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28 février 2015

J'y étais...



écritoire vanishingintoclouds(3)Question, inattendu, merci, gâteau, méditer, souplesse, culot, surprise, hasard, décision, inspiration, trouver, hypocrite, goéland, bataille, réflexion, objectif, tourbillonner, turban, tison.



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Comme vous le savez, la vie offre des expériences le plus souvent inattendues, mais certaines d’entre elles sont scientifiquement écrites, nullement laissées au hasard et donc parfaitement prévisibles : il s’agit simplement de se trouver au bon endroit au bon moment. Mais n’anticipons pas. Je vous laisse un peu méditer à cette introduction mystérieuse.


Je pris un jour la décision de vivre réellement une de ces expériences hors du commun. Pas question de louper ce qui serait sans doute l’unique chance de toute mon existence. A la réflexion, il me sembla même que ne pas faire preuve d’un peu de culot, en l’occurrence, c’est cela qui aurait été le comble de l’hypocrite et pour tout dire du déraisonnable.

Oh, là, je vois à vos têtes dubitatives que ça commence à tourbillonner sec sous le turban ! Je m'oblige pourtant à une limpidité exemplaire…Vous ne voyez pas ?

Je me lançai donc dans une bataille d’arguments pour convaincre ma petite famille de partager mon épopée. Je pris une grande inspiration, et tout en souplesse, je me lançai : en somme, il ne s’agissait que d’effectuer un tout petit trajet de mille kilomètres aller-retour… pour assister à un événement très extraordinaire et très inouï. Bon, évidemment, cerise sur le gâteau, il me fallut préciser que ledit événement n’était censé durer qu’un petit quart d’heure, à tout casser.
Il faut croire que le côté déjanté de ce voyage-surprise emballa les gosses, je le vis d’emblée à leur manière de sauter sur place comme des moines shaolin sur des tisons bien rouges. Tout en poussant des piaillements de goélands.

Alors, toujours pas deviné mon défi fou ? Persévérez. Ne cherchez pas à tricher en allant voir au bas du billet...

 J’avais atteint mon objectif : vivre cet éphémère rêve qui fait soudain s'arrêter le temps, se taire les oiseaux, instaurant sur terre, l’espace d’un instant, le grand miracle de l’infini cosmique et le silence d'une étrange pénombre.
Un phénomène qui sauva la vie de Tintin et d’ Haddock, en leur temps.

Ça y est, ça s’éclaire pour vous ? Enfin, façon de parler…parce que ce jour-là, quelque part dans la campagne champenoise, la nuit est tombée en plein midi. Je dis encore merci à mes yeux de m’avoir donné ce moment.

C’était le 11 août 1999. Le jour de l’éclipse totale.


***


Pour mémoire, le 20 mars 2015, dans trois semaines, une éclipse partielle recouvrira la France. Mais pour la voir comme en 1999, il faudra être... au pôle Nord. Je crois que je ne parviendrai pas à convaincre qui que ce soit de faire le déplacement, cette fois !




25 février 2015

Vol d'innocence

Photo du net


Ce matin, Camille pleurait. Je lui demande pourquoi. 
«Mon père m'a frappée.»
C'est vrai, elle a un gros bleu sur la joue. Et de grands yeux immenses où je lis de la détresse. Elle me raconte. 
« Ce n'est pas la première fois, souvent il s'énerve...»
Elle a peur qu'il apprenne qu'elle s'est confiée,  elle me supplie de ne rien dire. Je la rassure. J'ai envie de pleurer.
Je me dis que je dois la signaler aux services sociaux. Je remplis mon papier le coeur lourd.

A midi, une infirmière de PMI m'appelle : je dois garder Sophia et Angèle, les mettre à la cantine. Ne les laisser partir avec personne. Leur maman a eu un « souci »...
Je me dis :   « Ah flûte... ça semble grave... »

A quatorze heures, une femme arrive, pour venir chercher les fillettes. Elle se fait passer pour la grand-mère maternelle. Mais je me dis qu'elle n'a pas l'air clean, je ne la « sens » pas. Je refuse de lui donner les enfants. 

A seize heures, la maman arrive. Elle s'écroule. Sombre histoire. Séparation. Drame. Ses beaux-frères ont tout cassé dans l'appartement. Puis ils l'ont rouée de coups. Commissariat. Elle me montre ses bras. Me laisse deviner le reste. Les deux fillettes sont comme deux feuilles tremblantes. J'ai la nausée. La grand-mère mytho est en fait sa belle-mère, qui voulait lui « voler » ses filles.  La maman est sous le choc. Les petites pleurent. Je suis abasourdie.
Je ne juge pas, je me dis : « Les passions humaines sont si compliquées... Et les protagonistes  se retrouvent souvent de pauvres victimes incapables d'éteindre les incendies qu'ils ont allumés malgré eux. Démunis, impuissants. »
Mais les enfants, les enfants...ne peut-on les préserver  de cette violence ? De ce vol manifeste d'innocence...

A dix-huit heures, un père vient me chier une pendule parce que sa fille a trébuché toute seule dans la cour, qu'elle s'est légèrement éraflé le bras et qu'on ne l'a pas prévenu. Je m'excuse platement, l'homme de la pampa, parfois rude, reste toujours courtois, mais en moi-même je me dis  « Reste zen, il mérite un bourre-pif, mais reste zen »...
Vous voyez bien, que la violence engendre la violence ! Y a pourtant pas plus pacifique que moi...

Ce soir, je ne me dis plus rien. Je suis vidée.



22 février 2015

Ecrits sur le sable



Je l'ai découverte il y a quelque temps, sous la plume d'un de ses admirateurs les plus passionnés. 
Une femme au destin extraordinaire, aventurière, courageuse, traversant le désert en solitaire, morte tragiquement à vingt-sept ans.
Ne vous inquiétez pas, je ne vais pas marcher sur vos plates-bandes, vous mes amis de la blogosphère qui savez si bien chroniquer vos  coups de coeur. Je ne saurais vous égaler. Mais j'avais vraiment envie de remercier mon ami Bizak de m'avoir fait découvrir cette femme magnifique, à l'écriture somptueuse. 
Bref, j'ai aimé. Non, j'ai adoré ces écrits sur le sable qui m'ont transportée au delà des mers dans l'infinité du Sud Saharien, sans tapis volant.
Juste par la force des mots. Un chant sublime, un cri. Le désert, le vent. Le miel, le sang. Et l'audace d'une femme.
Pourquoi certains livres nous émeuvent-ils autant qu'une personne ?






Extraits choisis
Et tous les mois, quand la lune venait éclairer le sommeil des ruines, je pouvais assister, à demi-cachée derrière un rideau léger, à un spectacle qui bientôt me devint familier, que j'attendis dans la langueur des journées, et qui pourtant m'est demeuré une énigme...Peut-être d'ailleurs tout le charme de ce souvenir réside-t-il pour moi en ce côté de mystère...Sans que j'aie jamais su d'où il venait et par où il entrait dans la petite cour, un jeune Maure, vêtu de soieries aux délicates couleurs éteintes, et drapé d'un léger burnous neigeux qui lui donnait des airs d'apparition, venait s'asseoir là, sur une pierre. [...] Il s'asseyait là, toujours à la même place, et, le regard perdu dans l'infini bleu de la nuit, il chantait, sur des airs d'autrefois éclos sous le ciel d'Andalousie, des cantilènes suaves. Lentement, doucement, sa voix montait dans le silence comme une plainte [...]
***

[...]Toutes les cités des pays de sable, bâties en platras léger, ont un aspect sauvage, délabré et croulant. Et tout près, des tombeaux et des tombeaux, toute une vie, celle des morts attenante à celle des vivants. Les dunes allongées et basses de Sidi-Mestour qui dominent la ville vers le sud-est, semblaient maintenant autant de coulées de métal incandescent, de foyers embrasés, d'un rouge violacé d'une invraisemblable intensité de couleurs.

Sur les petits dômes ronds, sur les pans de mur en ruine, sur les tombeaux blancs, sur les couronnes échevelées des grands dattiers, des lueurs d'incendie rampaient, magnifiant la ville grise en un flamboiement d'apothéose. Le dédale marin des dunes géantes de l'autre route déserte qui mène à Touggourt, d'où nous venions par Taïbett-Guéblia, se dessinait, irisé, noyé en des reflets d'une teinte de chamois argenté, sur la pourpre sombre du couchant[...] 
***

[...] Sur aucun point de la terre aucun être humain ne songeait à moi et ne souffrait de ma souffrance. Plus lucide, calmée, j'ai méprisé ma faiblesse et j'ai souri.

Si j'étais seule, n'était-ce point parce que je l'avais voulu aux heures conscientes où ma pensée s'élevait au-dessus des sentimentalités lâches du coeur et de la chair également infirmes ? Etre seul, c'est être libre, et la liberté était le seul bonheur nécessaire à ma nature. Alors, je me dis que ma solitude était un bien.

Un souffle chaud se leva vers l'ouest, un souffle de fièvre et d'angoisse. Ma tête déjà lasse retomba sur l'oreiller ; mon corps s'anéantissait en un engourdissement presque voluptueux. Mes membres devenaient légers, comme inconsistants. La nuit d'été, sombre et étoilée, tombait sur le désert. Mon esprit quitta mon corps et s'envola de nouveau vers les jardins enchantés et les grands bassins bleuâtres du Paradis des Eaux.
*** 
Isabelle Eberhardt, 1877-1904






19 février 2015

Un petit tour au XVIII°...


Cliquez sur l'image pour accéder à la chanson



- Mon cher Patrick, après la lecture de votre billet, fort intéressant ma foi, et répondant à votre commentaire qui me demandait innocemment si je serais prête à enregistrer ma propre version, je me suis prise au jeu et j'ai essayé de chanter "Ça fait peur aux oiseaux"...
- Ah! Célestine, vous devriez l'offrir à vos lecteurs !
- Vous badinez, monsieur?  Je n'arrive pas à la cheville des interprètes que vous citez...Et si cela ne faisait pas peur qu'aux oiseaux ? Si cela faisait fuir mes lecteurs, comme une volée de moineaux ?
- Mais non, je vous assure, pas de fausse modestie. Vraiment, vous devriez.
- Si fait, cher ami, devant cette douce insistance...vous l'aurez voulu. Mais je préviens les oreilles sensibles : l'amour badin du XVIII°, ce n'est pas du hard rock...
Comme aurait dit Cléopâtre en entrant dans son bain de lait, 
"Houla ! c'est très très tiède !" 



16 février 2015

Déçue mais vivante

Photo du net

Je n’aime pas être déçue. C’est un sentiment au goût de fer rouillé. Terriblement déprimant, comme un soufflé qui retombe mollement d’avoir trop espéré monter...ou comme une gifle en pleine face.
Je ne parle pas d’être déçue par un spectacle ou un livre.
Non, je parle de ces  déceptions  d’ordre affectif qui nous font tant souffrir. C’est mortifiant, les blessures d’ego.
Je sais que je projette sur autrui des désirs, des images, des rêves, qui ne sont au fond que des représentations très personnelles de la réalité. Je sais que chaque mot prononcé, s’il ne s’inscrit pas dans ces projections, résonne douloureusement à mon âme, comme une cloche fêlée.
 Il me faut comprendre que chacun vit dans son film personnel, et que le mien n’est pas le leur.
Il me faut accepter de ne rien attendre de personne, apprendre à recevoir non en proportion de ce que je donne, mais en fonction de ce que les autres sont. Dans leurs limites à eux, et non les miennes.
  Et accepter surtout de cheminer seule sur cette  route aride de la recherche de soi-même, que nous finissons tous par emprunter, qu’on le veuille ou non.Quand on a soif d'absolu, le relatif a un goût de craie, il me faut m'y résoudre.
Il me semble que je progresse un peu en ce sens. Mes déceptions me font mal, mais moins longtemps. Je parviens plus vite à extirper l’écharde de la douleur et à trouver le baume régénérant de l’auto-consolation.
Certes,  je mesure combien il m’a été cruel, ces temps-ci, d’ éprouver coup sur coup quelques grosses déceptions, d’autant plus énormes que les sentiments qui me portaient étaient forts et sincères. 
Imaginez : vous êtes sur l’Anapurna et plouf ! Vous vous retrouvez au fond de la fosse des Mariannes...
Mes belles théories se sont éboulées, devant le doute. Mon compagnon de toujours. Un doute qui, lorsqu’il me saisit, ne me laisse pas de repos pendant des jours.
Il a fallu que je lutte pour ne pas m’effondrer, moi aussi, comme une petite fille à qui on a cassé sa poupée. L’image n’est pas anodine : de vieilles choses très enfouies de l'enfance ressurgissent toujours dans ces moments-là. Des moments d’inquiétude, d’injustice et de désespoir. Une impression que le monde s’écroule derrière les volets clos de ma chambre d’enfant. J’entends des bruits sourds, je vois des lumières projetant des ombres sur le plafond, on ricane, on s’exclame, et je ne comprends rien.

L’état de mon cœur après le passage de cette tempête ressemble à la chambre d’un ado : un grand, vaste et incommensurable bordel.
Et cependant, dans ce foutoir infâme, je retrouve, telle une chaussette coincée entre le lavabo et le miroir, ma force de vivre intacte. Mon sourire. Et  mes précieux, mes valeurs, mes balises, qui eux, ne m’ont jamais déçue. 
Le typhon s'éloigne. J'ai envie de rire, de printemps et de soleil.
Chaque déception me rapproche de l’essentiel. Et en cela, je ferais peut-être bien d'accepter leur utilité, plutôt que de chercher à les combattre.

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