18 octobre 2023

Lettres d'Egypte (11) La fin du voyage

 

Vendredi 6


Et voilà le dernier jour arrivé. Pour finir en apothéose, le programme a prévu encore de belles surprises. Cela commence par un vol en montgolfière au-dessus de Louxor. En arrivant sur le terrain de décollage des nacelles, c'est une féerie : les ballons s'élèvent dans la nuit comme des dizaines de lanternes japonaises. 
Quelle poésie !
Et puis notre ballon monte à son tour. Le jour commence à poindre. On distingue déjà les contreforts de la montagne derrière laquelle se cache la Vallée des Rois. De l'autre côté, c'est Louxor et ses deux temples jumeaux, reliés par leur allée de sphinx. C'est là que le soleil nous offre un ultime lever royal, nimbé de brume matinale. Au bout de trois quarts d'heure d'émerveillement, nous amorçons la descente, avec la chance de passer au-dessus d'un village. Des enfants nous font signe, en haut d'une maison. Ce sont des enfants aussi que nous trouverons à l'arrivée, pressés de nous demander encore quelque euros, ou les restes de notre petit déjeuner...
Dès l'atterrissage, la tête encore dans les nuages, nous nous rendons à Karnak pour la visite du dernier temple. A mon sens, l'un des plus spectaculaires, avec sa colonnade de cent trente quatre colonnes florales, ses obélisques monumentaux et son bassin de purification pour la barque sacrée d'Amon. Les colonnes florales représentaient des tiges de papyrus, soit ouvertes, soit fermées. Un prodige d'architecture.
Plus tard, dans la matinée, nous visitons une bijouterie dans un de ces « magasins d'état » dont nous avons l'habitude. Puis, nous assistons à une messe dans une église copte. J'avoue être éberluée par le cérémonial et les psalmodies en arabe d'un prêtre que l'on ne verra pas : il se tient derrière un mur. Un mélange de différents rites assez surprenant. Je suis surtout interloquée par tous ces enfants, sagement alignés debout dans l'allée centrale, attendant la communion pendant une demi-heure...C'est toujours déstabilisant de se tenir dans un endroit où l'on ne comprend rien à ce qui se passe. Retour au bateau pour boucler les valises.
Après le déjeuner, notre guide Ihab, archéologue toujours aussi passionné, propose aux courageux d'affronter le désert une dernière fois, pour se rendre sur un site de fouilles remarquable : le village des Artisans. Avec en prime la visite de quelques tombeaux remarquables, superbement décorés de couleurs stupéfiantes. Il nous faut gravir un chemin de pierre, et descndre au coeur de la terre par des escaliers si étroits que l'on doit se courber. 
Mais la sortie, malgré le poids du zénith sur nos épaules brûlantes, et les douleurs dans les jambes, valait largement le détour.

A 19 heures, nous quittons notre cabine, notre pont, notre guide. A regrets. Ce fut un voyage fabuleux, et le groupe avec qui j'ai partagé toutes ces aventures avait quelque chose de particulier. Une sorte de cohésion, bien que venant d'horizons très divers. Une bienveillance, une simplicité, des valeurs communes, de partage et d'humanité. C'est assez rare. Même si, bien sûr, l'on n'a jamais des affinités avec tout le monde. C'est la loi de tout groupe social. Je me suis sentie bien, en confiance, écoutée, et admise. C'est inestimable. 
Je sais que beaucoup d'entre eux lisent ces mots. Je sais que certain(e)s les apprécient plus particulièrement. C'est le hasard des belles rencontres.  Ils (ou elles) se reconnaîtront. Et je les remercie du fond du coeur pour ce qu'ils (ou elles) m'ont apporté. La grâce de leur présence.
Et puis vous, mes chers lecteurs, mes fidèles, qui avez suivi mes pérégrinations, mon marathon d'écriture et mes photos pharaoniques, je vous remercie aussi. Et je vais vous laisser digérer tout cela tranquillement. Car je vais partir (quoi ? encore ! ) eh oui... m'occuper de mes princesses, Sibylle, Alba et Thaïs. Vacances scolaires obligent.

Infiniment vôtre
Célestine

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17 octobre 2023

Lettres d'Egypte (10) L'âme égyptienne

 


 
Jeudi 5

C'est un jour de navigation. En une seule journée, poussés par le courant, nous nous retrouverons à Louxor, que nous avons quitté il y a quatre jours. Réveillés très tôt par le bruit des moteurs qui s'ébranlent, adieu la grasse matinée, nous montons goûter la brise douce de l'aube. Le pont est encore désert. Le café servi à bord est vraiment très bon. Un pur arabica comme je les aime.
Je plisse les yeux. Je me mets à penser à ce pays attachant, disparate, foisonnant, à tous ces regards croisés, ces sourires échangés, ces sourcils froncés parfois, ces visages étranges et familiers. Les charrettes tirées par des ânes en pleine ville, les barques de pêcheurs qui se retrouvent dans l'écluse en même temps que les bateaux de croisière,  les véhicules improbables qui ne passeraient pas le contrôle technique, les chargements invraisemblables et aléatoires... Ici, tout semble passer, aller de soi. 
Le 1° octobre c'était la rentrée des classes. Je revois ces grappes d'écoliers, d'écolières, joyeux dans leurs uniformes flambant neufs, marchand insouciants sur des routes sans trottoirs.
Ces marchands de rue, qui s'installent où ils veulent, n'importe où, sans payer aucune patente. Cette femme qui traverse l'autoroute comme si c'était un chemin vicinal, ces deux types qui réparent une roue crevée au beau milieu du trafic...Tranquilles.
Et puis il y a ces enfants qui semblent voués à eux-mêmes, à moitié nus sur leur planche de surf, accrochant leur planche aux petits bateaux à moteur pour quémander quelques euros, ou vendant des babioles aux touristes. Vont-ils à l'école ? 
Ces vendeurs de nappe qui accrochent leurs barques, aux paquebots de croisière, crient pour attirer les acheteurs, et lancent leurs marchandises par-dessus le bastingage. Une activité commerciale de haut vol, en somme...et très dangereuse. Pourtant, ça passe, là encore.
Les jeunes femmes se laissent avec grâce tirer le portrait. Les scènes de rue sont  incroyables, et m'émeuvent souvent.
Les policiers et les militaires sont partout, armés jusqu'aux dents, mais on dirait que ce n'est qu'un décorum. A chaque entrée de musée, d'hôtel et de magasin d'état, on doit faire passer son sac dans un portique, mais, soit il ne fonctionne pas, soit il bipe et on passe quand même. C'est drôle. Si j'osais, je dirais même que c'est assez folklo.
Je ne prétends pas saisir l'âme d'un peuple en quelques jours, ce serait bien présomptueux. Mais j'ai ressenti une certaine liberté un peu désordonnée, pour ne pas dire un joyeux bordel, mêlé de débrouillardise, de fatalisme et de nonchalance. De la bienveillance dans bien des regards. De l'imploration parfois. De l'insouciance chez les enfants, et du bonheur comme dans ce couple d'amoureux se tenant par la main. Je me suis dit que l'on était loin, ici, de nos règles tellement strictes, nos normes, nos interdictions, si étriquées par moment, que l'on en perd le bon sens.  
Et en tout cas, je n'ai jamais éprouvé, au contact de la foule, ce sentiment d'insécurité dont on nous abreuve quotidiennement. 
Allez, c'est cadeau : un florilège de portraits qui vous parleront peut-être davantage que mes mots.
Mon photographe préféré sera ravi.


(A suivre)