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29 juillet 2017

Asphodèle

« Un frais parfum sortait des touffes d'asphodèles
Les souffles de la nuit flottaient sur Galgala.»
Victor Hugo, Booz endormi.



Chez Asphodèle







C'est beau, chez Asphodèle.
La maison a ce charme fou des demeures dont les murs se sont nourris de sentiments humains. C'est la maison d'une amoureuse. C'est la maison de la vie, de l'amour. Et des livres aussi.
Presque l'antre d'une écrivaine. On pourrait se croire chez Colette ou Virginia Woolf. Il y flotte un air étrangement mélancolittéraire.
Ils sont partout, les livres. Ils font ployer les étagères, les tables, le piano. Ils envahissent les chambres, s'entassent, comme en transit, dans les corridors, et jusque dans la cuisine.
Comme ses petits carnets, où elle écrit tout ce qui lui passe par la plume, de sa belle écriture sensible, et où se mêlent poésie et gourmandise.


Les planchers craquent délicieusement, ils disent les secrets des pas étouffés, les chagrins sous les châles, les mains usées par les lessives et tous ces labeurs qui courbaient ces femmes fortes qui se sont sans doute succédées ici pendant des décennies. 

Elle m'offre une chambre donnant sur le jardin, spacieuse, avec un cabinet de toilette un peu désuet. Il y a même un bidet, cet objet qui a disparu alors qu'il était si pratique.

Les objets racontent eux aussi des histoires. Le bois, l'étain, la porcelaine. La lumière est belle quand l'aube dorée éclaire les vitres de la cuisine.
Son petit jardin exquis frémit sous l'orage,  fourreau de verdure percé de fleurs. Le potager cache de grosses citrouilles de contes de fées. Les pots d'herbes aromatiques parfument le soir. 
L'averse a trempé la terrasse en caillebotis et les coussins des chaises de fer forgé.
L'air sent le jasmin et la terre humide.
La maîtresse de ces lieux est belle d'âme et de visage. Délicate et généreuse. Comme sa table. Elle m'accueille à bras ouverts, à coeur ouvert,  elle épanche sa vie comme on raconte une histoire, belle et parfois triste. 
Je lui confie des bribes de la mienne, en confiance. Le feu qui me brûle. Les embruns de l'existence. L'écume de mes jours. Et peu à peu éclôt le petit miracle des relations humaines. 
Le début d'une amitié a quelque chose de ce moment subtil, vous savez,  oui, ce moment de la première fêlure, quand le poussin fendille sa coquille, mû par le désir de vivre.
C'est fragile et beau. C'est porteur d'énergie.
Asphodèle, je la connais depuis longtemps, c'est elle la « grande prêtresse » des Plumes cet atelier d'écriture que j'adorais, où l'on jouait avec les lettres, avec les mots...

J'aime rencontrer les gens « en vrai » , décidément. J'ai aimé rencontrer Asphodèle, sous son ciel byzantin à la douceur de rose et d'opaline.




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Musique: Diana Krall Night and day

25 juillet 2017

Elémentaire

La mer à Dieppe









A cet endroit, la plage est comme l'ourlet du monde. Un feston où se brodent les éléments entre eux. Tout n'est que vent, nuages, eau et galets. Sous le feu pâle d'un couchant voilé de nuages, j'ai écouté battre mes rêves. C'était beau comme un chant indien.
La mer y possède des couleurs surprenantes, des turquoises flirtant avec l'outremer, des gris sombres et des bleus laiteux. Elle change de minute en instant. La lumière sur les falaises de craie caresse l'oeil et l'éblouit. 
On comprend ce qu'il y a à comprendre de ce monde des hommes, hagard, futile, absurde. C'est à dire rien. Les dérisoires luttes de pouvoir, d'influence, les querelles de cour, les intrigues d'alcôves, l'illusoire puissance de ces businessmen, de ces géographes bouffis, tout cela ne vaut pas devant la puissance des éléments...
On se fait peintre impressionniste, on boit le ciel. L'air est plus grand, il me semble. 
Les phares se dressent vers l'infini comme des gardiens de nos âmes. Ils nous montrent le chemin de l'intime de leurs longs phallus dressés. 
On évacue comme des glaires les habitudes, les hésitations du quotidien, les petites lâchetés, les arrangements un peu sordides et les conflits internes qui collent et s'agglutinent dans nos poumons telle de la silicose. On se remet à respirer . Ou oublie sa peur. Et si l'on tremble, ce n'est que du frisson que donne le vent du large. On se remplit d'audace en chevauchant les goélands qui troublent de leurs longs cris plaintifs cette absolue beauté sereine. On oserait même l'insouciance, ce gros mot qu'il ne faudrait plus dire, ce grand mot libérateur que les grincheux refusent parce qu'ils ne se nourrissent que de malheur et de poix.
On s'envole à l'intérieur, en vérité. Essayez, c'est bien mieux, et bien moins cher, qu'une croisière Costa. Les petits rois parisiens n'en ont même pas idée...
Calez-vous sur une falaise, dans la brise bercée de sel et d'algues marines, et respirez la vie qui s'épanche en vous. 

***

Edit. de 12h41
Pour vous, quelques photos de mon périple.











Musique: Ludovico Einaudi

17 juillet 2017

Le temps, le temps, le temps et rien d'autre...

Chez Gilou, mon « petit » frère ...





Hey, lecteurs chéris...Je reviens de trois jours sous les étoiles. Dans un grand champ fauché de frais, luisant sous la demi-lune, emplie de tant et tant de sensations et d'émotions. Et de tant de fous-rires !
Le temps y était omniprésent. Celui qui passe, celui qu'il fait, celui que l'on prend, ou que l'on ne prend pas. Celui que l'on attend, que l'on espère, celui que l'on regrette ou que l'on redoute.
Le temps-chat qui étire ses pattes ou qui se roule en boule.
Je remercie mon ami Candide d'avoir pris le temps et l'énergie douce et bienveillante de vous répondre. 
Je remercie mon frère Gilou qui a organisé cette si belle fête avec passion. Ciel ! la logistique impressionnante !
Mon temps à moi était là-bas, dans cette campagne belle chantée par Ferrat. Dans cette distorsion particulière qui te renvoie le passé dans la tronche à chaque éclat de sourire d'enfant,  et chaque lieu te ramenant une odeur familière, cannelle, saucisson,  confitures et jeux de marmots.  Pendant que je faisais tourner au bout de mes doigts les cartes de mon petit jeu de sept familles portatif et personnel, dans la famille Musique je demande la fille, moi, Celle qui ai décroché des paillettes aux sombres et fraîches forêts d'Ardèche, et des touffes de thym sauvage et de chansons  pour m'en jeter plein les yeux et les oreilles. Et toujours, le temps...celui de vivre, d'aimer et de mourir...
Petites philosophies du matin, poésie, petit déjeuner au soleil et grandes tablées joyeuses version ami ricoré. Vous connaissez...
J'ai pris le temps de réfléchir sérieusement à ne plus confondre opiniâtreté et obstination, comme le dit très justement l'un d'entre vous, et à appuyer sur la pédale de frein, justement, question billets. Le rythme quotidien de publication ne me va décidément pas. Il est temps que je laisse du temps au temps. Que je vous offre à nouveau celui de venir et de revenir à votre guise, sans le couperet trop aiguisé de ce temps qui nous transforme en presse-semoule si l'on n'y prête pas soin. Fin de mon petit défi-perso, tsoin-tsoin, et vogue la galère. 
Je reprends ma respiration, j'ai besoin de hors-temps. Mais si vous écoutez attentivement le murmure de mes mots, vous saisirez sans doute la ritournelle qui rit sous la tonnelle : c'est celle de mon coeur qui sautille pour vous. Tranquillement. Mais très fort.



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15 juillet 2017

Minous


La pluie nous souriait derrière les vitres en écailles translucides de la marquise au-dessus du perron. Sur le gazon luisant, quatre chatons erraient par petits bonds. Boules de poils à l’abordage des plates-bandes, curieux et maladroits sur leurs pattes, ils gambadaient sous l’averse. Héritage sans doute d’une nuit d’amour de notre chatte sur un toit brûlant, où l’haleine tiède du ciel invite les matous à l’aubade même au crépuscule. La féerie de ces quatre adorables points-virgules blancs et duveteux, égaillant le soir trempé de leur désinvolture désarmante, nous prit tous à la gorge. Théotime battait des menottes, devant ces peluches vivantes. Je les regardais, attendrie. Dans un gémissement implorant, Lisa la plus délurée d’entre nous, voulut descendre les cueillir dans son tablier, pour les mettre à l’abri dans ses draps fleuris d’églantines. Père refusa, prétextant que leur mère les chercherait partout. Nos protestations ne le firent pas changer d’avis.
En réalité, il craignait que nous nous attachions à ces bestioles. Il savait d’expérience que le déchirement de leur perte serait trop terrible, si jamais nous devions nous en séparer.
Ce soir-là, dans la chambre bleue sous la pluie d’été, nous apprîmes le renoncement, les poumons serrés de sanglots. La leçon fut d’importance, puisque je ne l’ai jamais oubliée. 

Mais vous dire que je l'ai toujours suivie serait exagéré...vous savez bien, si vous avez suivi l'épisode précédent, que je ne renonce pas facilement...

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Pour les impromptus littéraires






14 juillet 2017

Têtue


Sous titre: regardage de nombril numéro 212


Je suis têtue. On me le disait et répétait déjà quand j'étais haute comme trois cerises. Ça n'avait pas l'air d'être un point positif, dans mon enfance. « Tête de mule, obstinée, celle-là, quand elle a quelque chose dans les cornes, une vraie bourrique ! » En gros, c'était un vilain péché, assimilable à de l'insoumission, voire de l'orgueil. Bigre ! Péché capital...J'ai toujours préféré les péchés capiteux, quant à moi.
Et puis ça s'est transformé en « celle-ci, elle sait ce qu'elle veut, elle a du caractère, elle ne se laisse pas mener comme cela par le bout du nez » 
... c'était déjà mieux.
Maintenant que j'ai l'âge de me servir moi-même, avec assez de verve, toutes ces folles plaisanteries, je dirais que je suis persévérante, que j'ai de la suite dans les idées, que je ne renonce pas facilement. Et surtout que j'aime bien me lancer des défis, et parvenir à les relever. Repousser mes limites. Grimper sur les rochers escarpés de tous les possibles...En fait je suis une vraie chèvre. Et pour moi, ce n'est pas péjoratif, parce que j'adore ces petites bêtes à cornes. 
Positivement.

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PS. A ce propos, vous le savez, je me suis fixé comme objectif de publier un billet par jour tout le mois de juillet, et je tiendrai bon contre vents et marées. Ce week-end, je serai peut-être éloignée du blog. Mais je laisse les clés aux barbus de service qui sauront garder la maison en mon absence. Soyez sages, et ne mettez pas le feu aux allumettes.

13 juillet 2017

Maud








Maud est une jeune fille remarquable. Côté physique, on la dirait tout droit sortie d'un roman des soeurs Brontë ou de Jane Austen. Longues nattes sages, petites lunettes rondes.
Elle n'est pas comme les autres filles de son âge, Maud. Mais elle s'en colle.
 Sourire espiègle. Atypique. Délicieusement romantique. Mais la fougue tempétueuse de l'étudiante de ce film soixante-huitard de Godard, comment s'appelait-il déjà...
Maud aime écrire. Elle aime jouer au théâtre à ses heures. Elle joue bien, même, carrément bien. Elle aimait déjà ça, en classe, quand je l'avais comme élève. Et tout le temps fourrée dans les livres, je me souviens...Ça détonnait. Ça m'étonnait.
Elle, toute timide en cm2, voilà qu'elle m'annonce qu'elle a eu vingt à l'oral de français. Vingt sur vingt, non mais allo, quoi ! Vous mesurez le truc ? Même si le bac ne vaut plus rien, vingt sur vingt, faut y aller...
Je ne sais pas pourquoi, cette nouvelle m'a envahie d'une joie profonde.
Peut-être parce que c'est la fille d'une amie chère.
Mais aussi parce que, quelque part, c'est moi qui lui ai donné le goût de la littérature... Enfin, ça, c'est ce qu'elle dit. Mais j'ai bien envie de la croire. Un peu d'auto-satisfaction ne nuit pas. Poil au bras.

12 juillet 2017

Ennui



A quoi tient l'alchimie d'une soirée réussie ? Quels secrets engouements poussent les convives les uns vers les autres en une savoureuse osmose, à moins qu'au contraire l'ennui se mette à grignoter peu à peu l'espace et le temps ?
Ce soir, je ne me sentais pas à ma place autour de cette table. Je n'étais pas dans mon assiette, ni d'ailleurs dans aucun des plats pourtant exquis que nos hôtes avaient préparés. En deux coups de cuillère à pot, je me suis retrouvée à contempler le fond de mon verre en me demandant ce que je fichais là, et quand celui qui monopolisait la conversation de ses sujets insipides allait enfin se taire. Sentant le bâillement intempestif me gagner... Jetant des regards furtifs à mon smartphone que je n'osais ouvrir, en fille bien élevée. 

Ça vous arrive aussi, parfois, d'avoir cette impression étrange de ne plus appartenir à un lieu, comme si vous sortiez de votre corps pour vous en aller flotter là-bas, au-dessus des ajoncs, de l'autre côté de la haie ? En gros, ça vous arrive de vous emmerder ferme dans une soirée ? 



Musique: Keiko Matsui, Dawn

11 juillet 2017

Haricot






Zen Yu
« Pourquoi ne pas accepter les choses qui tombent sans crier gare, et contre lesquelles on ne peut rien ? »
Voilà la question posée sur un journal féminin, laissé négligemment ouvert à la bonne page, dans le train.
Sans crier gare...Dans le train...Comique non ?
Ce qui est tombé du ciel, aujourd'hui, et qui a fait que mon voyage retour a duré neuf heures au lieu des quatre prévues c'est une tempête. Une véritable mini-tornade qui a fait plier les caténaires sous le poids des arbres déracinés par le vent. Train à l'arrêt. Panique à bord.
Mais sans cela, aurais-je fait la connaissance de Zen Yu, le moine bouddhiste ? Un être de lumière.
Je vous en reparlerai certainement, mais là, vous me pardonnerez, ce soir, lecteurs adorés, j'ai l'impression d'être un haricot vert bouilli oublié dans une cocotte. 


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Musique: Feelings, instrumental proposé par Alain Manuel, et qui a quand même plus de gueule que le morceau que j'avais mis à la hâte, en bon haricot bouilli...

10 juillet 2017

Minerve





 Minerve est encore un charmant village que j'ai découvert avec joie.
Flanqué d'un reste de tour moyenâgeuse complètement disproportionnée, juché sur une butte accrochant les nuages et jouant avec le ciel...



J'ai descendu des chemins escarpés accrochés comme des serpents à leur falaise crayeuse. 





Au bord de l'eau, un arbre splendide étalait ses racines comme un banian africain.


Un pont romain illustrait joliment les paroles de la chanson de Julien:
« Si les vieilles voûtes ne s'écroulent pas c'est que leurs pierres veulent tomber toutes à la fois...»


La colombe de lumière s'élançait dans son silence de pierre cathare.



Je suis restée longtemps subjuguée par la chaleur écrasante et, en même temps, la fraîcheur orageuse du vent, par les témoignages muets des pierres et la douce paix de ce village.
L'endroit a un air de Toscane, avec ses cyprès florentins effilés comme des feux follets, et ses vignes généreuses.
Superbe. Décidément ce voyage est un ravissement.  Quand l'ombre est rouge, sous les roses, et clair le temps,  prends garde à la douceur des choses, dit le poète...Mais de quoi pourrait-on bien se méfier dans un cadre si doux ?

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09 juillet 2017

Etincelles









































En rentrant de la fête des fanfares, nous sommes restées un moment sur le perron, dans l'air doux de cette fantastique soirée d'été.
La lune rutilait ce soir comme passée au mirror. 
On s'est raconté des trucs de filles. Comme par exemple ces étincelles qui crépitent soudain au hasard d'une rencontre fugitive, d'une parole aimable ou charmante, d'un regard échangé. Un simple regard peut être une histoire à lui seul.
Des mots spontanés, qui viennent à notre rencontre sans a-priori, comme des battements de coeur, des mots qui nous restent, comme autant de pépites. Qui nous ont fait chaud en-dedans, et frais au-dehors.
Je lui raconte cet homme qui s'était soudain arrêté devant moi, il y a longtemps, dans le hall d'un grand magasin, et qui m'avait dit : « Je vous aime »...
 Je ne le connaissais ni d'Eve ni d'Adam. Il a disparu dans un nuage de songe, me laissant perplexe et béate...
Elle me parle de celui qui, dans une autre rue, sous un autre soleil, lui avait dit : «  Votre parfum vous colle à la peau » 
Tant de ces beaux et sombres inconnus pour qui nous avons été des passantes, fugaces et inaccessibles...Je n'en ai oublié aucune, de ces petites phrases qui font tant de bien.
Elle m'a fait remarqué que j'avais tapé dans l'oeil du trompettiste, ce soir. Comme si je n'avais pas vu...Les bulles, la musique qui tourne la tête...C'est rien, comme une fumée de cigarette, mais c'est tellement bon...Nous avons souri de nos connivences. Ri comme des baleines.
Il y a des moments, dans la vie, où c'est comme marcher dans la mer.


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Musique: Me voy a morir de tanto amor, Alberto Iglesias