08 mars 2018

A vous les hommes






Chers hommes,





Aujourd'hui, on va beaucoup parler des femmes. C'est normal. La journée internationale des droits des femmes est un moment important pour la progression des idées humanistes dans ce bocal d'eau trouble qu'est notre monde en furie. La progression des valeurs universelles de respect, d'égalité et de solidarité ne peut pas, ne doit pas cesser. 

Sur un fond un peu délicat cette année, donc, puisqu'une brèche a été ouverte dans le mur du silence, une petite fente dans laquelle peut-être, je l'espère, s'engouffrera le vent de l'espoir. Celui de lendemains meilleurs dans la paix et l'harmonie. Oui, je sais,  l'utopie est tapie en moi et ne demande qu'à jaillir comme une fontaine. Cela ne fait-il pas du bien d'y croire un peu ?

Pour autant, je vous vois si dépités, depuis quelques temps, si contrits et tourneboulés par les débordements de certains débats, que je voudrais vous rassurer. Non, vous n'êtes pas devenus la race à abattre, l'ennemi public numéro un. Personne ne saurait tirer à boulets rouges sur vous dans votre ensemble sans paraître inconscient ou extrémiste. Ne vous sentez pas visés personnellement par ce qui ne concerne que certains. Certains, oui, ont posé sur moi leurs griffes terreuses et j'en porte encore la trace brûlante.

Mais pourtant, je ne confonds pas tout. Et je n'oublie pas que la cause féministe est aussi, et depuis toujours, défendue par des hommes autant que par des femmes. Il reste du chemin à faire, bien sûr. Mais je n'oublie pas que Simone Veil a porté et fait voter la loi qui porte son nom devant une Assemblée presque exclusivement composée d'hommes. Que ce sont des hommes qui ont décidé du droit de vote des femmes, et de tant d'autres avancées sur la route de l'émancipation et du mieux vivre ensemble.

Je vous crois de ceux-là, vous qui me lisez. Je vous crois profondément gentils, valeureux, honnêtes, courageux, respectueux et attachés aux mêmes valeurs que moi. Vous êtes sûrement de ceux qui disent « les frangines » en parlant des femmes. J'ai toujours apprécié ce petit nom délicieux, parce qu'il révèle de lui-même cette fraternité, cette sororité qui font le ciment d'une société libre. 
Et mon principe, c'est que l'on gagne toujours mieux  « avec » que « contre ».
J'avais envie de vous le dire doucement, vous qui m'émouvez beaucoup, me faites rêver, vibrer et rire souvent. 
La grâce de notre route commune dessine des étoiles dans mon coeur.

Et puis je vais vous confier un secret : aujourd'hui, c'est l'anniversaire de la plus merveilleuse. En toute objectivité, bien sûr. Ma douceur. Ma lumière. Ma prunelle. 
Ma fille, qui a choisi de partager son chemin de vie officiellement avec un jeune homme charmant. Prévenant et doux. Un type bien, qui la rend heureuse.  Un gars comme vous, en somme. 
Tiens, je me sens mieux de vous avoir dit tout ça.
A vous, les Hommes. Et à vous les Femmes bien sûr, mes frangines.
¸¸.•*¨*• ☆
Photo Céleste



Musique : Kevin Kern, Safe in your embrace

06 mars 2018

Les champs d'or





« Boire du thé fait pisser le temps. »
                                 
                         Sylvain Tesson  
                         (Aphorismes sous la lune et autres pensées sauvages)







Moment exquis
où sous le dôme amer de la journée qui fuit
Plus rien ne me blâme
Plus rien ne me nuit
L'air fait sa pause en éventail
Sous la berceuse du vent doux
La nappe oscille doucement
Fleurie de miettes au caramel
Echappées d'un sablé 
Un sablé récalcitrant
Un sablé récal' citron
Au loin le monde qui bruit
Qui rumeur qui frénésie
Me parvient tout assourdi
Et les soucis coupables poulpes
aux tentacules en équipages
soudain se tiennent à carreau 
à pique à trèfle et puis à coeur
Il est cinq heures
Il est sein coeur
A mon petit Big Ben de poche, 
Ardent, intrépide, pâle
Tu as traversé les champs d'or
pour déposer une couronne
Sur mes cheveux de crépuscule flamboyant
Et ce moment divin fait de moi une reine
en toc
en pécadille
mais bien reine quand même
Je bois 
En porcelaine blanche
je bois
Sous les papilles du silence 
je bois
Et la griffe du temps 
Soudain ne m'atteint plus
Il se fige et s'endort
Au milieu des champs d'or
Le chaud breuvage  
coule en moi
Je touche à la félicité d'un indicible doigt 
de plume
qui caresse ma gorge
en un frisson
C'est l'instant thé.










Pour le Printemps des Poètes, comme dit Gwenaëlle, printempoétisons.
Musique; Kevin Kern- Sting. Fields of gold

01 mars 2018

Les seins, zélés anges...



A toi, mon amie, ma soeur, qui te bagarres comme tant d'autres soeurs de courage, contre la vilaine bête. Ce nénuphar tout hérissé de piquants qui se niche sans permission dans le chaud et le doux des femmes. La bestiole est quasiment partie, la queue entre les pinces. La rémission, ça s'appelle. Allez, je pense à toi très fort. Tu vas gagner. J'écris à nos rires. A Elie Kakou. A tant d'autres choses qui te font sourire. Parce que le rire, c'est la vie. C'est toi qui l'as dit. Faut rigoler !







***


Avec tout ça, essayez donc d'être détendue, avant, pendant et après cette douce torture moderne qui porte le joli nom de mammographie. De mammo, seins et graphie, écrire. Ecrire les seins, c'est ça ? Je vais vous dire, docteur, en écriture de seins, vous avez des lacunes. Aucune style. C'est plat et froid. Et les illustrations en noir et blanc  rattrapent à peine la pauvreté du texte...
Je connais des poètes, depuis la nuit des temps,  qui ont écrit des choses bien plus sublimes...



« Tes deux seins sont comme deux faons, jumeaux d'une gazelle, qui paissent au milieu des lis... » (1)



N'est-ce pas ravissant, docteur ? J'espère que vous allez être touché par la grâce de cette image, tout à l'heure...Bon je dis ça pour donner le change, parce que là, mes deux faons se les gèlent dans cette cabine où je dois attendre torse nu que vous veniez me chercher... et j'ai l'angoisse qui monte. Pauvres petites colombes serrées l'une contre l'autre, tremblotant comme des framboises au gel, qu'avez-vous fait pour mériter ça...je récapitule  dans mon cerveau embrumé toutes les bonnes raisons que j'ai de ne pas m'en faire...mais aucune ne tient. Parce que la peur est là, comme un moucheron, à m'agacer les yeux. J'essaie de respirer.



« Oui, ma Lou, tu es ma Lou à moi, ma chose vivante que j'aime infiniment, mon bijou précieux, ma petite perle ronde comme ton derrière, comme tes deux petits seins infiniment jolis et si joliment fleuris de deux roses sans épines. »(2)



Ça y est, on vient me chercher, on m'embarque sur ce vaisseau métallique moche à faire peur, hérissé de bras et de cadrans. Et là, au mépris de la littérature, on me fait poser mon faon gauche, ma rose sans épine entre deux plaques froides, et on serre, on serre, et là, mes loupiots, je suis à l'épouvante maximum ! Et si le mécanisme s'enrayait ? On imagine déjà avec un haut-le-coeur irrationnel le petit faon éclater comme une grenade mûre et le sang mêlé de bouts de chair informes gicler sur les murs immaculés...Et c'est là,  alors que l'on est à bout de souffle, en apnée, tétanisée, que l'on entend le fameux : « Ne respirez plus ! » Euh... J'aimerais bien un peu d'oxygène quand même... Non?  pas possible ? 

« Ses beaux seins effarés, au tic tac de son coeur, 
 Tremblaient et palpitaient, comme deux tourterelles 
 Surprises dans le nid, qui font un grand bruit d'ailes 
 Entre les doigts de l'oiseleur. » (3)




Le tic-tac de la machine, respirez, ne respirez plus. Deux clichés par tourterelle, ça fait beaucoup... des tourterelles qui ressemblent, il faut bien le dire,  davantage à des crêpes, des  pancakes, ou des galettes de mil qu'à des oiseaux palpitants. Mais il arrête quand même avant le stade du 45 tours microsillon. De quoi je me plains... J'ai les larmes aux paupières, mais je serre les miches. Les poings. Les dents. Enfin tout ce que je peux serrer pour ne pas montrer que j'aimerais être n'importe où ailleurs que là. 
« Détendez-vous, c'est bientôt fini ! » Il en a de bonnes, ce toubib...



« Une femme au coeur pâle / Met la nuit dans ses habits. / L'amour a découvert la nuit / Sur ses seins impalpables. » (4)



Impalpables ? Ce n'est pas son avis, apparemment, il profite du retour dans la cabine pour vérifier de visu, de tâtu et de palpu qu'aucune concrétion, aucun caillou, oeuf ou petite olive ne se sont nichés dans mes nichons, et que rien n'a échappé à sa sagacité de fin limier sénologue. J'avoue que le contact de ces belles mains professionnelles, même totalement dépourvu d'affect et d'érotisation, et au vu de ce que viennent d'endurer mes deux pancakes, c'est comme un délice après la capitale de la douleur...



 « Que des noeuds mal attachés
 Dévoilent pour nos péchés 
Tes deux beaux seins radieux
Comme des yeux » (5)



Encore cinq interminables minutes d'affres de frousse absolue et terrifiante, peuplée de « et si...? » . Et puis vous entrez, tel le deus de la machina, pour me dire que tout va bien. Alors, sûr que j'ai les yeux radieux comme mes seins, docteur. Je dois même ressembler au Ravi de la crèche tellement la bonne nouvelle me rend bée. Béate. Coite. Moite. Je vous ai maudit tout à l'heure, et maintenant je me rhabille de joie, et je vous serre les mains de mercis. L'allégresse me gonfle le coeur et mes seins soudain légers comme deux balles d'hélium qui ont repris leur forme globulaire semblent me soulever du sol. Allez, à dans longtemps...
Je ne m'enfuis pas docteur, je vole !







(1) Cantique des Cantiques VII, 7-8
(2) Guillaume Apollinaire, Lettre à Lou
(3) Théophile Gauthier, Poésies
(4) Paul Eluard, Capitale de la Douleur
(5) Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal



Sinon, pour ceux qui aiment le gore, j'avais écrit, il y a longtemps, les mille et un bonheurs d'être une femme...

24 février 2018

Voyage





Le plus grand voyageur n’est pas celui qui a fait dix fois le tour
du monde, mais celui qui a fait une seule fois le tour de lui-même.
Mahatma Gandhi









A toi, qui m'accompagnes sur mon chemin...







C’est un endroit extra, aux richesses inattendues. On dit que les frondaisons flamboyantes de ses orées s’inclinent sur les dalles bariolées de parvis enchanteurs. Les ombres mouvantes y dessinent des théâtres de douces voluptés. La paix baigne ses lacs et ses sentiers. 
 Tu auras peur, au début. Mais le voyage en vaut la peine, tu peux y aller.
Ceux qui l'ont tenté n'en sont pas revenus, de tant de bonheur trouvé.
En embuscade dans cette jungle, pris dans les lacs de lianes trop intriquées, et comme maléfiques, tu te croiras loin de tout. Dans l'isolement total, sans appui et sans armes. Ton chapeau s’envolera peut-être au vent défrisant qui courbe les épineux au-dessus des vallons. Tes chaussures serreront tes pieds comme des nasses. C’est que le chemin y est aride. Aride et rude.
Les eaux saumâtres aux algues vénéneuses, boursoufleront tes mains avant même d’étancher ta soif. De sombres poissons au fuselage ocre et carmin troueront ton espace de questions insidieuses. Tu auras chaud, tu auras froid.
Les ronces voudront t’empêcher de passer, semant des graines de chaos et de doutes sur ton passage. Ton habit se déchirera, et peut-être ton courage.
Mais tu continueras. De frêles bicoques d’encre et de papier  trembleront au bord des précipices. Ce sera long. Des ennemis invisibles tenteront de t’atteindre. De te décourager dans l'aventure. Toi, tu seras en solitude, courbé à surveiller les planches pourries des pontons, et à garder ton équilibre pour ne pas tomber dans des ravins de poussière.
Mais des mains se tendront bientôt, bienveillantes, pour t'aider à franchir les cols, les névés, les avens. Tu reconnaîtras tes vrais amis. Tu affermiras ton pas. Tu respireras plus ample.
Et puis un jour, un jour enfin, de clarté bleue et tissé d’or, s’offrira à ta vue brûlante et épuisée par l’ophtalmie, à tes membres perclus de douleurs sourdes, et presque à bout, le plus beau des panoramas.
Et de l’eau à ta bouche asséchée coulera d’une fontaine, apaisant ton cœur de tous ses maux. Tu auras fait le plus beau des voyages : celui qui mène à toi.Trouvé le plus beau des trésors : cette force au fond de toi. Alors, as-tu commencé ? Ou attends-tu encore, en tremblant sur la berge, que le fleuve de ta vie s'écoule sans toi ?

¸¸.•*¨*• ☆







Musique : Didier Squiban- Iroise

19 février 2018

Horoscope mystérieux







Lakevio nous propose cette semaine de nous emmener dans l'escalier, forts de cette citation de Patrick Modiano :

« Il ne faut jamais éclaircir le mystère. De toute façon, un écrivain ne le pourrait pas. Et même s'il cherche à l'éclaircir de manière méticuleuse, il ne fait que le renforcer. »



Et pour les Impromptus littéraires, qui font sortir la Lune de sang.


















Un soir de lune de sang, j'ai rencontré sur mon palier un astrologue.  Sa robe d'étoile azurée scintillait dans l'obscurité. Il m'a donné votre horoscope mais chut ! Ne le dévoilez pas...




***


Bélier
C'est tout en haut de l’escalier que vous trouverez votre clé. Et votre énigme personnelle ne contemplera plus que vous. Gravissez tout doux les degrés, et sur la pointe des pieds, pour capter ce souffle subtil, cette énergie évanescente qui vous portera tout en haut, plutôt que de vous essouffler à les écheler quatre à quatre. C’est ainsi que l’on raffermit sa hardiesse et ses mollets.

Balance
Sur le palier…à droite ? à gauche ? Vous hésitez, vous balancez, la vie pour vous est un dilemme, une éternelle croisée des routes, suivis d’un autre niveau, et d’autres routes entrelacées. Respirez ! vraiment, respirez ! Sinon vous risquez d’énerver un bélier ou un sagittaire...avant de s'en servir bien sûr !

Vierge
Quel est donc ce rayon de lune ou de soleil où vous courez ? Peut-être l’avatar fugace de votre rêve en bandoulière, vous que la crainte désespère…Si vous n’aimez  la sombritude, ouvrez votre regard profond et captez la fine lumière, elle est tout près. Mais chaussez des lunettes noires qui vous donneront, c’est écrit, un air extrême de mystère.

Lion
Vous êtes de ces fauves-là qui montent impérialement, tous les degrés de l’existence, palais de songes flamboyants, votre port royal et altier ne se prendra pas les pieds dans le tapis rouge carmin des contrariétés passagères, grâce à la triple conjonction bénéfique de Jupiter, de Saturne avec ses anneaux et du balai de la concierge.

Verseau
Tout est trempé après l’averse de problèmes épineux, et vous risquez de trébucher sur le marbre luisant d’et puis ? Et alors ? Mais encore ? Cherchez partout le moindre indice, accrochez-vous bien à la rampe, et vous ferez un pied-de-nez aux nez-de-marches en laiton. Ou en letton, si vous avez de l'amour pour les pays baltes. 

Taureau
Méditez cette citation de notre grand Romain Gary
« Je me suis assis dans l'escalier et j'ai pleuré comme un veauLes veaux ne pleurent jamais mais c’est l’expression qui veut ça »
Et si vous sautiez la barrière ? Un scorpion en pince pour vous. C’est clair, vous pouvez foncer. N'hésitez plus, le chiffon rouge est accroché à un barreau.Et ne pleurez plus comme un veau.

Cancer
Une boule de cuivre rose scintille au pied de la volée. Un symbole de vent solaire ? Un point final d’exclamation à une histoire en pointillés ? Ou une inaccessible étoile ? Ne vous perdez en conjectures, la vie vous attend tout en haut, sixième étage, porte bleue.
Tapez trois coups : votre spectacle va pouvoir enfin commencer. Comédie ou tragédie ? Vous avez le choix du pari.

Capricorne
Vous souffrez d’esprit d’escalier, les Jorédu, les Jorépu, créatures mystérieuses qui vous collent aux entournures et vous soufflent toujours trop tard, la réponse qui ferait mouche. Mais aujourd’hui profitez-en, Vénus vous a à la bonne, et vous serez vraiment surpris de ce merveilleux à-propos qui vous emmitoufle d’audace. Jetez-vous dans les bras du vent. Et caressez la conjoncture.

Scorpion
On vous écrase, on vous épingle avec des mines dégoûtées quand on vous croise dans l’escalier. Mais aujourd’hui c’en est fini. Vous allez pouvoir leur montrer de quelle chitine vous êtes fait. Et que le feu qui vous dévore ne vous détruira jamais. Vous êtes empli de force vive et du souffle des profondeurs sous votre carapace noire. C'est votre beauté intrinsecte.

Sagittaire
Le bonheur à un jet de flèche, ça vous dirait ? Tirez-en une de votre carquois familier, bandez votre arc, votre arc-en-ciel, votre arc en ogive brisé. Grimpez une à une les marches au pas de Sioux, sans respirer et puis soyez prudent surtout, le bonheur est un oiseau fou qui ne demande qu’à s’envoler par le vasistas du palier.
  
Gémeaux
Vous monterez, et croiserez, dans l’autre sens et sans arrêt votre double qui vous ressemble. Mais ce n’est plus un escalier, soudain c’est une échelle de soie, un grain de haricot germé dans vos cœurs timides, éblouis, celle que Jack avait semée pour accéder au paradis.Proposez-lui donc un palier, comme un sas de décompression, enivrez-vous des bulles d’air qui s’échappent de la bouteille. Plongez enfin au bonheur trouble et apprivoisez votre double.

Poissons
Les prochains jours verront fêter votre énième tour de soleil ? Applaudissons des deux nageoires. Votre grande ingéniosité vous sort à chaque coup du sort, des tourbillons,  paquets de mer, escaliers en colimaçon. Vous aurez l’écaille luisante, et la branchie avantageuse et la vie vous fera de l’œil, un œil, bien sûr, de merlan frit. Mais pas de friture sur la ligne, vous serez aimé et compris.

Serpentaire
Vous saurez charmer tous les gens par votre regard envoûtant, montrer une grande souplesse intellectuelle s’entend, qui permettra de faire glisser les soucis les contrariétés sans atteindre votre nid douillet.
La période sera peut-être l'occasion de changer de peau. Si vous vous sentez pris au collet, n'en faites pas tout un sac. Gardez donc votre sang-froid et sifflez par vos oreillettes en agitant vos grelots. 



¸¸.•*¨*• ☆

17 février 2018

En terrasse








« Quelques jours après, à la terrasse d'un café, je buvais de l'alcool tout en observant de l'œil droit une femme blanche et rose comme la reine des banquises et du gauche une femme bleu de Prusse, aux yeux brillants, aux lèvres blanches en glace de Venise, qui lisait une lettre écrite sur papier garance. »


 Robert Desnos








L'ombre de Léon-Paul Fargues rôde sur ce qu'il appelait malicieusement « les académies de trottoir ». 
Les terrasses de café ont quelque chose de très littéraire, elles sont si délicieusement inscrites à notre « tableau culturel français »...
En tout cas, elles brillent au petit panthéon portatif de mes plaisirs d'épicurienne.
J'y retrouve souvent mes amis pour partager quelques éclats de rire. Ou j'y vais seule, pour rêver ou observer les gens à travers le prisme de mon verre.
Ce que j'aime ? 
J'aime les petits déjeuners parisiens,  sentir les premiers rayons du jour caresser  les croissants, encore chauds et tout gonflés, un petit matin d'été. L'odeur du café fumant. Le sucre que l'on déshabille lentement de son papier, la confiture d'abricot que l'on étale sur le pain en se léchant les babines.
J'aime le chocolat chaud à la cannelle, au bar d'altitude, quand les doigts gourds se réchauffent sur la tasse, pendant que les dernières lueurs du jour nappent de rose les cimes comme dans une aquarelle de Samivel.
J'aime l'heure du thé au Commerce, sur la place des Tilleuls, devant la fontaine où s'ébattent les pigeons...Ou, tiens, le petit apéritif à la Marine, sur le port, bercée par l'odeur âcre de la marée,  déchirée par les cris des gabians qui rasent les voiliers du bout de leur aile de craie.
J'aime ce dernier verre impromptu, au café Grévin, en sortant du théâtre à minuit dans cette ambiance noctambule et assourdie dont s'emmitoufle Paris, seulement pour ceux qui se couchent tard.

En terrasse, j'attrape la joie en suspension dans l'air, je la capte, je la fais couler en petits ruisseaux d'encre sur les pages d'un carnet de moleskine. Elle se transforme en écriture. Pour dire les printemps, la fraîcheur de l'ombre d'une placette en été, le froid piquant d'un janvier quand s'installer dehors tient de l'audace folle. Ce qui m'importe, c'est moins ce que je bois que les mille sensations qui me traversent.

Non, je n'oublie pas que la mort a frappé, un soir de novembre, des gens qui, tout comme moi, y goûtaient l'insouciance d'un moment de liberté.
Mais aucune terreur ne saurait empêcher que l'on s'y égaie. L'amour y flotte en filigrane. N'en déplaise aux porteurs de haine et de sang.
Conversations badines, rêves éveillés, regards. Le musicien qui ne semble jouer que pour moi. Tout me charme quand j'écoute battre le coeur de la cité à l'étendard des terrasses. 


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