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Photo Céleste |
En l'espace de quelques jours, la région où je vis a subi deux événements naturels violents. Un séisme de cinq et demi, provoquant des victimes et de sérieux dégâts, et une tempête de neige mouillée et inattendue paralysant sévèrement toute activité humaine.
C'était jeudi soir. Je revenais d'une escapade entre amis aux Baux de Provence, les yeux encore pleins de la magie des Carrières de Lumière, et je ne m'attendais pas à ce qui allait nous tomber sur le râble.
La température chuta en une demi-heure de neuf à un degré. Nous mîmes des heures, roulant au pas, l'oreille rivée à la radio, à regarder se former une file interminable de poids lourds, bloqués par arrêté préfectoral. Nous réussîmes à nous extirper de cette galère et prîmes les chemins de traverse. La pluie se mua soudain en neige, ou plutôt en gros oiseaux mous et collants dès le passage du col de Puy.
A l'arrivée, le chemin d'accès à la maison était envahi de branches ployant jusqu'au sol pour former une barrière infranchissable, style château de la Belle au Bois Dormant.
Un château bien moyenâgeux, on peut le dire, puisque plongé dans le noir, sans chauffage, sans eau. Et bien sûr, sans aucune connexion ni téléphonique, ni internetique.
C'est dans ce genre de mésaventure que l'on s'aperçoit à quel point nous sommes tributaires de la fée Electricité, et de ses lutins Enedis, Engie, Alterna et j'en passe. Et combien nous nous en servons pour occuper nos soirées. Ah Blutchy....l'autonomie énergétique est un rêve pas toujours réalisable...
La nôtre, de soirée, fut donc aux chandelles, avec guitare, feu de bois et tartines de pâté. Mes doigts se réchauffèrent à enchanter ainsi le silence et mon auditoire captif. Enfin, captivé, veux-je dire... Et gardant ma joie devant ce qui n'est que désagrément matériel, somme toute, je me pris à rêver soudain à l'incontestable supériorité des guitares sèches, mais aussi des livres, des magazines, des crayons, des jeux de cartes, des damiers, des échiquiers, sur leurs équivalents virtuels ou électriques...Je me pris à penser qu'un jour, qui sait, cela deviendrait peut-être notre quotidien...Ce fut le quart d'heure philo dont le sujet aurait pu être, par exemple, Vanitas vanitatum omnia vanitas...Ce n'est pas Andiamo qui me contredira, dans sa grande sagesse...
Au matin, une autre mauvaise surprise nous attendait.
Le vieux chêne que (pour ceux qui suivent) je vous présentai naguère, avait été martyrisé par une neige lourdasse. Toute la nuit, plusieurs de ses branches tutélaires avaient craqué sinistrement dans l'obscurité laiteuse.
Il gelait à fendre l'âme. Des branches grosses comme des cuisses d'éléphant, déchirées, étaient tombées pesamment sur le sol. Quel spectacle consternant ! A serrer la gorge. L'automne le bel automne dont je chantais les couleurs la semaine dernière, sans doute à cause du réchauffement climatique, n'a pas eu le temps de dépouiller les arbres de leur feuillage. Les feuilles retinrent les flocons en un piège parfait. Dans toute la forêt, en ville, partout la même affligeante vision.
La Nature nous rappelle régulièrement à sa loi implacable. On est peu de choses, aurait dit ma grand-mère. Devant sa force aveugle, on est même peanuts. Mieux vaut en sourire tant qu'on n'est pas obligé d'en pleurer.