« Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait... »
Mark Twain
Les héro·ïne·s de mes livres d'enfance avaient un peu tou·te·s le même profil. Intelligents, raisonneurs, rebelles, courageux, obstinés, impertinents, sensibles. Allergique à l'autorité abusive de ceux qui savent mieux que les autres, en se réfugiant derrière leurs galons.
Fifi Brindacier, Fantômette, Anne avec un E, Tistou les Pouces Verts, Le Petit Prince, Zazie dans le métro, Jonathan le Goéland. Ulysse vainquant le Cyclope. Oui, à y bien réfléchir, ce sont des êtres que l'on essaie (sans succès) de faire entrer dans le rang. Des poseurs de questions, qui refusent de se soumettre à une injonction sans en comprendre le sens.
Des êtres impétueux, indignés par l'inertie de ceux qui se résignent à leur condition sans même imaginer qu'elle pourrait changer. Tel l'allumeur de réverbères, enchaîné à sa consigne, avec son encéphalogramme de moule anorexique. Réagis, bon sang !
Je réalise que, comme eux, je détestais déjà le conformisme et les idées toutes faites. Ainsi que la phrase « c'est comme ça » souvent accompagnée de son corollaire « et pas autrement ! ».
La quête de sens n'est pas une élucubration. C'est une vraie philosophie de vie.
Dans la série des phrases urticantes que j'ai eues à me coltiner, il y a aussi le célèbre « c'est pour ton bien, tu comprendras plus tard ». Même s'il est vrai que l'on met parfois toute une vie à comprendre certaines choses, c'est quand même assez violent de s'entendre dire que « pour l'instant » l'on est trop bête.
J'ai beaucoup travaillé à dompter ma nature sauvage, à respecter les règles quand elles ne sont pas iniques ou dépourvues de logique. A écouter la parole sage des anciens. A accepter l'inéluctable. J'ai lissé mes scories, calmé mes réparties, adouci mes jugements. Surveillé ce feu de volcan toujours prêt à se réveiller. Me prouvant que se rebeller contre le fatalisme du « c'est comme ça » commence par soi-même. Oui, on peut changer les choses, et notamment améliorer ses propres défauts, surtout s'ils nous ont fait souffrir. Non, ce n'est pas impossible.
Mon double métier de mère et d'enseignante, me souvenant de ce que j'avais détesté, m'a permis d'éduquer les jeunes âmes dans le souci de cet équilibre subtil entre bienveillance et exigence. Je leur ai appris à ne jamais dire « c'est comme ça » avant d'être bien sûr que ça ne peut être autrement. Oh, j'ai bien dû dire quelquefois : « C'est comme ça, et pas autrement !!! » sur le ton de la daronne à bout d'arguments, c'est humain. On n'est pas le dalaï lama, non plus... Mais dans l'ensemble, j'ai rarement dû avoir recours à l'autoritarisme.
Je leur ai appris à obéir et aussi à désobéir. A croire en des valeurs et aussi à être sceptiques en ne gobant pas tout. Je leur ai appris « mon » sens de la vie. Ce qu'ils en feront leur appartient.