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23 mai 2024

Lettres du Japon (3) Le Mont Fuji


Hier soir, à notre arrivée à l'hôtel, nous faisions des vœux pour que la chambre donne du bon côté. La déesse des voyageurs nous a entendus. En faisant coulisser les fenêtres aux carreaux en papier de riz, il est là. Tel qu'en mes rêves fous. Il dresse son triangle parfait vers un ciel complètement dégagé, nimbé d'une brume un peu laiteuse. Quelle merveille, quand on réalise tout à coup que l'on est au pied de la montagne la plus célèbre du Japon. J'ai l'impression de me retrouver dans une estampe, dans un haïku, ou un roman de Murakami. Au sol, un tatami en paille de riz et jonc tressé et des futons au ras du sol renforcent cette impression poétique.

Ce matin, lever six heures pour tenter de saisir l'instant.  Nous montons en haut de l'escalier de secours extérieur pour échapper aux fils électriques qui gâchent les prises de vue. Ce bijou du patrimoine japonais n'est décidément pas assez mis en valeur. Des montagnes russes assez hideuses se dressent juste devant. Peu importe. On veut voir le Fugi.

Ici, quand tu aperçois le Fuji, tu ne dois pas remettre à plus tard la photo.  Il peut se recouvrir en dix minutes. « Vous comprenez, c'est un pudique, comme un homme japonais, il n'aime pas trop se montrer », précise Akiko. « Les femmes le sont beaucoup moins » ajoute-t-elle avec un éclair mutin dans les yeux. 
A propos de pudeur, l'expérience du onsen, va nous permettre de la mettre de côté un instant. Les onsen sont des bains publics dans lesquels les eaux bienfaisantes d'une source chaude se déversent à volonté. On s'y lave ensemble, au préalable, dans une ambiance détendue et naturelle, tout est fait pour passer un moment agréable. Puis on se plonge nu dans l'eau pleine de vertus médicinales et cosmétiques. On y goûte la magie du lâcher-prise total, surtout dans les bains extérieurs entourés d'érables nains et de bambous. L'air est frais dans les montagnes japonaises. L'eau est à 38 degrés. Le contraste est délicieux. On en ressort la peau très douce.
Les hommes et les femmes sont évidemment séparés, et les photos (ne soyez pas trop déçus) interdites. 
Ensuite, malgré notre montée en funiculaire au mont Komagatake, dont les pentes sont recouvertes d'une dense végétation d'un vert intense, malgré les promesses d'Akiko, malgré nos efforts pour finir l'ascension à pied, et prendre encore plus de hauteur, malgré nos prières à la déesse Amaterasu, rien n'y fait. Fugi restera drapé dans sa dignité nuageuse. Laissant à peine entrevoir le bout de son cratère enneigé.
Sur le lac Ashi, où l'on croise des galions venus d'un autre âge, dernier espoir d'entrevoir le Mont Sacré. Espoir qui tombe au fond du lac parmi les carpes koï. Peu importe. 
On a vu le Fuji. On est heureux.


(à suivre)





















9 commentaires:

  1. Bonsoir ma Célestine, merci pour les photos et le récit. Je crois que je détesterai dormir si près du sol ! 🙂
    Et à propos de Cartier, je viens de lire ceci dans le livre "Veiller sur elle" de Jean-Baptiste Andrea : je me rendis au dîner dans mon plus beau costume, une montre de chez Cartier au poignet. Je portais ce qu'il y avait de mieux, et qui venait invariablement de France, à mon grand désespoir, puisque l'Italie de ces années-là n'avait que faire de la mode. Cartier m'avait aussi valu l'une de mes rares disputes avec Alinéa, à qui j'avais offert une montre dont le luxe l'avait embarrassé. Il me l'avait rendue, affirmant qu'il ne saurait quoi en faire, d'autant que le temps du bois, celui qui l'intéressait le plus, ne se mesurerait pas avec un tel outil. Je l'avais traité de pequenaud.
    Tu vois Célestine, pas de hasard, Cartier nous répond ! 😉

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  2. Comme tant d'autres montagnes, ce Seigneur est bien timide. Mais tu as eu effectivement de la chance de pouvoir immortaliser ce très beau moment. Il restera à jamais gravé dans ton coeur. Continue de profiter à fond de toutes ces merveilles. Bises alpines.

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  3. Une belle lettre empreinte de poésie, étayée par quelques cartes postales qui nous font rêver... Merci, adorable Maîtresse 😊😘

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  4. Une belle lettre empreinte de poésie, étayée par quelques cartes postales qui nous font rêver... Merci, adorable Maîtresse 😊😘

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  5. Et tu n'es pas grimpée en haut pour crier "BanzaÏ !" au lever du soleil ? ;-)

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  6. Moi mon colon, celle que j'prefere, c'est celle de Celestine.....
    Le Fuji peut attendre un peu que je vienne le découvrir à mon tour.
    Mais, Céleste, sur ce bateau à peine dévoilé, tu nous emmènes vers les mystères de ce pays...et j'attends la suite avec joie.

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  7. Quelle chance d'avoir pu prendre en photo ce mont Sacré, dont je n'ai qu'une représentation de mon fils Arnaud, mais ici je ne peux pas t'envoyer la photo je crois...
    Ce bain parfumé entouré de bambous et d'érables me tenterait, avec un bon lâcher-prise ! Ca me remet en mémoire une plage de nudistes et un village du midi, une amie m'y avait trainée mais je n'ai pas été conquise !
    En tout cas ça a renforcé ton physique que nous admirons Célestine !

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  8. Voir le fuji et mourir !! Et en plus un bon bain!! C'est ça le bonheur!

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Je lis tous vos petits grains de sel. Je n'ai pas toujours le temps de répondre tout de suite. Mais je finis toujours par le faire. Vous êtes mon eau vive, mon rayon de soleil, ma force tranquille.
Merci par avance pour tout ce que vous écrirez.
Merci de faire vivre mes mots par votre écoute.