28 janvier 2024

Alula

Neil Simon













Etymologiquement, le mot alula signifie « petite aile ».
Il désigne chez les oiseaux les plumes accrochées à un seul doigt, des rémiges plus souples que les autres. 
C'est un joli palindrome, alula. A l'envers comme à l'endroit, il reste élégant et léger comme un vol d'hirondelles.
C'est aussi le nom qu'a choisi ma fille, ma prunelle, pour désigner son agence de décoration d'intérieur, qu'elle vient de monter, avec une grande détermination et beaucoup de courage. 
Après avoir travaillé dans les parfums, à Grasse, et le contrôle qualité des cosmétiques à Monaco, voilà que cette luciole s'est lancée dans une passion magnifique et exigeante, au terme d'une formation de deux années. 
Je suis toujours admirative de la jeune génération capable de prendre des risques, et de ne pas rester sur les mêmes rails toute une vie. Signe des temps ? 
Il semblerait que beaucoup de jeunes adultes réagissent de cette façon. Passant d'un métier à l'autre. Suivant leur instinct, leurs envies, ignorant les vieux schémas enfermants dans lesquels on nous cantonnait jadis : un métier, c'était souvent pour la vie. Ceux qui changeaient passaient pour instables.
On ne compte plus, dans notre entourage, les avocats devenus apiculteurs, les professeurs devenus vignerons, les « brillantes carrières » abandonnées au profit de métiers plus riches de sens. Le curseur des valeurs a changé. La qualité de vie semble plus importante désormais que l'appât du gain, même si certains rêvent encore de devenir millionnaires. 

En tout cas, je voulais vous parler d'alula aujourd'hui. 
Je suis sûre que vous comprenez le cœur d'une mère.


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Pour jeter un oeil à son travail :

13 janvier 2024

Une falaise




C'était un projet que je caressais depuis longtemps.
Alors, en ce début d'année, je me suis attaquée à une véritable falaise : éditer en format livre papier l'ensemble de ce blog, qui fêtera ses quinze ans dans quelques semaines. 
Travail idéal pour cette période de l'année, où le couvercle d'étain du ciel pèse sur de maigres jours rétrécis, coincés entre d'interminables nuits glaciales. Le soleil ne semble pas décidé à percer cette couche épaisse de nuages nappant les vallées. C'est un temps d'introspection, de repli, d'intériorité. Un temps de bilans aussi.
Au coin du feu, je relis patiemment les quelques mille cinq cents billets que j'ai commis au fil des ans, amusée de noter mon évolution, mes maladresses premières, de retracer mon chemin, de revivre des moments oubliés. Me surprenant de temps en temps à laisser jaillir quelques larmes, à l'évocation des épisodes difficiles ou douloureux. Souriant souvent en parcourant les commentaires et les joutes verbales de mes fidèles aficionados. Elaguant sans hésitation certains écrits peu intéressants ou trop anecdotiques. Constatant de temps à autre des fautes de typographie, d'étourderie, d'orthographe et même de syntaxe, surtout au début. Puis de moins en moins. C'est ainsi que se construit une écriture, un style, au fil des ans. Nourrie des expériences et des apprentissages qu'un esprit avide de savoir a engrangés et réinvestis au cours de ces années. Une écriture plus affinée, dépouillée de trop de tarabiscots, plus essentielle. 
Je mets en page. Je corrige. Je valorise la couverture de chaque volume, avec de belles photos qui me parlent. J'uniformise les polices d'écriture. Un vrai travail de fourmi.
Ces billets apparemment hétéroclites, mis bout à bout, vont ressembler à quelque chose. 
Quelque chose de tangible, d'agréable à lire, de construit. Même si j'ai conscience du caractère éphémère de toute trace laissée sur le sable du temps. Sauf peut-être pour les textes intemporels, ceux qui chuchotent au cœur de l'universel.
Ils seront une transmission, un legs, un modeste héritage, un témoignage d'une femme de son temps. Ma descendance aura ainsi un moyen de savoir, si elle le désire, qui était cette aïeule un peu poète, un peu fée, qui aimait semer sur sa route des étincelles. 
De petits brins d'étoiles qui finissent par émettre une douce lumière : celle de mon amour de la vie.
Alors à mi-falaise, je me sens heureuse d'avoir entamé cette ascension. Et la joie de créer me donne des ailes, j'entrevois déjà le sommet.