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27 février 2022

La grande consolatrice






“La guerre n'est pas une aventure. La guerre est une maladie. Comme le typhus.”
Antoine de Saint Exupéry






Le lac de Champos




Alors oui, bien sûr, je sais... La poudrière de l'Est occupe les unes des journaux, des blogs, des réseaux sociaux, et même des cours de récré. Le vilain russe a remplacé le vilain virus. Enfin un nouveau truc bien glauque, bien craignos à se mettre sous la dent rédactionnelle, un truc à audimat. 

Vladimir Cauchemar a un concurrent sérieux, un homonyme maudit qui, celui-là, ne fait pas dans la dentelle ni danser les gens en frottant des disques vinyles. Il serait plutôt du genre à nous faire marcher sur la tête.
Quel sera le Sarajevo moderne qui mettra le feu aux poudres ? Qui ouvrira le bal ? Quand ? 
La question agite les corbeilles, qui s'enflamment ou s'effondrent selon les chroniqueurs. Rien ne changera jamais. Le mot fait vendre, le mot fait peur.  La guerre...
La guerre, disait Paul Valéry, « ce massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent et ne se massacrent pas... » C'est tellement vrai. Quelle connerie, Barbara. Et en deux mille vingt-deux, on en est toujours là ?
A quoi bon en parler ? De toutes façons, personne ne nous demandera notre avis, quoi qu'il arrive. Le peuple subit. Les glands de ce monde n'en font qu'à leur tête. Qu'ils ont bien petite, entre nous...A se demander s'il y a de la place pour un cerveau là-dedans. Bref. Wait and see.
Je refuse d'ajouter de l'angoisse, de la peur, de la spéculation à ce monde qui n'en a aucun besoin supplémentaire. 

Je préfère me concentrer sur sa lumière. Tendre la main à cet homme qui faisait du stop, l'autre soir, avec ses béquilles. Brisé par un terrible accident. L'amener jusqu'à chez lui, écouter sa triste histoire, sa solitude, son dénuement et le voir pourtant sourire sans se plaindre. Quelle leçon !
Me réjouir de la victoire de mon amie Prunelle sur le méchant nénuphar qui lui rongeait le sein. Vivre dans la gratitude de tout ce qui m'est donné, chaque jour. Me sentir toute petite, impuissante, mais forte, vivante, et heureuse de l'être. Si certains mégalomanes atrophiés du cortex pouvaient en faire autant, déjà, le monde irait mieux…
Bouffer de la guimauve au chocolat en lisant le dernier Pennac.
Aller voir le Chêne, un film superbe plein d'animaux gentils, qui s'en battent l'oeil des derniers soubresauts de la bourse. 
Rêver au bord d'un lac. Ecouter les premiers chants d'oiseaux annonciateurs de printemps. Soigner mes iris.
Parce que plus que jamais, comme Dédé devant la prodigieuse beauté de la montagne,  je trouve salutaire de se réfugier dans la contemplation de la Nature. La grande consolatrice d'âmes.

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PS. 

J'avoue que j'ai hésité, pour faire plaisir à Bleck, à vous écrire le mode d'emploi du four à vapeur X27-86 à injection directe par induction sous-jacente intuitive en alternance bi-nomique. C'était pourtant un beau sujet. Qu'est-ce qui m'a retenue, au dernier moment...ça, qui pourrait le dire ?











20 février 2022

Souvenirs nomades




“Il reste toujours quelque chose de l'enfance, toujours...”
Marguerite Duras




 
“Filez dans vos chambres ! ” 

C'est ainsi que parlait mon père quand il en avait assez de supporter le raffut de ses cinq enfants.
Je filais dans ma chambre avec bonheur...J'aimais ce havre clair-obscur où se jouait mon théâtre personnel.  Les livres étaient mes amis de solitude.

 Je lisais la Famille Tant-Mieux,  et sa vie aventureuse en roulotte. C'était un peu mièvre.  Mais c'était doux et rassurant à mon coeur d'enfant. Quelque part, cela m'aida à comprendre et à faire mien l'optimisme de mon père, sa vertu cardinale. 
Pour mon esprit aigu et ma sensibilité piquée au vif,  les roulottes étaient le symbole de l'aventure.  Je les trouvais d'une poésie terrible, ces petites maisons à roulettes, de puissants appels au rêve. 
Le Club des Cinq, dans une de leurs péripéties,  rencontrait des Saltimbanques, et ce mot 
sentait le voyage, les petits cirques miteux, les auberges grises, les baladins d'Apollinaire, l'ours et le singe, animaux sages... Dans un autre tome, ils partaient en roulotte, eux aussi.
Ma maîtresse d'école nous apprenait à lire avec  “ La roulotte du bonheur ”. L'auteur, Paul-Jacques Bonzon, qui habitait la même ville que moi, avait écrit cette histoire pour donner le goût de lire. Je crois bien qu'il avait réussi son pari.
             
 
Plus tard, je fis découvrir à mes élèves le merveilleux “ Pierrot et les secrets de la nuit , de Michel Tournier. Comme elle était bien écrite, cette histoire dont raffolaient les enfants...Un bijou de poésie.
Pierrot le Boulanger aime Colombine la Blanchisseuse, mais voilà qu'une roulotte débarque à Pouldreuzic, toute enluminée de fleurs et d'oiseaux, et à son bord, Arlequin... Arlequin et sa poudre aux yeux, et son parfum d'ailleurs... Je rêvais moi aussi, à cet appel du large...
On les appelait candidement les Gitans, les Romanichels, les Bohémiens. Sans penser à mal. C'étaient leurs noms. Ces mots faisaient s'envoler comme des papillons des airs de guitare manouche, la plainte nostalgique des violons tziganes, les étincelles des feux de camp. 
Les Bohémiens...Cela rimait encore avec comédiens, musiciens, magiciens, comme dans la chanson d'Aznavour. Les tréteaux, les calicots, les théâtres ambulants, les funambules, les acrobates avaient un côté mystérieux. C'était Jean-Baptiste Poquelin le bateleur ou Esméralda, l'ardente aux yeux de braise. 

Qu'est-ce qui fascina Van Gogh ? Leur liberté ? Leur fierté ? Leur parfum d'aventure ?
Le gel du politiquement correct n'avait pas encore lissé les épis rebelles, et parqué les “ gens du voyage ” dans des  “ aires d'accueil de grand passage à créer par les établissements publics de coopération intercommunale...” 

Ce frisson d'enfance, je l'ai retrouvé un peu avec la magie du cirque Plume.
Mais en 2020, “L’épidémie nous condamne à finir dans la brume pandémique” écrit la troupe en guise d’adieu. Je n'ai pu m'empêcher de verser une larme.  Comme pour un poète qui meurt.



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Pour l'Atelier du Goût






12 février 2022

Mamy Time




 Il y a au fond de moi une Petite Fille que certains d'entre vous connaissent bien. La balançoire sur laquelle elle est juchée y oscille depuis toujours. Rythmant mon coeur. Pulsant mes désirs, mes rêves, m'empêchant doucement de devenir ce que je ne veux pas être, refusant les compromis foireux de la vie. Eclairant ma route, en somme.
Et c'est fou, chaque fois que je retrouve mes deux étoiles, elle ressurgit, comme si le temps était aboli. Je redeviens cette Petite Fille, fugacement, par éclairs. 
 Fascinant comme le contact de très jeunes enfants apaise et rend joyeux. C'est une vraie leçon de vie. Le vacarme du monde, déformé par le miroir concave de ces satanés concentrés de conneries qu'on nomme « informations », n'est plus qu'un murmure lointain, assourdi, un bafouillis de pauvres rois géographes et de businessmen vaniteux.
La vérité est là, dans ces petites graines en devenir, dans ce blé vert comme l'espoir. 
J'adore les observer en train de jouer. Il se trame entre elles, parfois, de mini-drames en trois actes, aussitôt suivis d'éclats de rire qui éclaboussent comme des perles d'eau. Et puis, surtout,  d'extraordinaires moments de tendresse qui font fondre mon coeur tel un caramel mou sur un radiateur. 
Les émotions bondissent constamment, s'expriment sans filtres. Des diamants bruts. Un bébé, ou un tout jeune enfant, ça ne vit pas. Ça palpite. En permanence. Ça étincelle, ça fuse, ça dégouline, ça explose. C'est souple, doux, élastique, soyeux. Et ce regard, oh ce regard qui vous chavire... innocent et confiant, transperçant jusqu'à l'âme... 
Et puis soudain, plus un bruit. Un enfant, c'est bien aussi parce que ça dort. Enfin, vous allez peut-être me dire que j'ai de la chance mais c'est un fait : ces deux-là dorment
Chuuuut !... Profitons de ce calme surnaturel pour reprendre souffle. C'est que, l'on a beau dire, c'est sportif aussi. Et même de haut niveau. 
Heureusement que j'ai une forme olympienne. L'énergie en bandoulière et les anticorps au taquet. Au bout d'une semaine de mamy time, je sors sans dommage, brillamment même, de l'épreuve du bain quotidien de miasmes, yeux brillants, petits nez qui coulent, qui niflent, qui atchoument en postillonnant, poussées fiévreuses et toux allergiques des muqueuses irritées par le froid. En réalité, je ne risque rien : chaque bisou bien baveux contient un ingrédient secret, un philtre puissant encore ignoré du monde scientifique. Aucun risque d'overdose.
Mais je ne vous fais pas un dessin. 


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05 février 2022

Carnets de présence

 



Mon cher Alain X a eu ces très beaux mots pour moi, dans un de ses derniers commentaires. 
Mes billets seraient pour lui comme des « carnets de présence ».  J'aime beaucoup cette idée. Outre que l'expression a une force poétique qui ressemble à son auteur, le mot présence, lui,  évoque quelque chose de profond et d'intime que le sens commun ignore.

« Ecoute Janine, je vais aller à cette réunion, pour faire acte de présence. Mais je ne m'impliquerai pas. Tiens, d'ailleurs,  j'emporte un bouquin »
- Mais Raymond, j'ai envie de te dire que c'est tout le contraire ! Faire acte de présence, c'est s'impliquer dans l'instant, y mettre toute son énergie, tous ses sens en éveil. C'est observer les visages, écouter vraiment les paroles prononcées, et entrer en empathie avec les interlocuteurs. C'est être capable de dire où l'on en est à la virgule près, à la seconde près. C'est se sentir ici et maintenant, sans se laisser distraire. Etre présent, c'est être vivant.

Bien peu de gens sont capables de présence. C'est un travail de chaque instant. Une vraie conscience de ce présent qui coule tel de l'or fondu dans nos vies trop pressées, déroutées de leur but initial par des égarements qui parasitent notre être en permanence.
Dans ma jeunesse, souvent, trop souvent, je me suis laissé miner par ce fameux mental envahissant, ou emporter par les flots de souvenirs et de projections qui m'empêchaient de vivre vraiment ce que j'avais à vivre. Ces petits idées noires qui vous grignotent et vous éloignent de l'important. Vous savez, quand on est tantôt dans le passé, tantôt dans le futur. Jamais vraiment là. Au point que parfois, j'étais incapable de répéter la phrase que l'on venait de me dire. Absente. Ailleurs. 
Aujourd'hui je suis là.  J'aime témoigner de cette aventure extraordinaire, être vivant. Je ne suis pas près de refermer ces carnets, tant qu'il y aura des lecteurs comme vous, comme Alain, qui l'apprécieront , je continuerai à faire couler ma petite douche de joie bienfaisante. A broder le bonheur à petits points sur le tissu de vos vies. Pour un peu, je me sentirais presque investie d'une mission de rayon de soleil...
- Eh ! redescends, Célestine. Tu planes !
- Au contraire, Gemini Criquet, je colle au réel, à la Terre,  de toutes mes fibres. Mais y réfléchir ça s'appelle « prendre de la hauteur »... Tout est dans la finesse de cette contradiction apparente...Tu comprends ?



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