06 décembre 2021

Saisons



Subitement il fit très froid. Antonio sentit que sa lèvre gelait. Il renifla. Le vent sonna plus profond; sa voix s'abaissait puis montait. Des arbres parlèrent; au-dessus des arbres le vent passa en ronflant sourdement. Il y avait des moments de grand silence, puis les chênes parlaient, puis les saules, puis les aulnes; les peupliers sifflaient de gauche et de droite comme des queues de chevaux, puis tout d'un coup ils se taisaient tous. Alors, la nuit gémissait tout doucement au fond du silence. Il faisait un froid serré. Sur tout le pourtour des montagnes, le ciel se déchira. Le dôme de nuit monta en haut du ciel avec trois étoiles grosses comme des yeux de chat et toutes clignotantes.
Giono. (Le Chant du Monde)





Je me suis mise à aimer l'hiver, c'est fou comme on change, je me suis mise à aimer le froid, le vent, la neige, la fine dentelle de grésil qui souligne le chemin au petit matin. Moi la fille du soleil, l'adoratrice de Rhâ, je fais les yeux doux à Tefnout, la déesse de la pluie, de la rosée et des nuages. 
Ah les nuages, les merveilleux nuages, qui écrivent le temps mieux qu'un journal, en pleins et déliés au-dessus des falaises du Vercors. La bise noire, le brouillard qui drape ses voiles sur l'horizon. Et l'eau, si précieuse, source des sources, sous toutes ses formes. Le givre sur les sapins, les perles sur chaque brin d'herbe comme autant de diamants.

Je me suis mise à aimer toutes les saisons, bien marquées. Celle qui fait chanter les cigales et jaunir le gazon, et celle qui met l'or et le pourpre aux forêts. Celle qui déshabille les arbres, et celle qui les rhabille de vert tendre, dans une explosion de bourgeons. 

Certains se lamentent sans cesse, derrière leurs carreaux, en attendant que le « beau » temps revienne. 
Il y aurait des thèses à écrire sur la prétendue beauté du temps sec, l'été « belle saison » comme s'il y en avait de moches....
Ceux-là, les rageux, vivent comme dans une sorte de long transit inconfortable entre deux étés.  
Venez à moi, saisons mal aimées. 
J'aime déguster, à chaque minute, votre menu du jour.
Et ne croyez pas à une résignation devant l'inéluctable. Non, j'aime vraiment, de plus en plus, le gros temps cher à Brassens.  Je rends grâce simplement, d'avoir un toit, et des yeux pour admirer la nature quand elle change de vêtements.
J'aime le glouglou de la pluie sur les tuiles,  les dessins noirs des branches se découpant sur le ciel gris. C'est beau comme une estampe. J'aime les jours tellement courts qu'ils semblent timides, les nuits si longues qu'elles emmitouflent le monde dans leur ombre épaisse, piquetée parfois d'étoiles glacées.
Et c'est réjouissant, chaque jour, de ne rien attendre d'autre du temps qu'il fait, que le bonheur de ses variations. 

49 commentaires:

  1. Coucou. Chaque saison a son charme. Il ne sert à rien de se lamenter du froid, de la pluie ou de la neige. Quand c'est là, c'est là. Et on fait avec. Et on trouve des petits bonheurs à regarder les éléments rugir devant la fenêtre. Juste que je n'aime pas trop faire des kilomètres sur des routes verglacées, comme ce matin. :-) Bises alpines et bel hiver.

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    1. On a sûrement davantage le droit de râler quand on doit prendre la route pour le travail ou autre obligation...Mais quand on a la chance de rester au chaud...
      Bisous frangine !

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  2. On vit on parle on a le ciel et les nuages... et les jours et les saisons comme autant de " bonheurs du jour"
    Sais tu chère Célestine que cette année , pour mon calendrier de l'Avent, j'ai imprimé des nuages de ma collection , dans l'infinie variété de leurs formes et l'immense palette de leurs nuances, de courts poèmes ou versets au dos pour les suspendre , jour après jour ,aux fines branches argentées des bouleaux glanées après que le vent a détachées ?
    C'est aussi à l'entour un joli chemin d'hiver .
    Alors oui Alleluia ...

    de courts poèmes ou versets au do

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    1. J'aimerais assez voir ce beau calendrier de l'Avent ennuagé.
      Je te sais, comme moi, amoureuse de la nature sous toutes ses formes.
      Ce sont en effet des bonheurs du jour gratuits et superbes, juste sous notre nez.
      As-tu vu certains couchers de soleil ces temps-ci ? Juste avant de disparaître,derrière les montagnes, il fait une apparition entre l'horizon et la chappe de nuages, baignant tout d'une lumière magique l'espace de quelques instants seulement.
      Alleluia
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  3. Ta description des saisons est divine. Tes mots sont douce rivière qui coule en moi en suivant mon souffle. kéa

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    1. Oh kea, merci beaucoup.
      Tu es une vraie fidèle. ❤️
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  4. mais oui, prenons ça comme ça vient!
    (je ne suis de toute façon pas une fétichiste du "beau temps" au sens où l'entendent la plupart des gens ;-))

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    1. C'est bien dit. Le fétichisme du beau temps, ou du ciel bleu uni, c'est un peu comme l'obsession des visages sans rides...
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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    2. Fuyons les fétichistes !Ils sont un peu psychorigides avec leurs monomanies !
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  5. Apporter de l'amour à tous les temps qui passent. Voilà ce que tu proposes dans ce beau texte évocateur de l'intensité qui t'habite. Et ce n'est pas un contre-pied mais un acquiescement au réel, dont à tout instant on peut faire une opportunité festive. Et si c'était là le secret des plénitudes de nos maturités ?
    (Et merci pour le texte de Giono. Remerciements aussi pour avoir su me faire apprécier cet écrivain).

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    1. J'accepte avec bonheur cette plénitude, et tout ce qui m'est permis de vivre chaque jour.
      Tu as raison, j'ai en moi une intensité qui me fait vibrer beaucoup plus que la moyenne. C'est parfois fatigant, mais ça vaut tellement le coup !
      Heureuse de te lire, comme à chaque fois.
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  6. Connais-tu la définition du "mauvais temps" ?
    Le mauvais temps, c'est n'importe quel temps qui dure trop longtemps...:-)

    Ce qui est terrible, c'est la stagnation...
    On a vraiment besoin que le temps varie...
    que la pluie succède au soleil et l'hiver à l'été et à l'automne...

    La vie, c'est le changement !

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    1. Sympa ta définition du mauvais temps, la Licorne !
      Tout change, tout évolue, c'est vrai. En avoir conscience est une richesse.
      Mais la vie ce sont aussi des cycles, et en cela, la nature est la plus forte. Quelle leçon !
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  7. Le temps ne fait rien à l'affaire, quand on aime la vie, on aime la vie !

    (Je suis quand même bien content d'habiter un des ces pays imbéciles où jamais il ne pleut : la Bretagne ! ;-) )

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    1. Merci mon oncle pour ces belles allusions à notre grand Georges !
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  8. Tu me rappelles mon père qui nous emmenait en excursion par tous les temps arguant qu'on allait travailler quel que soit le temps, alors pourquoi pas promener ?

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    1. Quelle sagesse, ton paternel. C'est énervant, une telle sagacité, quand on est enfant, hein ?$•.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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    2. Bah, il avait raison, nous ne sommes que très légèrement solubles dans l'eau ! ;-)

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  9. Bonne journée chère Célestine
    Le ciel chargé, oui le ciel chargé d’émotion, de curiosité, d’intrigue…. Le ciel chargé tout ce qu’il faut pour renter dans la rêverie
    Entrainée par mes pensées, cela m’ a remis en tête le texte lu par Noiret. L’homme Qui Plantait Des Arbres
    texte ou Giono parle si bien de cette nature
    https://www.youtube.com/watch?v=n5RmEWp-Lsk&ab_channel=GionoYT
    amitiés
    nota mon dernier texte- C’EST PARFAIT- non il ne s’agit pas de moi, mon imagination vagabonde ….☺

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    1. Splendide, ce texte de Giono que j'ai longtemps étudié avec mes élèves. J'ai appris à aimer lire à pas mal de gamins avec cette histoire.
      Il est vrai qu'elle parle de racines, de nature, de choses profondes et éternelles. Et d'une renaissance. Et j'aime beaucoup les histoires de renaissance.
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  10. Tu as raison, je m'en suis aperçu en Israël où j'étais arrivé au mois de mars.
    Il faisait 4°C à Paris.
    11°C à Lod à 1H du matin.
    Plus de 20°C le lendemain matin avec un ciel bleu magnifique.
    Les jours suivant, j'étais heureux de ce "beau temps".
    Deux mois plus tard et les mois suivants jusqu'en novembre, en me levant j'ai regardé le ciel.
    Et je me suis dit, tous les matins "M... ! Il fait encore beau !"

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    1. J'ai même eu une période où le ciel uniformément bleu me déprimait. Mais vraiment.
      Ça m'arrive encore, en été, surtout dans mon sud où la pluie sait se faire rare. Trop rare.
      Alors, c'est la végétation en souffrance qui me rend triste (entre autres)
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  11. Il me plait beaucoup ton texte Célestine :-)
    Depuis que je vis à la campagne je "perçois" réellement l'alternance des saisons.
    En ville mes perceptions se limitaient à été/hiver, chaud/froid, soleil/pluie... Les nuances que tu décris si bien ne m'étaient pas très perceptibles.
    Ce qui ne m'empêche pas d'avoir envie de vivre en ville de temps en temps ;-)

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    1. J'avoue, la campagne aide à voir l'alternance des saisons...
      Ton commentaire rejoint mon billet « citadine intermittente»
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  12. Coucou Célestine, j'aime ton billet sur les saisons. Bien sûr, un rayon de soleil fait le plus grand bien mais chaque saison a son charme, de toute façon, on ne peut rien faire. Juste apprécier la pluie qui arrose les jardins, la neige qui fait des paysages féeriques, les bourgeons du printemps et l'été qui nous offre de belles fleurs. Je constate seulement que les saisons ne sont plus comme avant. Tout le long de l'année, il y a un doux mélange.
    Gros bisous ♥

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    1. Toi aussi, tu fais partie de ceux qui pensent qu'il n'y a plus de saisons ?
      Moi, il me semble quand même qu'il fait toujours froid en hiver et chaud en été...Globalement ;-)
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  13. C'est peut-être parce que maintenant tu es plus libre de choisir quand tu veux sortir de chez toi, tu as moins de contraintes ? Moi tant qu'il y a un peu de lumière : chaud, froid , humide je m'en accommode !

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  14. Je te suis et c'est si bien dit . Je ne saurais me passer des 4 saisons, j'ai toujours reconnu que je n'aimerais pas vivre dans ces pays "où il fait toujours beau" .
    Merci Célestine, pour ce bel extrait de Giono, avec sa langue si particulière, si expressive !

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  15. Quand j'étais jeune militaire, je devais partir en République de Djibouti. Ceux qui revenaient du séjour de la corne d'Afrique me disaient tous qu'ils étaient contents de retrouver les 4 saisons. Je trouvais ça étrange, et pourtant pareil quand j'atterrissais à Roissy en fin de séjour.
    Et puis que serait Noël et le nouvel an sans le froid.
    C'est mignon le glou glou de la pluie sur les tuiles.
    Biz

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    1. Il y en a sûrement aussi qui devait se dire que tu avais de la chance de faire l'armée au soleil, plutôt que dans les brumes d'Allemagne...
      On veut toujours ce qu'on n'a pas...
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  16. Les saison sont mes repères.
    Leur rythme est mon berceau...
    Et chacune d'entre elles me porte dans l'univers sensible de la poésie.
    Et finalement, le temps qui passe (trop vite) a une bien jolie garde robe.
    Bises d'hiver au coin du feu.

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    1. Tu as toujours une façon très poétique de dire les choses.
      Bisous frangin de cœur

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  17. Je ne dirais pas que j'aime le "mauvais" temps, mais je dois reconnaître que je ne le honnis pas. Cela me donne une bonne raison pour bricoler/travailler dans mon garage/atelier. Je garde toujours quelque chose à faire à l’intérieur, à l'abri des intempéries. Je les vis mieux sous un toit et quatre murs, quand j'ai une bonne provision de bois sec, et que le poêle ronronne chaleureusement.
    D'ailleurs, heureusement qu'il y a du mauvais temps, sans quoi, je ne fabriquerai rien...

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    1. Et quand on sait avec quel cœur et quel talent tu fabriques ce que tu fabriques, on ne peut que se réjouir de la pluie !

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  18. Tu conjugues admirablement bien les saisons à tous les temps et tous les modes, y compris de chez nous ;-)
    Bises pluvieuses

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    1. Yes ! Deux commentaires pour le prix d’un ? C’est Byzance !

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  19. Les saisons soufflent et s'amusent dessinent leurs couleurs par tous les temps et habillent paysages et visages de robes arc-en-ciel.. Tout file tout flotte et voyage, se partage assurément et les notes jouent l'émoi des nuages du ciel. Je recueille comme toi Céleste, dans mes mains, tout ce qui peut s'offrir : le chaud, le froid, le tiède découvrant la magie de chaque instant qui invente une histoire de tous les présents, emmitouflée dans l'aléa et son hasard dans un éclat ensOleillé d'or, de brume ou de goutte qui s'égoutte et qui pleure... Merci pour tes mots et ceux du grand Giono et son chant du monde, que j'aime.

    Bises de l'Avent.

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    1. Toujours inspirée chère Den, par mes petits billets.
      J’aime la façon dont tu rebondis sur mes mots pour en tisser d’autres.
      L’emoi des nuages du ciel : c’est très joli, ça …
      Bises du coin du feu

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  20. Les saisons nous inspirent et j'aime la pluie. Moi aussi, je suis un chien de la pluie, comme chante Tom Waits.
    Ta photo est très belle, Célestine.
    Alors que j'écris et que le vent souffle dehors, un oiseau, probablement une perdrix tente d'escalader le toit de la vieille grange, griffant de ses pattes la mousse qui en recouvre une partie, puis quasiment au sommet glisse comme un enfant turbulent mais quelques battements d'ailes plus tard, elle retrouve la terre ferme. Elle aussi doit aimer les saisons.
    Quelle belle série de posts.
    Bises Célestine.

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    1. Ha merci cher Patrick.
      J’essaie d’écrire plus souvent pour ne pas perdre le fil de l’inspiration qui m’habite.
      Mignonne l’histoire de ta perdrix. Il fait des yeux de poète pour voir ça …

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  21. Bonjour Célestine, un ode à l'optimisme ! Oui, et Jean Giono est bien chois pour exprimer le bonheur de savourer chaque saison même l'hiver et sa fraicheur . chaque parfume peut nous enivrer et l'odeur de l'Hiver est incomparable. "Le givre sur les sapins, les perles sur chaque brin d'herbe comme autant de diamants". Tu as l'art de poétiser l'existence .

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    1. Je suis comme toi : je trouve ( depuis toujours) que chaque saison a une odeur particulière.
      Hier, profitant d’une belle éclaircie, j’ai fait un tour du jardin. Ça sentait le printemps :-)
      Étonnant non ?

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  22. Comme tu l'indiques, ce que l'on peut aimer, et ce que j'aime particulièrement ce sont des saisons bien marquées qui tranchent de l'une à l'autre .
    Oui j'aime la douceur du printemps qui démarre lorsque le crocus pointe .
    J'aime l'activité débordante de la nature en profusion .
    J'aime les orages d'automne qui laissent place à l'été indien comme un dernier sursaut avant la blancheur silencieuse des reliefs enneigés.
    Heureux sommes nous de vivre les quatre saisons,  celles qu'illustra Vivaldi de sa verve musicale.
    J'aime apprendre que ton évolution t'amène à apprécier toutes ces variations.

    Bises de saison

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    1. C’est vrai je détestais l’hiver quand j’étais plus jeune.
      Désormais je n’ai plus besoin de rester à me geler dans une cour de récréation et du coup j’aime assez l’hiver …
      Je lui trouve des avantages incomparables, comme celui de pouvoir paresser sous la couette.
      Oui je sais c’est un peu égoïste comme vision…
      Bises cher Petrus

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  23. Je pense que je dirais pareil si je vivais entourée de nature. En ville, ce n'est pas pareil. Chaque année, je me dis "Ça y est, j'ai à nouveau raté le printemps. Ou l'automne.".

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    1. Un jour peut être, tu iras t’installer a la campagne ?
      Tu verras c’est fabuleux !

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Je lis tous vos petits grains de sel. Je n'ai pas toujours le temps de répondre tout de suite. Mais je finis toujours par le faire. Vous êtes mon eau vive, mon rayon de soleil, ma force tranquille.
Merci par avance pour tout ce que vous écrirez.
Merci de faire vivre mes mots par votre écoute.