Petit matin froid d'automne. L'été indien s'escape, comme on dit chez nous. J'arpente mon jardin vivifiant de plantes légères. Elles vont brunissant à vue d'oeil. Le bouleau se couvre d'or dix-huit carats. L'herbe perd son vert ripoliné, dans deux mois elle sera grise. Les ombres hanteront la pelouse glacée, et les moineaux grelotteront dans le vent aigre, la plume hirsute.
L'heure n'est pas encore aux tourments de l'hiver. Mais il fait déjà frisquet, c'est la bande-annonce du programme qui nous attend. "On se les gèle" dirait mon père. En restant comme toujours équivoque sur ce que remplace le pronom personnel complément d'objet direct de cette phrase... En attendant, les après-midis nous consolent encore, de leurs tiédeurs d'octobre. "On va le payer" dirait ma mère, toujours suspendue au bras vengeur d'une quelconque et étrange justice immanente...
Je me penche sur un spécimen de joubarbe "sempervivum". Celle qui vit tout le temps. L'éternelle... Elle me tend sa corolle charnue et somptueusement ordonnée. Elle oriente aux rayons du matin sa petite tête frêle, comme si elle était heureuse de projeter la vie hors de ses feuilles, et de m'en éclabousser. Comme si elle possédait une pensée propre.
Et je sens tressaillir quelque chose au plus profond de moi-même. Une sorte de soupir primal, comme si toute la beauté universelle se retrouvait tout à coup concentrée dans cette simple et parfaite combinaison végétale. Comme si tous les mystères du monde m'étaient apparus furtivement, l'espace d'un clignement de paupières.
Submergée par l'émotion, je laisse couler d'inexplicables larmes. Il me semble la voir frémir sur sa tige comme un encensoir (Ah non, flûte, c'est déjà pris, cette métaphore...sorry, Charles)
Puis la petite voix de la raison me susurre "Non mais ça va pas, ma vieille, de t'extasier ainsi sur une plante grasse?"
Mais je m'en fous: pour un instant, dans mon jardin, la terre a ralenti, doucement le temps s'est arrêté, rien que pour moi.
"What else?" comme dirait l'autre.
"L'heure n'est pas encore aux tourments de l'hiver. Mais il fait déjà frisquet, c'est la bande- annonce du programme qui nous attend. "On se les gèle" dirait mon père. En restant comme toujours équivoque sur ce que remplace le pronom personnel complément d'objet direct de cette phrase... En attendant, les après-midis nous consolent encore, de leurs tiédeurs d'octobre. "On va le payer" dirait ma mère, toujours suspendue au bras vengeur d'une quelconque et étrange justice immanente..."
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup ce passage Celestine. Je retrouve le style jeune et drôle de "L'orteil d'Apollon".
Attention vous avez mis un espace de trop à "bande- annonce"
ALAIN Merci mon cher pour cette analyse de critique et cet oeil d'esthète qui vous fait traquer la moindre coquille typographique. J'ai corrigé. Merci aussi de parler régulièrement de mon livre. C'est très gentil.
Supprimerah oui , c'est vrai , y'a toujours des rabats joies qui pensent que la météo est revancharde ! ça me fait rigoler aussi , mon maçon était de ceux là , avec un regard noir qui menace , tu imagines le gars !
RépondreSupprimerComme toi , je respire dans mon jardin , il laisse même tomber quelques gouttes de mes yeux , quand c'est trop plein , faut pas garder
Octobre est un mois étrange ... les frileux mettent les bottes et le manteau , et les plus téméraires restent pieds nus le plus longtemps possible
"sempervivum" je crois que j'ai ça aussi dans ma rocaille , forcement , il en faut des éternelles
"Attention JEANNE vous avez oublié la règle des noms composés : des rabat-joie..." dirait mon ami Alain (voir ci-dessus). Je le raille gentiment j'espère qu'il n'en prendra pas ombrage, car j'apprécie beaucoup son avis éclairé, et puis il est fan de mon livre!
SupprimerJe reconnais que la règle des noms composés est, comme on dit, imbitable, ce qui n'est pas une vulgarité, malgré les apparences.
Oui, j'aime respirer mon jardin. Un petit bout de Terre rien qu'à moi.
Pour les nu-pieds( sans s à nu) j'avoue que ce matin j'ai préféré les bottines.
Pas vulgaire "imbitable" ?? : "3. (Argot) (Vulgaire) (Péjoratif) Qualifie une femme qui ne provoque aucune envie sexuelle chez un homme ; imbaisable. " (J'suis choqué !)
SupprimerBon c'est vrai y'a aussi "1.(Argot) Incompréhensible, difficile à comprendre."
Et j'apprends qu'au Canada : "2. (Canada) (Vieilli) Qualifie une personne ou une chose dont les qualités ne sauraient être surpassées." On peut donc dire qu'au canada, tu es imbitable ! (Comment ça je flagorne ??)
(source : http://fr.wiktionary.org/wiki/imbitable )
Merci pour le compliment!
SupprimerLa terre est comme nous, elle a besoin de repos....
RépondreSupprimerbelle journée avec bises
Je me sens très "terre" aujourd'hui...j'éprouve ce besoin de me changer les idées que l'on appelle effectivement le repos.
SupprimerBises
Doucement... est un bon rythme parfois:-)
RépondreSupprimerBon dimanche
Bizz Laure
http://ptitesphotosdelolo.blogspot.fr/
LAURE! Ralentir...pour mieux repartir. Se ramasser sur soi-même pour mieux bondir: la vie est faite de ruptures de rythme.
SupprimerMais heureusement que vous vous laissez émouvoir par une plante ! C'est merveilleux et tendre !
RépondreSupprimerSourire...j'apprends à me délecter des bonheurs du jour. Aujourd'hui il avait pour nom joubarbe sempervivum...
SupprimerMais bien sûr elle envoie ses émotions, ta petite plante sempre viva! Et elles sont arrivées à bon port...
RépondreSupprimerEdmée, toi aussi tu penses que les fleurs ont une âme...J'aime cette idée. Après tout, personne n'en sait rien, alors s'il nous plaît à nous de l'imaginer, que peuvent dire les scientifiques...
SupprimerLe tour de Jardin, mon Pére aurait parlé du "tour de plaine" évidement lui était le patron. Alors souvent en parcourant le jardin une foule d idée me viens, il faudrait que j arrache les tournesols qui ont accueillit tant de chardonnerets il faudrait que j achéte une nouvelle tondeuse a gazon, celle ci ayant rendu l ame et de toutes façons c est moins cher d en acheter une neuve, as tu remarqué combien de fois nous raisonnons de cette maniére, acheter pour consommer , bien que je répare beaucoup mais les miracles, c est bon pour le "tout puissant" qui nous laisse toujours sur la terre en attendant d étre en dessous.
RépondreSupprimerBonne soirée Célestine
Latil
Tu as raison...Mais moi, je me contente de respirer les fleurs et de regarder le vert envahir mes cellules. A la retraite, peut-être, je pourrai aider mon jardinier préféré.Pour l'instant, je n'ai pas trop le temps.
SupprimerMerci d'être passé.
Voilà que je te retrouve, à force de persévérance...
RépondreSupprimerLe lieu est agréable. La lecture de tes textes rafraichissante...
Promis, je reviendrai!
Bonne soirée.
Je ne savais pas que tu étais déjà venu...moi je t'ai découvert il y a peu et j'ai eu un coup de coeur pour tes textes poétiques, si bien que je t'ai mis en lien pour ne pas avoir le désagréable risque de t'égarer dans la blogosphère.
RépondreSupprimerA bientôt donc.
je t'ai écrit un texte sur ton billet Après la tempête
RépondreSupprimersigné petit âne gris qui n'arrive plus chagriné par la technologie à rentre son profil URL donc j'hurle au secour
J'ai lu... :-)
SupprimerY'en a qui imaginaient plein de choses dans une noix, pourquoi n'aurais-tu pas le droit de voir la beauté universelle dans une plante grasse, ? :~)
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas cette version, elle est mignonne. Les deux m'ont fait penser à Nicolas et Pimprenelle...
SupprimerÊtre capable de voir autant de choses dans une ch'tite plante grasse, en dit long sur celle qui la regarde !
RépondreSupprimerSi tu parles de mon imagination, je crois qu'elle est assez...débordante en effet!
SupprimerDe "grasse" ne nous plante pas ! Que deviendrions nous sans Célestine qui poétise autour d'un artichaut ?
RépondreSupprimerben quoi, c'est beau un artichaut. Et je ne te parle pas du chou Romanesco, qui est une merveille mathématique!
SupprimerPetite vengeance de Ch'ti' ....
RépondreSupprimerIchi din ch'Nord, fait grin (grand) soleil m'fille ! l'été de st'indien il bril' toudis ! (il brille sans cesse)
Te verro cha te berlafrais t'tasse eud jus chu tin espinsère !
(Tu verrais ça tu renverserais ta tasse de café sur ton gilet de laine…)
:-)
C'est très joli, espinsère pour gilet de laine...(une réminiscence de l'anglais spencer, sans doute)
SupprimerTa vengeance est ben douce, mon ch'ti gars...J'ai adoré t'entendre.
Parce qu'il y a des plantes (qui ne sont pas des plantes grasses) qui ont le droit de nous faire pleurer et d'autres non ?
RépondreSupprimerQuand je suis d'humeur, je suis capable de pleurer devant tout et n'importe quoi. Hier ce sont des pierres taillées du mésolithique qui m'ont émue. Je te le dis, n'importe quoi.
T'es comme moi ma Berthoise: un coeur d'artichaut!
SupprimerCa me rassure de voir que je ne suis pas la seule à pleurer devant la beauté....
SupprimerLes plantes et les fleurs n'ont se sens qu'en terre lorsqu'elles sont vivantes, ce qui est exactement le contraire pour nous les humains...
RépondreSupprimerS'extasier sur la vie est bien normal...chacun sa sensibilité non??
On se complète à la perfection, donc, les végétaux et nous: ils nous préparent le terrain, en quelque sorte.
SupprimerQuand j' arrive au Bout du monde, je vais dire bonjour à toutes les plantes et je n' oublie pas de caresser l' érable. Le Barbu dit "elle fait son tour !" Même s'il fait nuit noire ................
RépondreSupprimerC'est mignon. Et je suis sûre que personne ne se moque...
SupprimerC'est délicieux les artichauts, tout comme l'Orteil dont ma bonne-maman a adoré le vocabulaire inusité et les jeux de mots... Merci pour elle et pour tous tes lecteurs.
RépondreSupprimerMerci chère Delphine, ce commentaire me fait vraiment très plaisir! Ça me fait toujours drôle de me dire que mon petit roman voyage si loin, et qu'il est lu par toutes sortes de personnes...Tu diras à Bonne-Maman combien je suis honorée!
SupprimerJe t'embrasse fort, ma Delphine...
Tu parles si bien de ces petites choses de rien, cela demande un grand talent d'écrire mais aussi de les remarquer, de les ressentir
RépondreSupprimerJe ne sais pas si c'est du talent, mais en tous cas c'est une sensibilité à fleur de peau qui n'est pas toujours une qualité! Même si le plus souvent, elle me procure de grands bonheurs.
SupprimerJoli texte au parfum d'automne. Laissons les pessimistes évoquer l'hiver en devenir. Il y a de belles choses en automne. A nous d'en profiter. NB. On utilise aussi le verbe "escaper" dans mon petit village de Belgique. Amitiés. dinosaure80.
RépondreSupprimerAh bon? et ça veut dire aussi "s'échapper en douce?"
SupprimerJe me demande si j'ai su que tu étais belge...je perds la mémoire.
Merci de ton passage que j'apprécie toujours autant.
ici aussi...frais le matin.;et moi je couve mes salades il serait dommage qu’elles se les gèlent(les feuilles bien sur)
RépondreSupprimertu les couves? ou tu les couvres?
SupprimerMais je ne comprends pas:il ne gèle jamais chez toi!
Comme il est bon de faire quelques pas dans ton jardin... Et, s'extasier devant la joubarde? Pourquoi pas? bises
RépondreSupprimerCertaines plantes ont une façon très particulière de nous rappeler les mystères insondables de l'univers..et mon jardin en fourmille..
SupprimerJe vois des fractales quand je regarde ce "feuillage". Ah, les maths.
RépondreSupprimerMes yeux ne s'embuent pas mais se troublent !
Se troubleront ils demain devant le formateur "TBI"?
Ah! le TBI! Toi aussi tu as droit à cette petite merveille technologique?
SupprimerEn ce qui concerne les fractales, je crois que les choux romanesco en sont un exemple encore plus flagrant...
Bon courage pour demain!
Tu m'as appris quelque chose, Célestine ! La plante, sur la photo, eh bien j'en ai plein chez moi, dans des pots ainsi que dans le gravier de mon allée. Elles sont très robustes et semblent ne pas craindre le gel. En été elle donnent de très jolies fleurs rouges et jaunes.
RépondreSupprimerJ'ai longtemps cherché à en connaître le nom, sans réussite. C'est en venant chez toi que j'ai découvert son nom : joubarbe "sempervivum". Grand merci !
Ravie d'avoir contribué à agrandir ta culture générale, mon cher Sklabez.
RépondreSupprimerJe dis toujours que j'apprends une chose nouvelle tous les jours... Que vais-je donc apprendre aujourd'hui?
C'est très beau, je me suis régalée de ton moment au jardin ...
RépondreSupprimerMerci Véronica, un jardin est fait pour être partagé...
SupprimerLe jardin est pour moi aussi un lieu de ressourcement et souvent je m'émerveille devant la beauté des fleurs ...
RépondreSupprimerLes fleurs, oui, et aussi les "artichauts" comme dit mon ami Andiamo...
Supprimer