26 mars 2014

De battre, mon coeur s'était arrêté





Il est un bonheur subtil: c'est ce moment de rigoureux équilibre où la folle course semble s'arrêter rien que pour nous. 
C'est ce soir, pour moi. La pendule aux aiguilles emballées comme des chevaux marque un temps d'arrêt. Enfin. Après tous ces mois que je viens de vivre dans la tempête d'un automne et d'un hiver qui ne m'ont pas beaucoup laissé respirer. Non que je fusse malheureuse. Il faudrait pour cela oublier que le vrai malheur ne se dit même pas. Qu'il est au-delà des mots. Mes mots à moi ne se sont pas taris. J'ai continué à écrire pour exprimer, au sens de "faire sortir le jus". Exprimer le jus d'un citron, ou le pus d'un furoncle...
Parlons alors de petites contrariétés. Malgré tout, et même en disant "petites",  je connais bien ce vacarme intérieur, cette in-quiétude au sens littéral, qui m'ont agitée depuis quelques mois. Ça fait un bien fou quand ça s'arrête! Cela fait quelques jours déjà que je vais mieux. 
Mais ce soir, je ne sais pas pourquoi. Une transparence dans l'air. Une pause dans le continuum. Comme à la fin de l'expire,  cet instant d'apnée où l'on sourit d'avance à la goulée d'oxygène qui arrive.
Bref. Je revis vraiment, en profondeur.
L'épisode maternel a brassé en moi des choses ah oui!  profondes et nouvelles. J'ai eu froid, tellement froid intérieurement, de ce froid qui prend quand on regarde une tombe. J'ai réalisé que sa mélancolie passagère mais violente, sa prostration silencieuse m'avait arrachée à elle avec un sentiment de stupéfaction, comme une sorte de deuxième coupure de cordon, mais pas naturelle, celle-là. J'ai réalisé que je n'avais pas eu le temps de lui dire au revoir. Et si elle ne revenait plus à elle? Si la folie l'emportait pour toujours dans cette conque où elle s'était murée? Je me sentais volée de tout un tas de projections fantasmatiques que je m'étais faites sur son départ, un départ dans la douceur, l'apaisement  et les sentiments vrais. Heureusement, son cerveau n'avait été que simplement et subitement  privé de ses molécules du bonheur, par une de ces inadvertances inexplicables que l'on peut avoir et ce que la chimie a défait, la chimie l'a refait. Une guérison qui nous laisse quand même tous épantelés, ébranlés par la fragilité de celle que l'on croyait immuable. La mamma. Et tous irréversiblement changés. Avertis. Préparés par cette répétition générale, en quelque sorte, à l'acte tragique du destin. Bien décidés à être vigilants. On ne devrait jamais être surpris par la seule certitude de la vie…et pourtant quand elle nous frôle, avec son cortège de stupeur et de tremblements, et son long doigt recourbé, on sursaute comme si on n'en avait jamais entendu parler...
La Vie avec un grand V n'en prend que  plus de goût, de valeur, d'importance. Comme au sortir d'un coma. Tout paraît soudain brillant de rosée, endiamanté par la beauté de ce miracle: être vivant. J’ai envie de tout. J’ai des envies qui se bousculent, aller au cinéma, voir un film de Lelouch, un film de vie étourdissante,  marcher dans une ville, manger des gâteaux, courir dans le soleil,  écouter un concert de jazz,  rêver au clair de lune. Parler à un ami, serrer mes amours dans mes bras, sourire à ma mère, écouter mon cœur battre à nouveau, quitte à reprendre, tant pis, sa tachycardie et entendre affluer le sang à mes joues comme Scarlett O'Hara quand elle embrasse Rhett Butler.

 Et sentir sourdre au fond du ventre l'envie de vivre à en mourir.




River Flows in You by Yiruma on Grooveshark

48 commentaires:

  1. Comme des ailes à nos chevilles, ces pulsions de vie !
    C'est beau de savoir être acteur et observateur lucide de soi-même ! Cette double casquette n'est pas toujours simple à porter,
    tu te débrouilles pas mal !! ;)
    Et ce blog, véritable factotum de tes pensées, reste un pur plaisir à lire...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ça fait plaisir d'avoir une bonne appréciation.
      Ça motive. Où tu as appris ça toi? ;-)
      J'aime bien ta définition de mon blog.

      Supprimer
  2. Celestine
    Bien peu de choses ce matin auraient pu m'ensoleiller davantage, me primavériser si joliment ce dernier trimestre actif , me dynamiser si pointus coeur et corps, que cette bouleversante relation de ces deux saisons si difficiles pour toi. Il est juste à mon sens que tant d'amour filial, tant de tendresse si bien exprimée, tant de talent à aimer aient fini par éloigner ce spectre "au long doigt recourbé".
    Au delà de l'émotion Celestine je prétends haut et fort que ce texte est une alchimie magnifique, une déclaration d'amour d'une belle valeur littéraire. Je t'embrasse, rayonnant et heureux.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Apprendre au soir que l'on a été un petit rayon de soleil au matin, voilà un plaisir ineffable.
      Merci claude pour ce joli commentaire plein d'émotion.
      C'est joli " primaveriser" ^^

      Supprimer
  3. On imagine l'aurevoir, l'adieu et au moment, c'est pas comme ça que ça se passe. Est-il des fois où ça se passe bien ?
    J'en doute, on n'est jamais prêt.
    Profite de ces moments qui vous sont donnés.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Non je sais que ça ne se passe jamais bien. Je sais que c'est un peu incantatoire ce que je dis...ma façon de me protéger...
      Je sais que celle au long doigt a toujours le dernier mot, et qu'il est souvent imprévu et cruel...

      Supprimer
  4. Vivre à en mourir , que c'est bien dit ça
    Je ne peux imaginer ce que tu as traversé , ton billet me chamboule , me renvoie à mes propres peurs
    Soulagée que la chimie aie bien fonctionné
    et que cette séparation des âmes soit derrière vous
    Danse de joie Célestine

    RépondreSupprimer
  5. je suis bien contente de lire cela, même si mes mots restent timides pour l'exprimer ..
    La vie est douce Célestine ... parfois...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Disons que quand elle est douce, il faut savoir l'apprécier! Cela nous permet d'engranger de la force pour quand elle devient dure.

      Supprimer
  6. Eh bien, Célestine, je crois comprendre les raisons d'un certain « encombrement de la circulation » ! Le boulet, me semble-t-il, est passé tout près, mais il a manqué sa cible. Ce qui importe dans un texte de colère, de crainte, ou d'apaisement, c'est à dire de confession, dans un texte où s'invite l'intimité, cette convive qui peut se montrer encombrante, c'est la transparence du langage. Elle laisse apparaître une blessure, une cicatrice point encore refermée, sans en faire état. Il n'est pas d'exercice plus difficile que de mettre au jour la confusion des sentiments. Vous l'avez résolu avec la gravité légère qui vous précède et vous suit.
    Encore ceci, en rapport avec un autre de vos textes : le pédagogisme de ces trente dernières années aura produit, en effet, un monstrueux vocabulaire, servi par des personnages d'une arrogance, d'une prétention sans limite.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Cher Patrick,j'aime beaucoup votre phrase sur la gravité légère. Jamais un oxymore ne m'aura aussi bien définie.
      C'est vrai que l'exercice qui consiste à dévoiler son intimité est hautement périlleux. Et il génère l'interrogation suprême un peu angoissante pour celui qui publie ses écrits: est-ce que cela va intéresser le lecteur ?
      Pour ce qui est du jargon pédagogiste, je suis heureuse de me sentir moins seule dans cette allergie que j'ai développée et qui hélas va de mal en pis au fur et à mesure des années.
      Bien à vous

      Supprimer
  7. Un bel hymne à la vie ! Ce sont les évènements les plus brutaux, les coups injustes du destin, comme des vies fauchées à : 32 ans; 26 ans; 4 ans; et à 9 mois qui vous font aimer la vie, et dire : "j'ai bientôt 75 balais. Merci la vie, quelle chance " !
    Et puis quand on aime les gens pourquoi se priver de le leur dire ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Non seulement il ne faut pas se priver de le leur dire, mais il faut le leur dire souvent, et pas qu'une seule fois.
      C'est terrible ce drame que tu évoques en quelques mots.
      Bises

      Supprimer
    2. Oui, mais ça doit être vachement crevant de toujours parler, enfin, j'imagine que ça l'est...

      Supprimer
    3. Rhôô! Bof, tu exagères! Crevant de dire "je t'aime"?

      Supprimer
  8. quelle ardente tu es Célestine...!
    tout entière tournée et happée par les éclats de La Vie...
    C'est bon de te lire ce matin...
    Oui je vois bien cela: cette espère de répétition générale qui ne te laissera pas démunie quand le moment sera venu.
    Et en attendant, vivre à fond cette tendresse si particulière en en savourant chaque seconde...
    Merci amie, pour ce merveilleux hymne à la Vie!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Elle me laissera sans doute démunie, comme le dit Berthoise, mais peut-être un peu moins, maintenant que nous avons frôlé la mort de très près...
      Merci à toi, Coum, d'être passée semer tes petites étoiles sur mon chemin ce matin...

      Supprimer
  9. C'est si difficile de retrouver le goût de la vie quand il vous a échappé, même quelque temps. J'ai connu ça, et je pense à ta Maman. Ne cesse jamais de lui montrer et de lui dire que tu l'aimes. Chouchoute la parce que je sais que tu te sentirras à la fois orpheline et chef de file quand ta maman passera le relais, et....Oh si, tu seras démunie le moment venu,

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui grande soeur, je sais que tu as raison, c'était cela le sens de mon billet:
      avoir le temps de lui dire tout ce que j'ai à lui dire, maintenant que je connais le prix de son amour.

      Supprimer
  10. L'envie de vivre à en mourir ? L'apparition de cet occis-mort me surprend. J'aurais préféré lire ton envie de vivre… à en vivre !
    :)

    Mais, forcément, tu n'as pas écrit cela par hasard...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Non pas par hasard, Pierre. Juste pour signifier que cette envie de vivre, cette force vitale, je voudrais la garder jusqu'à la mort.
      Une façon peut-être de lui faire la nique, à cette faucheuse qui nous a bien bousculés ces temps-ci.
      Occis-mort, écrit comme ça, ça fait un coup au coeur!
      Bises

      Supprimer
  11. Comme j'ai eu peur en lisant ton titre et comme je me suis précipitée, tremblante, pour saisir le pourquoi de cet arrêt, alors qu'il bat, qu'il palpite, qu'il danse, ce cœur, non d'une pipe, comme tu m'as eue! Si heureuse de lire que tu renais à la vie. Merci pour ce billet d'espérance et de vérité Cel.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oh comme je suis désolée de t'avoir inquiétée, Delphine.
      Oui je revis de savoir que maman va mieux.
      Et je t'embrasse fort

      Supprimer
    2. J'ai eu le même moment de suspension que Delphine.... Et puis cet expire (!) de soulagement. J'aime quand tu parles de répétition générale quand d'autres pensent l'avoir échappé belle. C'est là ta sagesse profonde, ta "gravité légère" dont parle Patrick....

      Supprimer
    3. C'est un peu ça oui, une façon douce de parler des choses graves.
      J'ai voulu faire un jeu de mots sur un titre de film que j'ai beaucoup aimé. Et j'ai fait peur a mes copines... :-)

      Supprimer
  12. Quel bel hymne à la vie ... Et oui des hzuts , des bas ... Un pas l'un après l'autre ...
    Et demain est un autre jour, non ???
    Bisous tous doux :-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Demain est un autre jour: une phrase magique qui permet toujours d'espérer un lendemain meilleur.
      A chaque jour suffit sa peine...la sagesse des anciens est la plus belle qui soit. merci petite Marie de ta sollicitude.

      Supprimer
  13. Quel bonheur de te sentir reprendre des couleurs...un soleil qui se rallume, une maman qui va mieux... ouf, profite au maximum de ces moments. je t'embrasse tendrement ma Célestine

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui quand le soleil se rallume, forcément on reprend des couleurs...
      Bises à toi!

      Supprimer
  14. si ton cœur s’arrête de battre et bien moi je veux bien te faire don du mien, un petit cœur de mousse ! le seul inconvénient c'est quand tu prends un bain , c'est un peu plus long à sécher !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ça c'est trop gentil mais toi, comment tu vas vivre sans ton petit coeur de mousse? Ne t'en fais pas, il est costaud quand même le mien, même s'il est un peu en une mousse spéciale qui s'appelle la guimauve...

      Supprimer
    2. Guimauve ! c'est en option ? je vais voir si je peux l'installer , un gourmand comme moi tu penses bien ça m'intéresse !

      Supprimer
    3. Installe bien la version la plus récente, Guimauve 3.0 , les mises à jour sont automatiques!

      Supprimer
  15. C'est l'ombre qui rend le soleil évident, ainsi la vie alterne les bonheurs et les moments de tourments. Ces moments difficiles vécus par la santé défaillante de ta maman sont une sorte de clignotant pour te dire "ne crois pas que je soit éternelle".
    Après, on est mieux préparé pour croiser la Camarde.
    Puisqu'elle est inévitable, on peut espérer que chacun puisse arriver au bout de ses envies avant de la suivre.
    Ta maman revient à la vie, c'est une grâce infinie dont tu peux maintenant bénéficier en pleine conscience de sa temporalité.
    Baci per lei e per te

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. "C'est l'ombre qui rend le soleil évident"...
      Wouaou.
      baci

      Supprimer
  16. Cela faisait un petit bout de temps que je n'étais pas passée chez toi. Je découvre que tu as traversé des moments difficiles alors même tardivement, je t'envoie des pensées réconfortantes et des bises fleuries de jonquilles, tulipes qui éclosent en ce moment ici.
    MS

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Quelle joie MS de te voir par ici! J'espère que tout va bien pour toi. Toujours expat

      Supprimer
  17. il y a la pudeur du dire
    l'entourement d'enluminures ciselées par des mots forts pour exprimer l'épreuve en chemin
    Et puis le répit salvateur

    Te voici désormais prête…. à te préparer….

    et la musique si bien choisie (et oui petite miracle elle a fonctionné ce qui n'arrive quasi jamais sur ton site qui ne doit pas être blogo-compatible avec ma connexion foireuse…. mais le maire réélu me promet de la fiboptik pour demain matin, ça fait juste 4 ans que c'est prévu demain matin…).

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Rhôôô tu ne peux pas savoir le plaisir que tu me fais, toi, l'amoureux du silence, le pourfendeur des musiques sur les blogs, le Don Quichotte de l'enceinte Cabasse.Si un jour on m'avait dit que tu m'écrirais ça... Bref, j'ai presque un petit orgasme (intellectuel s'entend!)
      T'es trop chou, tiens! Vivement la fib !

      Supprimer
  18. Merci Célestine, merci!
    Tes merveilleux mots disent si bien pourquoi j'aime la vie... et chaque jour un peu plus!
    "Avertis. Préparés par cette répétition générale, en quelque sorte, à l'acte tragique du destin."... et donc, comme on sait qu'un jour ça finira, faisons en sorte que l'éventuel dernier jour soit le plus beau possible, vivons chaque jour comme si c'était le dernier ♥
    Sourire d'Ep'

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je dis même souvent que comme on va tous au même endroit, autant y aller avec le sourire et en prenant les choses avec philosophie...
      Au choix:

      ICI

      ou

      Supprimer
  19. Célestine c'est ma cousine.. Ah non c'est pas ça ? Tant pis.
    C'est le printemps tu renais, quoi de plus beau ?
    Je suis juste passé pour t'envoyer des bises c'est parfois bien mieux qu'un long discours.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'aime bien ta première phrase qui me semblait rendre compte d'une certaine connivence de pensée;moi toujours optimiste) et puis on me fait remarquer en régie que c'est peut être une allusion à Bécassine...peu flatteur alors!
      Mais non je rigole!
      Ah oui, des bises ça , ça se prend de toutes façons!
      Merci

      Supprimer
  20. Parler à un ami, serrer mes amours dans mes bras,

    RépondreSupprimer
  21. Alors vis belle Célestine, comme tu sais le faire, à bras le corps et à bras le coeur!!!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Joli conseil que je vais m'empresser de suivre avec énergie!

      Supprimer



Je lis tous vos petits grains de sel. Je n'ai pas toujours le temps de répondre tout de suite. Mais je finis toujours par le faire. Vous êtes mon eau vive, mon rayon de soleil, ma force tranquille.
Merci par avance pour tout ce que vous écrirez.
Merci de faire vivre mes mots par votre écoute.