04 juillet 2010

Vivre, c'est choisir

Vous êtes au bord d'une rivière tumultueuse. Vous vivez là, vous travaillez là, vous aimez votre vie   sur cette berge, en sachant qu'un jour ou l'autre, mais rien ne presse, vous devrez aller sur l'autre berge, c'est votre but final.
Sur l'autre rive, se trouvent deux jardins:  le premier,  avec quelques arbres fruitiers, quelques fleurs , est un honnête petit jardin sans prétention, sans beaucoup de surprise, avec des allées tracées au cordeau, dans lequel vous pourrez trouver suffisamment pour vivre, vous, mais cela risque d'être un peu juste pour votre famille, qui a encore besoin de vous. Vous avez peur, à ce moment précis de votre vie, qu'il soit trop tôt, et que de surcroît, vous vous y ennuyiez à mourir.
Alors vous vous tournez vers le second jardin,  qui le jouxte, oui mais voilà:  il est caché derrière de hauts murs et de  hautes grilles, et vous ne savez pas exactement ce qu'il contient. Tout porte à penser qu'il regorgera  davantage de fruits, et recèlera des chemins agréables et variés, des fontaines, des paysages surprenants, et en tous cas des possibilités  plus exaltantes pour vous et votre famille. Mais personne ne peut vous le garantir. Et si ça se trouve, au moment où vous y parviendrez enfin, il sera devenu plus maigrichon et morne que le premier jardin.
Il vous faut maintenant faire votre choix: soit un bateau très solide vient vous chercher immédiatement  et vous emmène, sans risque, dans le premier jardin, dont  vous ne pourrez plus sortir. Mais vous trouvez, résolument, que c'est vraiment trop tôt!
Soit vous vous engagez sur le pont de lianes branlant et aventureux, tendu au-dessus des remous furieux du cours d'eau, et qui vous mènera théoriquement vers le second jardin,  en sachant qu'une fois engagé au milieu du pont, il vous faudra continuer coûte que coûte la traversée, car vous ne pourrez plus retourner en arrière, tout en n'étant pas certain  que le jardin promis se trouve au bout. Vous vous demandez si vous aurez l'énergie suffisante pour affronter les dangers et les fatigues de cette traversée, et si le jeu en vaut la chandelle. Et vous trouvez, résolument, que c'est très difficile de faire un choix!
Parce que j'ai oublié de vous dire:
Vous avez treize jours pour vous décider.

Voilà la bonne nouvelle que l'Inspection Académique a apprise vendredi dernier à toutes les fonctionnaires qui ont élevé trois enfants. La possibilité de partir en retraite anticipée, à raison d'un an par enfant, est supprimée. Voilà les mères de famille réduites à jouer une douloureuse partie de "quitte ou double".
Depuis ce "lâcher de  bombe" médiatique très impopulaire, le ministre a prolongé magnanimement de six mois le délai de réflexion. Mais cela ne change pas grand chose: dans six mois, je n'aurai toujours pas envie de prendre ma retraite. Pour une fois, je ne suivrai donc pas la sagesse de ma grand-mère, qui m'aurait dit "il vaut mieux tenir que courir". Et je m'engagerai sur le pont branlant et aventureux, insouciante  (inconsciente, me disent certains) et cheveux aux vent...


18 commentaires:

  1. Et cependant...
    C'est si DELICIEUX d'être en retraite...
    :o)
    De re-traiter sa vie autrement.
    L'ouverture à tous les possibles !

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  2. Moi, je n'ai que deux enfants, alors pas le choix, j'irai jusque 62 au lieu des 55 prévus il y a 31 ans. J'ai la douloureuse impression de me faire avoir, d'autant que même si j'aime mon métier, des fois, j'en ai un peu marre.

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  3. ALAIN tu es un vilain! Tu me perturbes! Remarque tu n'es pas le seul. Il y a des gens autour de moi pour me dire la même chose. Mais ils ont dix ans de plus que moi. A 50 ans, je me sens trop jeune pour m'arrêter.C'est bête, non?

    BERTHOISE Si tu es instit depuis 31 ans, c'est comme moi: on a fait quinze ans en "service actif" ce sera 57 ans et pas 62. Et puis, la loi n'est pas encore passée, nom d'une pipe!

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  4. Mon oncle est décédé il y a deux ans d'une crise cardiaque en regagnant sa voiture sur un parking. Il avait 59 ans...et repoussait toujours la retraite, se croyant indispensable à sa pharmacie. Il n'a profité de rien.

    Une semaine plus tard, mon papa (54 ans à l'époque), choqué par le décès de son frère, n'hésitait plus et prenait sa pré-retraite. Il y perd financièrement mais il ne regrette pas. Il est tout content de vivre à son rythme, de passer plus de temps avec ses proches, et il continue de se rendre utile en aidant les uns les autres.

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  5. Je retiens surtout une chose de ce que tu écris au fil de tes billets c'est que tu aimes ton métier alors pourquoi le quitter d'autant qu'à l'arrivée 7 ans de plus et peut être un ou deux échelons supplémentaires ça mettra du beurre dans tes épinards.

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  6. Moi, j'ai pris ma pré-retraite à 50 ans, avec un pécule de misère qui me force à travailler encore. Après les fastes internationaux, je suis devenu chauffeur de princesse russe, répétiteur pour enfants en panne de grammaire ou livreur de courses pour personnes âgées handicapées. Avec ça, j'arrive à dénoyauter les cerises sur le gateau de ma nouvelle liberté gagnée. J'ai changé de vie, j'ai plus de temps à vivre et à partager. Je n'ai jamais mis mon boulot au centre de mes préoccupations, sachant que les grands oppresseurs publics ou privés auront toujours le dernier mot.

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  7. Voila que je perturbe Célestine !
    Honte à moi ! :o)

    Tout dépend bien sûr de ce que tu as envie de vivre dans les 10 ans qui viennent...
    Ce n'est pas tellement s'arrêter ou continuer.je suis pas sûr qu'il faille poser les choses en ces termes.
    c'est plutôt : qu'ai-je envie de vivre qui fera sens pour ma vie... C'est en tout cas une occasion de se poser la question.
    (évidemment, je mets de côté les aspects financiers qui peuvent imposer de poursuivre)

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  8. Je suis bien contente de n'avoir pas eu comme toi à choisir dans l'urgence!
    Je ne regrette pas d'avoir pris ma retraite à 53 ans mais je comprends fort bien que tu n'aies pas envie de t'arrêter!
    La belle mère de ma fille est dans la même situation que toi mais elle a choisi la sagesse:-)!

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  9. Rien à voir, mais tous les blogs blogspot sont devenus d'une lenteur abominable sur mon pc. D'autres dans le même cas? C'est dommage car ça prend si longtemps de lire que je n'irai certainement jamais à l'aventure sur un blog dont je ne sais qu'il est bon. Comme le tien. Et le jardin entouré de hauts murs.

    C'est vrai que 50 ans, c'est jeune. Je prendrais le jardin aux hauts murs (bien que j'avoue que jamais je ne pourrais traverser un pont suspendu... j'ai le vertige, le pied pas sûr du tout, bref, pas pour moi!), mais c'est vrai qu'on apprend à vivre avec moins, être heureux, jongler un peu, et avoir du temps pour soi.

    Je dois être trop influencée par les USA: ici pour le moment l'âge de la pension est de 66 ans. Et presque tout le monde continue de travailler sans quoi c'est aussi l'âge de la plus grande pauvreté.

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  10. Tous vos avis m'importent beaucoup, ils m'apportent des éclairages intéressants bien que contradictoires. Une de mes amies très chères me dit: quelle que soit la décision que tu prendras, tu considèreras que c'est la bonne. Elle me connaît bien. Je positive toujours au maximum.
    Ce qui est certain, c'est qu'au final, on est toujours seul devant un choix de vie.
    En attendant, je vais profiter un peu des vacances.
    merci tous mes amis

    ******Célestine*****

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  11. Du coup j'avais fait mon calcul... partir maintenant et chercher à cumuler un emploi avec ma pension (cumul possible sous conditions) ou en reprendre pour jusqu'à 68 ans... ben franchement, j'hésite encore !

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  12. Je comprends que tu hésites! Moi j'ai commencé à 17 ans et demi alors de toutes manières, à 55 ans je m'arrêterai, ça me fera 41 annuités avec mes gosses...
    Bonnes vacances quand même.
    Bises
    Célestine

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  13. Vues les métaphores que tu employais, au sujet des différents jardins, je savais qu'il était question de changement de vie. Mais le jardin de hauts murs n'est pas si périlleux que le jardin que tu décris pour en parler !

    Alors, AlainX a bien parlé, très bien, même. Tu dois suivre ton désir, sans te soucier, dans la mesure du possible, de l'aspect financier. Car il faut que tu saches que ton bonheur à toi ruisselle sur ceux que tu aimes.

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  14. Damien a bien de la chance
    Pré-retraite ?
    Pourquoi diable a t'on supprimé cette possibilité ?
    Arrêter en douceur.
    Prendre le temps.
    Pour ceux qu'on aime.
    Pour les autres, tous les autres.
    Et pour SOI.
    Enfin pour soi.
    Je bosse depuis l'âge de 18 ans. J'en peux plus.
    Et ON veut que je continue jusqu'à 62 ans ? Je refuse. Je trouverai une autre solution. Sinon je meurs.
    Cannelle.

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  15. Oui je comprends Cannelle.
    Je comprends que tu n'en puisses plus. J'ai la chance de faire un métier que j'aime, mais c'est pareil, je ne pourrai pas le faire jusqu'à 62 ans.
    Oui je voulais m'arrêter en douceur, j'avais eu trois enfants, j'y avais droit, ils veulent changer les règles du jeu en cours de partie, c'est une violence inacceptable.
    Non, ne meurs pas, Cannelle. Ton message m'emplit de tristesse. Je voudrais pouvoir faire quelque chose mais l'on se sent tellement impuissants devant cette poignée de décideurs qui ne connaissent rien à notre quotidien.
    Courage Cannelle, on peut encore faire reculer cette loi.

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  16. T'inquiètes Célestine !!!!!!
    Je n'agonise pas encore.........
    Pour l'instant, je réfléchis
    Et je réfléchis même pour deux.
    Egoïstement.
    Pour mon mari et pour moi.
    J'invite tout le monde à faire la même chose.
    Au lieu de râler et de pester contre une loi qui va forcément passer.
    Oui on peut aller manifester. Pour obtenir des broutilles. Piètre consolation, mais mieux que rien.
    Mais ensuite ?
    Ensuite ?
    Eh ben que chacun se pose les questions suivantes :
    "Quelles sont mes priorités, quelle importance est-ce que j'accorde à ma liberbé, à l'argent, à la société de consommation. Et MA santé, elle passe quand ? Avant ? Après ? Et ma famille ? Mes amis ?"
    Faire un bilan.
    Un peu comme une femme qui décide d'arrêter de travailler pour élever ses enfants.
    Calculer.
    Voilà.
    J'en suis là.
    Je réfléchis.
    Les solutions sont différentes pour chacun.
    A chacun de trouver la sienne.
    Plus de 50 ans ?
    Au travail, on ne veut plus de nous.
    ET ON NE VEUT PLUS DU TRAVAIL.
    La retraite ne veut pas de nous non plus........
    Punaise, va bien falloir trouver une variante !!!!!!!!!
    A nos méninges tous, en avant...........

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  17. Les jardins sont amplement fleuris, frugalement garnis, musicalement délicats, ils sont havres de paix....
    Il n'y a aucun courage à s'y reposer ou à s'y activer mais il se trouve des peurs au franchissement!
    Choisir parmi les obstacles à passer?
    Les multiples réponses doivent pouvoir orienter un choix!
    La difficulté réside dans la réponse dont subjectivement je veux me convaincre car je sais que la réponse objective me renvoie à un échec!

    Le troisième jardin est celui de la totale sérénité, celui où plus une peur, le passage est protégé par le fait de la clarté de la conscience qui pose les réponses sans détour et offre aux malheurs, aux bonheurs, un sens à la vie et à sa vie !

    QUELQUE SOIT TON CHOIX sache que mon amour t’accompagne et te soutient.
    Passe de douces vacances

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Je lis tous vos petits grains de sel. Je n'ai pas toujours le temps de répondre tout de suite. Mais je finis toujours par le faire. Vous êtes mon eau vive, mon rayon de soleil, ma force tranquille.
Merci par avance pour tout ce que vous écrirez.
Merci de faire vivre mes mots par votre écoute.