25 mai 2024

Lettres du Japon (5) Kanazawa




Ce qui surprend, au marché au poisson d'Ohmicho hormis les odeurs de grillades et la vue de certains plats gluants au parfum âcre, pas forcément évidente de bon matin, c'est la profusion affolante des emballages plastiques. Ici, que tu ailles à la supérette ou au marché traditionnel ne change pas la donne écologique. C'est une catastrophe. Les militants de Zero Waste seraient au bord de l'attaque d'apoplexie. 
L'expérience est quand même intéressante sur le plan ethnologique et sociologique. Bref, quand on s'intéresse aux us et coutumes étrangers. Quand on aime la découverte.
Pièces de bœuf de Kobe à 160.000 yens le kilo (environ mille euros... Eh oui, le yen a dégringolé, et ressemble à l'ancien franc de nos parents : il ne vaut plus tripette.)
Fraises présentées en brochettes, cuisson des poissons au chalumeau, légumes et champignons inconnus, biscornus, racines de gingembre confites, glaces au thé, sake à la prune ou au yuzu, et l’inénarrable thé matcha, au délicat goût d'épinard bouilli.
La suite du programme fut sans conteste le clou de cette belle journée : le parc Kenrokuen. Un enchantement. Un chef d'oeuvre de jardin à la Japonaise. Il est extraordinaire d'observer la façon dont ils entretiennent chaque arbre, chaque brin d'herbe, chaque fleur, amoureusement, avec une précision de chercheur d'or. Nantis de leurs binette ou de leur balayette, ils ôtent tout brin de feuille morte,  herbe indésirable ou petit bout de papier qui risquerait de rompre l'harmonie du lieu... Leurs pépites, ce sont les arbres, soutenus par des étais comme des vieillards sur leurs cannes, mais aussi les roseaux, les iris d'eau et ces bouquets d'azalées qui se pomponnent en se mirant dans les étangs. Les jardiniers japonais ôtent les mauvaises herbe à la pince à épiler. C'est un peuple qui a le goût du détail.
Ce goût se retrouve dans les toilettes, des lieux extrêmement soignés, avec les fameux wc à la japonaise ressemblant à un tableau de bord. Le film « Perfect days » rend hommage à cette particularité japonaise. Cela me donne envie de le voir.
J'aurais aimé rester là, à profiter de la sérénité du jardin zen de Kenrokuen, mais le car nous a happés pour nous emmener dans le quartier des geishas. Las, point de geishas à quatre heures de l'après-midi. 
Pour tenter d'apercevoir un kimono, ou même un obi, la fenêtre est étroite : entre 18 heures et 20 heures.
Là il est trop tôt, et après le repas, ce soir, il sera trop tard pour y retourner.
Mais il est toujours le moment d'apprendre à propos de ces fameuses geishas qui font couler tant d'encre... Et de secouer quelques fantasmes : notre guide reste ferme quant à l'éventuelle prestation sexuelle des geishas. Ce sont des hôtesses, et seulement des hôtesses. 
A défaut de geishas, nous retournons dans le hall de la gare, où un jeune virtuose joue la valse brillante de Chopin comme on court le 100 mètres. Performance d'athlète, certes, d'ailleurs il termine chacun de ses morceaux épuisé et en nage. Je me permets de lui demander pourquoi il joue si vite, au détriment de la nuance et de la sensibilité. Il me répond : « Je sais, ma prof me le dit tout le temps  ». Et il attaque le nocturne n°3 à la vitesse de la marche de Radetsky, indifférent à mes remarques. 
Un jour peut-être, quand il se sera calmé, on verra apparaître un nouveau « prodige japonais » sur les scènes du monde. Car il était vraiment doué, ce champion olympique du clavier. Et je repenserai longtemps à cette rencontre à la gare de Kanazawa.


(à suivre)





















 







5 commentaires:

  1. "au marché au poisson d'Ohmicho hormis les odeurs de grillades et la vue de certains plats gluants au parfum âcre, pas forcément évidente de bon matin"... Je te comprends, je ressens la même chose juste en te lisant à l'heure du thé de 17h ! ;-)
    De belles carpes dans les bassins. Elles sont apaisantes :-)

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  2. Je commence par le bas: ta posture et ton visage rayonnant en disent long...
    J'aime toutes ces photos, et je peine à décider laquelle me servira de modèle pour sujet de nouveau tableau.
    Toi, bien entendu, parmi toutes les photos déjà reçues....
    Mais aussi les arbres, les carpes (Carpe Diem...), et encore le poissonnier en chemise bleue...
    Moi, j'oublie l'odeur de l'étal de poissons ; c'est l'appétit qui s'éveille.

    Belle soirée à vous deux

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  3. Saisissant de réalité je recommence à sentir le poisson mais le jardin zen, ecolo, me va bien et nous à bien détendu

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  4. A toutles coups jaddorerais ce si charm

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  5. J'adorerais déambuler et rêver dans ce si charmant jardin japonais ! Je n'aurais plus l'endurance de ces jardiniers maniaques même si je surveille la rocaille, mais Aïe le dos !!
    Je range mon panier, j'ai pas faim !
    Tu m'as amusée avec ton histoire de pianiste si volubile !!!

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