11 juillet 2012

Persistance rétinienne

Vous rencontrez un être délicieux (oui, ça arrive parfois dans ce monde brutal). Vous mettez enfin un visage sur un nom que vous avez appris à apprécier à travers ses mots. Vous passez un moment exquis, une parenthèse, une virgule, un point dans l'immensité universelle du temps qui passe. Vous avez la sensation que le temps s'est arrêté l'espace de cet instant. Et vos destins inexorablement, vous ont entraînés au loin, alors que vous vouliez rester, que tout votre être se rebellait contre cette injuste répartition des minutes. Par quelle diablerie celles-ci se rétrécissent-elles quand vous voudriez qu'elles durent, et s'allongent-elles interminablement, au contraire,  quand vous souffrez mille morts?
Et le plus étrange, le plus troublant, c'est que vous vous réveillez, le lendemain, en étant incapable de vous souvenir précisément de ce visage, de cette voix. Il vous manque des pièces, comme dans un puzzle incomplet. Vous vous en voulez de n’en avoir pas appris par cœur le moindre contour, le moindre détail. Vous avez bien sûr, intacte, l'impression d'ensemble, ce sentiment de joie intense d'avoir découvert que la réalité correspondait à l'image que vous vous en faisiez. Vous savez que vous vous êtes fait la remarque silencieusement. Vous vous souvenez que vous n'avez pas suffisamment ouvert vos yeux, de crainte de voir s'évanouir ce rêve éveillé, ou d'être emporté par un tumulte de sentiments incontrôlés. Vous avez parlé ensemble, vous avez ri, vous avez partagé un repas. Mais vous avez beau chercher, vous  creuser désespérément les méninges, la persistance rétinienne s'est estompée, et vous en arrivez tout naturellement à cette nécessité impérieuse d'espérer une nouvelle rencontre. Afin de calmer le trouble malaise ressenti par tous les amnésiques: cette sensation que quelque chose vous échappe, quelque chose que vous pensiez pouvoir retenir à jamais.

24 commentaires:

  1. Tu viens de parfaitement décrire cette volonté qu'a l'humain de contrôler l'incontrôlable...

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  2. Ton ressenti est très vrai et l(on peut même dire qu'il correspond aussi aux histoires d'amour...surtout celles qui sont impossibles.

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  3. Très bien observé. Il faut avoir rencontré une personne d'assez nombreuses fois ou suffisamment longtemps pour en garder une image précise.
    Pourtant, même si je ne parviens pas à reconstituer clairement le visage d'une personne, je m'en rappelle suffisamment que pour l'identifier aisément lors d'une nouvelle rencontre. Etrange...

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  4. Ce que tu dis est vrai, Célestine. Et me fais poser une autre question, indirectement en rapport avec ton texte. Pendant combien de temps se souvient-on de la voix d'une personne disparue ? Et d'abord, arrive-t-on à s'en souvenir ? Je ferai un billet à ce propos, tiens! sur mon blog.
    Oui, le temps qu'on aimerait prolonger lors d'une rencontre et qui pourtant passe à toute allure, et le temps qui nous paraîtra infiniment long jusqu'à la prochaine. Par contre, je me rappelle assez facilement du visage de l'autre, de sa voix aussi. Je m'en imprègne le plus possible pour savoir être patiente et savoir attendre, justement... :-)
    Bel après-midi à toi, Célestine.

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  5. je me sers souvent de mes "boites à images" pour ne pas oublier totalement un visage... Bonne soirée. Bises x2

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  6. Il ne vous reste plus qu'à vous revoir... retrouver les traits du visages, les intonations de la voix...

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  7. Et moi j'ai envie de faire ma curieuse (mon côté "potin" ... Qui ? Même si j'ai ma petite idée ...
    Bise bise

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  8. Un petit goût de revenez-y... Oui, tu décris très bien cet étrange phénomène, cette plasticité du temps et de la mémoire...

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  9. En réponse à Françoise. C'est précisément ce qui me manque à long terme, la voix des disparus. Même s'ils reste quelques enregistrements de-ci, de-là, c'est le son de leur voix qui nous manque...

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  10. Mais... qui avez-vous rencontré ?

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  11. Oui bien sûr, Zénondelle, j'ai moi aussi mis immédiatement un nom sur cette rencontre.
    Il y a deux ans, il m'est arrivé exactement de vivre cela. Et vos mots Célestine décrivent si bien ce que j'ai alors ressenti.

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  12. Et si l'image s'estompe, si l'impression s'efface, n'est-ce pas tout simplement parce qu'elle est un peu terne, pas assez efficace, que l'être que vous avez vu était simplement..ordinaire. Ou peut-être que cette image provient d'un autre monde.
    Et si elle n'était pas, si l'imagination avait pris le pouvoir.
    Et si c'était ce soleil du midi, ce soleil de la plage, si chaud qui chauffe si bien les corps et leur donne la couleur des pains, qui chaufferait aussi les esprits.
    Il peut-être long. Il peut être court. Le temps qui sépare deux rencontres d'amis. Il a la même durée et il lui faut toujours un évènement d'importance : qu'il ne soit pas gâché par la banalité du quotidien. Il ne faut pas non plus qu'il le désorganise...ce quotidien, ce chaque jour.

    Signé : une insomnie,une douce insomnie

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  13. Y a pourtant un truc très simple pour eviter ça ...
    Tu ne vois pas ?
    Eh bien tu sors ton apn ou ton smartphone et tu FILMES !
    Ça le fait, crois moi :-)
    C etait le conseil minute de Numericman !

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  14. Parfois le souvenir que l'on conserve des êtres chers, est beaucoup plus beau que la réalité elle-même.

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  15. Rencontre marquante et troublante visiblement :-))
    Bisous ✰✯✮ Laure ✮✯✰
    http://suivre-mon-etoile.blogspot.fr/

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  16. oh la la , combien de fois j'ai vécu ça ... rechercher au plus profond de mes souvenirs , le sourire , la voix , l'expression de visage , ça pouvait même virer à l'obsession ...
    Une photo , un film , oh ben , c'est parfois délicat
    et puis , nos fantômes restent enfouis , et quand le visage ressurgit pour de bon , grand dieu que c'est bon !!

    j'adore ce billet Célestine

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  17. alors moi je ne veux pas oublier..alors j’ai mis en marche mon appareil à images "coeuriques".....
    merci ;-)

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  18. Tiens, c'est drôle, mais au hasard des clics je crois bien être tombé, juste après avoir lu ce billet, sur les impressions perçues par "l'être délicieux" dont il est question ici :)

    J'aime sentir exister ces discrètes complicités, qui ravivent en ma mémoire la douceur de celles que j'ai pu connaître autrefois...

    Merci Céléstine

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  19. Lors de différents événements de ma vie, j'ai pris quelques notes pour ne pas oublier et quand je les relis, je me rends compte que je ne me souviens plus de certains détails qui m'avaient frappé à l'époque. Passe un bon week-end Célestine. Gros bisous (pluvieux...) de Belgique.

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  20. Se découvrir par les mots est la plus belle des rencontres, mystérieuse, charmeuse, transparente, sans contours, sans visage, sans traits sauf ceux que l'on dessine au fil des phrases doucement échangées.La rencontre physique de l'"être délicieux" est émerveillement,choc, indifférence complicité ou déception mais n'enlève en rien ces sentiments communs créés par les rencontres des mots enlacés. Et l'on se trouve forcément beaux parce que l'on se connait depuis de longs mots. Et le temps jaloux nous vole ces rencontres précieuses. Il nous reste heureusement les mots pour à nouveau se retrouver... merci pour ce billet Célestine, tellement vécu!

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  21. Comme dit chez elle, j'aurais aimé être là, avec vous ! Peut être en Septembre montera t'elle vers chez moi :)Tu viendrais ????
    MS

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  22. Il doit y avoir de ça....

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  23. Jouer avec mon cœur?

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  24. Coup de bluesmardi, 31 mai, 2016

    Et oui...ça arrive aussi aux autres.

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Je lis tous vos petits grains de sel. Je n'ai pas toujours le temps de répondre tout de suite. Mais je finis toujours par le faire. Vous êtes mon eau vive, mon rayon de soleil, ma force tranquille.
Merci par avance pour tout ce que vous écrirez.
Merci de faire vivre mes mots par votre écoute.