Depuis quelques jours, la colline s'est constellée de fleurs des champs. Le printemps nous assène doucement sa grande claque annuelle. Une véritable explosion germinale qui renouvelle le miracle. Une symphonie de pétales. Quoi de plus beau ?
Ce matin, avant qu'il ne disparaisse sous les dents de la tondeuse, je suis allée fouler cet incroyable tapis, les primevères m'ont saluée, de leurs couleurs soyeuses, elles m'ont rappelé leurs lointaines cousines des alpages, mais oui, rappelez-vous, quand la petite chèvre croit que toutes les fleurs se penchent devant elle, cette petite folle inconsciente.
Les pâquerettes couvraient le sol en rang serrés, comme si elles voulaient faire oublier la couleur de l'herbe. Les pissenlits étoilaient d'or la verdure. Les muscaris lançaient vers le ciel leurs hampes timides d'un beau violet profond. Et bien d'autres espèces dont j'ai cherché les noms délicats ou étranges, mélilot, mauve, achillée, rhinanthe, violette, myosotis, fritillaire.
J'éprouvais d'ailleurs en marchant dans cette onde chatoyante cette exaltation, cette ivresse que l'évaporée biquette ressent avant d'aller se fourrer dans la gueule noire du gros loup griffu. Mais cela est une autre histoire qui m'a bien traumatisée étant petite. Avant de comprendre, bien plus tard, que la liberté a toujours un prix, et que c'est cela qui lui donne son goût unique.
La prairie est une ode au jaillissement de la vie. Au printemps, n'ayons pas peur des mots, la nature est véritablement en amour avec elle-même. J'aurais eu cinq ans, j'aurais été Carrie Ingalls, qui dévale la pente en se roulant dans le pollen... ;-)
Voyez avec quelle obstination la moindre pousse se fait sa place au soleil ! C'est étonnant. Epoustiflant. Les fleurs happent à pistil rabattu l'énergie vitale, la force de s'arracher à l'hiver. Les étamines frétillent, les rhizomes rampent, les bourgeons brisent leur gangue. Les petites mains œuvrent sans bruit pour nous offrir une sonate en corolles majeures. Tiens, l'érable du Japon que nous avions planté à l'automne a éclos ses premières feuilles. Les bégonias ont triomphé des gelées hivernales.
Pour nous donner ce spectacle grandiose, vert tendre, jaune d'or, rose doux, combien ont-elles dû s'endurcir, les petites graines...
Nous aussi, nous sortons doucement de l'hiver. Avec une belle envie de défroisser nos pétales.
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