virent là l'occasion d'une belle opération financière, ils placèrent tout autour une clôture électrifiée, une guérite à l'entrée et fondèrent le Parc d'attraction des arbres vagabonds. Ce fut un immense succès.
Cependant les arbres grommelaient dans leur for intérieur, et leur colère silencieuse, ( que l'on aurait pu résumer par « mais ils sont vraiment dingues ou quoi ? » ) leur colère donc, par une connexion subtile qu'aucun scientifique ne s'explique vraiment, se répandit tout autour de la planète, et bientôt, ce furent des dizaines, puis des centaines d'arbres qui s'envolèrent, et conséquemment des centaines de parcs d'attraction qui fleurirent un peu partout. Les businessmen et les géographes de tout poil se frottaient la panse à l'idée de produire encore plus de pognon.
Mais quand une chose devient banale, elle n'intéresse plus les foules et on laissa peu à peu les arbres à leur lévitation. Ce fut un désastre boursier.
Alors, les arbres décidèrent une bonne fois d'en finir avec l'espèce humaine, et voyant que personne n'avait pris la symbolique de leur mouvement de contestation au sérieux, ils n'eurent aucun mal à casser leurs dérisoires câbles et quittèrent la terre tous en même temps, emmenant avec eux la biodiversité qui fait le miracle de la vie. Ils savaient bien que sans eau, ils ne tiendraient pas très longtemps. Mais quitte à mourir, autant le faire avec panache. Ils formèrent un immense nuage vert, qui entoura la planète d'un halo moussu, devenant un manteau de plus en plus touffu obscurcissant l'atmosphère. En trois jours de nuit noire, une épaisse couche de glace avait tout recouvert. Au bout d'une semaine, tout s'arrêta, figé dans un gel quasi absolu. Les quelques survivants (il en faut toujours dans les dystopies) grelottaient à la recherche de pitance, mais la vie animale et végétale avaient déserté la surface, et les billets de banque avaient un goût de fiel filandreux. Leurs os gelèrent en se brisant comme du petit bois sec. Quant à la mer, complètement prise dans les glaces, elle ne nourrirait plus son homme. De toutes façons, il n'y avait plus d'hommes. L'humanité était toute mourue. Foutue. Disparue. Ratatinue.
Bon débarras ! se dit la Terre, qui ébroua ses hémisphères, étira ses méridiens en baillant, et rappela les arbres un à un par leur petit nom.
Flattés, ils redescendirent doucement et ce ballet fut extraordinaire. La vie triomphait enfin, délivrée de cet éternuement cosmique que l'on appelait les Z'humains.
Seul un vénérable chêne millénaire, qui en avait vu passer des vertes et des bien mûres, bougonnait un petit regret : « Dommage, ils étaient pourtant capables de grandes et belles choses... »
Merci à Gier pour son dessin.

Bonjour Célestine, je t'ai fait une petite création d'un arbre bien âgé qui s'envole ! Mais je ne sais pas si le lien va fonctionner, il a d'ailleurs peut être brisé tous ses liens et s'est envolé trop haut ;-)
RépondreSupprimerhttps://lh3.googleusercontent.com/gg-dl/ABS2GSn-FszheB5AsekPhgAIxGaOQgNbNtY2fDJz9QuwnJu05hOAqFV3MleQ9uF_EvXR_vUzcPzE9avrgZ6ptP843lbbIr62Rc4SZgbJCuQ_kftfh4WtN1Ery9gahHTNtecpJIzwMOV0IxNpsahB4IfYIntSelF14WTasJUvF6iFz_I2wP3j4Q=s1024-rj
En effet, le lien ne fonctionne pas. Tu l'as publié sur ton blog ?
Supprimer•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Non, publié nulle part, il s'est envolé trop loin 😉
SupprimerTu peux me l'envoyer par mail si tu veux...
Supprimer(onglet "contact" sous la bannière)
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Impossible de le retrouver, j'aurai dû le sauvegarder. Tant pis ! Bises et bonne soirée :-)
Supprimer😢
SupprimerAlors là, oui, rouler gentiment sur les départementales de la Haute Loire et tomber sur une librairie/troquet/resto... là, il y a poésie...
RépondreSupprimerBleck
Si tu le dis ! ;-)
Supprimer•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
J'aime beaucoup la manière dont le dessin de GIER t'a inspiré ce texte. (j'ai chez moi plusieurs œuvres de lui). D'autant que dans ma tête, après avoir lu chez lui et commenté, j'aurais pu écrire quelque chose avec la même idée globale.
RépondreSupprimerJ'aime bien ta fibre de conteuse. N'hésite pas à continuer à nous en faire profiter dans l'avenir… :-)
Je profite d'une accalmie dans ma vie tourbillonnante pour écrire un peu plus que d'habitude. C'est agréable, c'est comme retrouver de vieux copains après une absence...
SupprimerAlors je ne te promets pas d'y arriver, mais je te promets d'essayer !
Merci pour ton enthousiasme, mon Babar
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Essayer permet d'aller jusqu'à la réussite !… ;-)
SupprimerSurtout au rugby ! 😊
Supprimerok je sors...
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Ouais, c'est toujours comme ça avec les arbres, t'en plante un dans un coin et ta planète explose, demande au Petit Prince ! ;-)
RépondreSupprimerAh oui, les baobabs...
SupprimerMais j'aime bien l'idée que les arbres soient des (h)êtres pourvu de sagesse...
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Ah, toi aussi tu entends la voix des chênes !
Supprimerhttps://youtu.be/lmIgo2RKj14?si=FUL-sPeF7ZMNNpTo
Houla! ça nous rajeunit pas ça, mon brave monsieur ! 😂
SupprimerTu as le don de ressortir des trucs qui plaisaient à mon paternel...
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Normal : tu m'as dit, un jour lointain, que je t'évoquais ton paternel ! ;-)
SupprimerPetite dystopie en chlorophylle majeure.
RépondreSupprimerUn titre prometteur, on n’est pas déçu de la suite
J’adore et toi avec ♥
Ton amie nona. Jak
Oh Jak, tu es incroyable ! Nona, déjà ! et toujours pêchue ! mais quel est donc ton secret de jouvence ?
SupprimerMerci ma belle pour ce passage lumineux.
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
J'ai adoré l'histoire, même si à la fin on est tous mourus !
RépondreSupprimerBises
Angela
Merci Angela tu es une vraie fan.
SupprimerDe toutes façons, quelle que soit l’histoire on va tous mourir quand même ! 😁
Bises
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Mais la terre se désolait de cette double perte des arbres et des êtres. Elle était devenu grisé triste et froide.
RépondreSupprimer« Ce n’est pas ma vocation, se dit-elle, je veux des enfants, des chats, des oiseaux, des abeilles. Je veux du vert et du beau. Je veux de la joie et de la couleur…. »
C’est alors qu’apparut un étrange personnage. Une grande femme, légère et solide à la fois, aux yeux couleurs de mer et aux cheveux couleur de cuivre. Elle se promenait dans ce désert triste … en chantant. A chaque endroit où elle se posait, poussait un arbre ou une fleur, puis deux, puis cent….et bientôt la terre oublia ses usines, ses autos, ses cheminées. La température variait de l’hiver à l’été mais les seules chauffages autorisés étaient les feux de cheminées qui rassemblent autour d’elles, et les seuls climatisations ces éventails légers qui prolongent comme des ailes les bras des femmes. La terre se remplit à nouveau de vie, d’animaux, de végétaux, d’hommes, d’insectes.
Et l’homme se le tient pour dit. Il soignera cette terre donnée et prendra soin d’elle et de ces arbres dans une harmonie bienveillante.
Que c’est beau ! Je crois reconnaître le style d’une personne qui m’est chère … les éventails qui prolongent les bras des femmes comme des ailes, ça c’est de la poésie …
SupprimerEn revanche qui peut bien être cette femme aux yeux de mer et aux cheveux de cuivre ? 😉
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Parce que cette fée (puisque vous avez reconnu une fée) peut non seulement réveiller la vie mais rallumer des feux dans les cœurs par sa seule apparition. Cette fée autrefois savait rentrer dans la vie de ceux qu’elle aime par de belles parenthèses enchantées. Elle sait encore le faire en envoyant simplement son image entourée de trois petits farfadets blonds. Elle rallume alors des feux. Elle ranime des braise. Si vous la connaissez dites-lui que je l’embrasse..
SupprimerJe lui dirai, pas d'inquiétude.
SupprimerElle sera ravie de l'apprendre. ;-)
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Ah les arbres... ils nous inspirent de belles choses et de bien jolis contes... :-)
RépondreSupprimerJ'ai regardé cette librairie dont tu parles, elle ne se trouve qu'à une cinquantaine de minutes de chez moi, donc j'irai, c'est certain, car je sais que ce lieu va m'enchanter ! :-)
Bonne fin de soirée, Célestine. Bisous.
Tu sais ce qui serait sympa ? C’est que l’on s’y retrouve l’espace d’une après midi…
Supprimer•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Je t'envoie Tistou les pouces verts?
RépondreSupprimerAh mon livre fétiche...
SupprimerMerci Cathy
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
... la Terre, qui ébroua ses hémisphères, étira ses méridiens en baillant...
RépondreSupprimer😊
Trop beau pour être commenté, merci Maîtresse !
Douce journée 😘
Quelle magnifique prétérition tu nous offres là, ma Julie.
SupprimerComment ça, tu ne sais pas ce que c'est ? Rappelle-toi, nous en avons parlé en classe.
Tu me le réviseras pour la semaine prochaine ;-)
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
😋
SupprimerJe suis bien trop terre à terre pour que mon imaginaire parvienne à te suivre, il n'empêche que j'aime bien ton histoire d'arbres vagabonds et rebelles :)
RépondreSupprimerDans l'esprit, elle est jouissive !
Bises enracinées.
Ravie de t'avoir apporté du plaisir avec ma petite fable écologique et collapsologique :-)
Supprimer•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Les arbres, la sécheresse, le feu, la tempête, la déforestation massive pour le profit. Ne me parlez pas de la souffrance des arbres car je sors mes griffes .
RépondreSupprimerL'arbre qui tombe fait plus de bruit que la forêt qui pousse (Proverbe africain)
Eh oui, ma Chinou. Et pourtant, il faut bien en parler, s'indigner, dénoncer, même si l'on se sent très impuissant devant la machine à broyer que tu appelles le profit. Le fric. Le pognon. Moi les arbres, je leur parle et je les embrasse.
SupprimerEt ils me le rendent bien.
Gros kiss
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Quelle belle fable ! Vous nous régalez chère amie ! Avez-vous décidé d'écrire à un rythme plus soutenu ? Tous vos lecteurs il me semble, vous le demandent à demi-mots.
RépondreSupprimerVotre talent de conteuse n'est plus à prouver, et votre histoire nous embarquent dans une belle réflexion, sous des dehors de conte pour enfant.
En un mot comme en cent, on en redemande.
~L~
Je profite d'une accalmie dans ma vie aventureuse et bien remplie, pour musarder du côté des blogs, et j'aime ça. Mais je ne peux rien vous promettre, comme je le dis à mon ami Alain X un peu plus haut.
SupprimerJuste essayer...
Bien à vous, mon cher aficionado
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Je deviens peut-être pessimisste mais trouver des êtres humains qui ne sont pas cons... ou juste un peu, c'est presque une quête impossible...Je salue la ténacité des arbres qui ont osé se rebeller. Bises alpines.
RépondreSupprimerJe me suis cru en perdition ... mais non.
RépondreSupprimerJe pense au fond de moi que toutes difficultés viennent de notre propension à "prêter " à l''Autre, quel qu'il soit, l'intention maligne de nous détruire...
RépondreSupprimerEt là, désolé, mais ton histoire prête à la terre une joie de nous voir disparaître.
Certes, individuellement et collectivement nous sommes capables du pire et du meilleur....
Mais il suffirait peut être de cette prise de conscience universelle : Commençons d'abord toutes et tous par n'envoyer que de l'amour inconditionnel à tout Autre, et la Terre nous gratifiera. d'autant.
Amour et joie universels
Ah il me plait ce petit conte plein de verve. "L'humanité était toute mourue. Foutue. Disparue. Ratatinue." : je fonds devant cette poésie enfantine.
RépondreSupprimer