Bien. Reprenons le cours normal de l'existence après les quelques parenthèses de ces derniers jours, où je laissai mon esprit vagabonder sur les dunes mouvantes de rivages philosophico-sociologiques, entraînée par un courant contraire de force huit.
Avis de grand calme à l'horizon. Mer d'huile. 35 degrés Celsius.
Il s'agirait de ne plus perdre une miette de cet insolent bonheur qui m'éclate aux yeux et aux oreilles dès le réveil, quand les merles emplissent la chambre mi-close de leurs chants d'amour, et que le soleil dessine sur le mur ses premiers calligrammes.
Les odeurs du matin, café et terre humide de nuit, inestimables! A cueillir d'urgence, cependant que je prépare mon Bento pour midi en agrémentant mes graines et mes légumes de quelques herbes de mon cru. Lesquelles ont triplé de volume depuis la plantation initiale, rappelez-vous.
Mon paquebot se prépare à rentrer au port. A mouiller pour deux longs mois, à l'escale appelée "grandes vacances". Mes moussaillons commencent à larmicher à l'idée que l'on va se quitter. Moi je suis heureuse: je les ai menés à bon port, ils passent tous en sixième, et je relis avec émotion ce que j'écrivais en septembre à leur propos.
J'ose m'octroyer le droit de rêver enfin de ne plus les voir, de savourer l'espace d'un instant une vie sans horaires, sans contraintes, dans le simple appareil d'une naïade des temps modernes: crème solaire, un bon bouquin, le calme, la mer ou la montagne en fond d'écran.
Tranquille mais le palpitant aux aguets, les sens toujours en émoi, pour aspirer, boire la Vie à grandes goulées avides, dénicher les petits restos, découvrir de nouveaux lieux, rencontrer de nouvelles gens, sous la voûte étoilée faire la fête, sans cesse en joie, en musique, en amour...et se tourner vers le soleil. Et sentir, comme mille aiguillons, l'air pénétrer ses alvéoles.
Plus que jamais "sereine, contemplative et passionnée je suis" comme dirait maître Yoda.
illustration "un jour dans la vie de Lili"