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18 novembre 2024

Eternelle impermanence

 


Cette statue du Square Nadar m'a rappelé (s'il en était besoin) que l'on a plusieurs vies. Dans une de mes nombreuses anciennes vies aventureuses, le Chevalier de la Barre fut le témoin muet de quelques délicieux égarements. Dans les bras d'une personne du sexe opposé, c'qu'on était bien ! C'était un jour où j'avais grimpé les escaliers de la Butte d'un pas léger de gazelle, le coeur gonflé à l'hélium, sous un ciel baignant Montmartre d'une sublime lumière à peindre. 
Les peintres, justement, étaient serrés comme des oiseaux sur un fil autour de la Place du Tertre. Une foule compacte, touffue, se pressait partout. Nous nous réfugiâmes, pour un moment hors du temps, sur un banc, peut-être même celui de la photo, je ne sais plus.
J'ai toujours aimé les bancs. Je ne sais pas non plus si le pigeonnier était déjà là, ou pas encore. 
La vie floute un peu les souvenirs, comme sur un vieux cliché du fameux Nadar. Mais les plus beaux n'en restent pas moins vifs, scintillant dans une jolie boîte en organdi. Avec de petits compartiments secrets, tendus de velours. Et des rubans. 
Ce passage-là était bien.
Durant toute notre existence,  c'est en vivant intensément le présent que l'on se fabrique des souvenirs bijoux, des souvenirs bonbons. Sans remords ni regrets.
A quoi sert de regretter ce qui n'est plus ? Tout peut tellement basculer en un instant... et le bonbon prendre soudain un goût de fiel.
Dans le village de mes parents, ravagé par la tempête Alex, des pans entiers de mon enfance se sont engloutis dans les flots furieux et boueux de la rivière. Le stade où mon frère passait la tondeuse (il est jardinier municipal), les courts de tennis où j'allais la bouche en coeur voir jouer mon amour transi de quinze ans, ( il en avait 27) la scierie et son enivrante odeur de bois, le pont du cimetière, et le chalet d'Edmée, l'amie d'enfance de ma mère. Le Clos Joli, une maison ravissante datant des années 20. Et le grand immeuble appelé l'Ecureuil, avec ses balcons en mélèze et sa jolie vue sur la rivière... Tout a disparu. Tout a été broyé, laminé, recouvert.
Bien sûr, la première fois que j'ai marché dans ce chaos désolé de pierres et de ferrailles, à l'emplacement exact où quelques semaines auparavant se trouvait encore la maison de ma cousine, j'étais si bouleversée que j'ai trébuché dans les cailloux, m'écorchant (ou devrais-je dire m'épluchant ?) tout le côté gauche, de la cheville à l'épaule. L'effet papillon de la tempête Alex venait de prendre un tour cuisant et inattendu sur mon épiderme. 
Mais cette mésaventure m'a appris, une fois de plus, à relativiser, et qu'il ne sert à rien de s'attacher aux choses. Accepter cela, ce n'est pas se résigner, c'est vivre. 
Non, ce n'était pas mieux avant. C'était juste différent. Ce n'est jamais la même eau qui coule dans la rivière. 

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Pour la 200ème de l'atelier du Goût

40 commentaires:

  1. Et oui, Célestine !

    Et il faudra que je cherche cette statue ; elle ne me dit rien du tout et la voyant, je songerai à tes amours.

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    1. C'est un joli but de balade, cher Aldor.
      De là-haut la vue est superbe.
      Je t'embrasse
       •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  2. J'ai toujours su que t'étais une écorchée vive ! ;-)
    Tu veux un "guérit tout" ?

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    1. Mouarf ! Mouarf !
      Un gros câlin fera l'affaire !
       •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  3. Oh MIss W. quelle belle promenade même si "Les escaliers de la butte sont durs aux miséreux
    Les ailes des moulins protègent les amoureux".
    Pour le French Cancan je ne suis pas assez désossé mais pour le banc...j'accours. Tu le dis bien, présent se mêle au passé et nous sommes faits de l'addition de tous ces instants comme Arlequin de tous ces reliefs colorés.
    Kisses A.B. from Northern lands et ATTB. 🎶🌹

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    1. Mon père chantait cette vieille rengaine, je me souviens.
      Une petite incursion dans le passé qui nous a construits, qui nous a amenés là où nous en sommes, cela ne fait pas de mal de temps en temps.
      Et assis sur un banc, le nez au vent, en fredonnant... ça peut même être délicieux par moment.
      J'aime bien l'image d'Arlequin. Kisses my friend
      Attb sur YT
       •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  4. Toujours ton don de raconter qui me scotche. Je suis allée l’an dernier à saint martin vesubie et j’ai été choquée. Trois ans après on sentait encore la catastrophe partout. C’est terrible mais tu as raison, on ne peut pas remettre les choses comme elles étaient autant l’accepter.
    Merci pour cette leçon de sagesse ce matin, j’étais en train de me lamenter sur ma vieille télé qui rend l’âme. C’est idiot. Je vais m’en acheter une plus belle.
    Bises
    Angela

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    1. Voilà de la sagesse. C'est toujours mieux que de changer un appareil qui fonctionne encore, juste par caprice.
      « On ne peut pas remettre les choses comme elles étaient » combien de fois j'ai essayé d'expliquer ça à ma mère, qui vivait dans le regret du passé et la peur de l'avenir continuellement...
      Bisous ma belle !
      Et passe de bons moments devant ta nouvelle télé !
       •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  5. Quel magnifique billet pour un matin de mousseline grise ici ! Je suis tellement d'accord avec toi... Ce que nous avons eu, d'ailleurs, ne nous est jamais repris de nos mémoires, rien ne changera le fait que tu as vu ces choses, qu'elles ont fait partie de ta vie, en font encore partie, et que leur absence, en plus, te rappelle leur présence. Je pense aussi souvent à la chance que j'ai eue d'avoir mon Oncle Yves, qui n'est plus, ou toutes nos poules régulièrement appelées Suzette que j'adorais caresser. Nos chiens, le bruit des souris dans le mur, ma chère Sibylla, et ces milliards de rencontres avec vivants ou inertes qui m'ont formé le goût et la philosophie. Tu as raison, avant était seulement différent, et nous transportons en nous des tranches et des tranches d'avants... Baci, sorellita !

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    1. Un matin de mousseline grise...ça ferait un titre de roman formidable ça.
      Que c'est bon de te lire ! C'est vrai, rien ne nous est enlevé de ce que nous avons vécu, vu, senti, éprouvé, et c'est à nous de décider quelle place nous accordons à ce corpus de milliards de petites choses qui nous ont traversés. J'aime beaucoup cette idée.
      Tout est dans la bonne mesure, en somme. mais en tant que pratiquantes du yoga, nous savons faire, n'est-ce pas ?
      Mille baci, sorella
       •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  6. Quel talent pour raconter ma Célestine :-)
    Je retiens surtout cette phrase : c'est en vivant intensément le présent que l'on se fabrique des souvenirs bijoux, des souvenirs bonbons :-)
    Je t'embrasse

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    1. Ce qui est formidable, c'est que chacun retienne une ou plusieurs petites graines dans la poignée que je sème au vent. Bisous ma Biche !
       •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  7. Voilà !
    Tu as saisi !
    Se rappeler sans regretter !
    Se souvenir sans regarder en arrière !
    Le monde finalement ne change pas tant que nous et nous serons nous même des souvenirs pour d'autres.
    Merci de l'avoir si bien dit, Céleste.

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    1. Merci à toi pour ce sujet qui m'a davantage inspirée que d'habitude...
      Se rappeler sans regretter !
      Se souvenir sans regarder en arrière !

      Cela semble la quadrature du cercle, et pourtant, c'est le secret de la belle vie...
      Bisous mon Montmartrois préféré !
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  8. Toute en délicatesse comme toujours. Vous nous racontez la deux souvenirs opposés, un agréable et un autre douloureux, et pourtant vous y mettez la même belle énergie et vous en tirez la même leçon : l’essentiel est dans le présent. Laissons les choses changer tant qu’elles ne veulent, c’est la vie. C’est comme ça et à nous de choisir si nous voulons prendre le train ou rester sur le quai…
    Je vous embrasse ma délicieuse
    ~L~

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    1. Je constate depuis un certain temps déjà, que des chemins très différents finissent toujours par se rejoindre, et la sagesse fait partie de ces buts ultimes que tout être finit toujours par avoir envie d'atteindre.
      Quand je vois ce que sont devenues mes amies de jeunesse, notamment, je me dis que l'harmonie, la sérénité, le lâcher-prise, les touchent à peu près tous...alors que nous étions si différents...
      Votre image du train me rappelle un très beau texte de jean d'Ormesson :

      « À la naissance, on monte dans le train et on rencontre nos parents.
      Et on croit qu’ils voyageront toujours avec nous.
      Pourtant, à une station, nos parents descendront du train, nous laissant seuls continuer le voyage…
      Au fur et à mesure que le temps passe, d’autres personnes montent dans le train.
      Et elles seront importantes : notre fratrie, nos amis, nos enfants, même l’amour de notre vie.
      Beaucoup démissionneront (même éventuellement l’amour de notre vie), et laisseront un vide plus ou moins grand.
      D’autres seront si discrets qu’on ne réalisera pas qu’ils ont quitté leurs sièges.
      Ce voyage en train sera plein de joies, de peines, d’attentes, de bonjours, d’aurevoirs et d’adieux.
      Le succès est d’avoir de bonnes relations avec tous les passagers pourvu qu’on donne le meilleur de nous-mêmes.
      On ne sait pas à quelle station nous descendrons, donc vivons heureux, aimons et pardonnons.
      Il est important de le faire car lorsque nous descendrons du train, nous ne devrons laisser que de beaux souvenirs à ceux qui continueront leur voyage.
      Soyons heureux avec ce que nous avons et remercions le ciel de ce voyage fantastique.
      Aussi, merci d’être un des passagers de mon train.
      Et si je dois descendre à la prochaine station, je suis content d’avoir fait un bout de chemin avec vous.
      Je veux dire à chaque personne qui lira ce texte que je vous remercie d’être dans ma vie et de voyager dans mon train. »

      Je vous embrasse aussi, cher Lorenzaccio
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  9. On ne peut pas revenir en arrière, on ne peut pas effacer ce que l'on a vécu, mais cela n'empêche pas de garder en soi les bons souvenirs liés à cette époque. Et puis, comme tu le dis si joliment, il est important de vivre le moment présent et ainsi fabriquer de nouveaux et beaux souvenirs.
    Oui, tu as l'art de raconter des choses simples tout en poésie et en légèreté. Merci pour cela.
    Bonne semaine, Célestine. Bisous.

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    1. Cet art s'est sans doute affiné et enrichi au contact de lecteurs comme toi, encourageants, bienveillants...
      C'est important, la bienveillance, pour prendre confiance en soi et ouvrir ses ailes...
      Merci belle d'âme.
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  10. Tant pouvoir d'évocation grandit d'année en année !
    Ça devient un délice raffiné de te lire et de s'imprégner.
    En plus, au-delà de la qualité de ton écriture, les messages profonds sont distillés au fil des lignes. Comme par exemple cette phrase « C'est en vivant intensément le présent que l'on se fabrique des souvenirs bijoux, des souvenirs bonbons. Sans remords ni regrets. ». Car finalement c'est l'intensité du ressenti présent qui demeure comme constitutif de nous. On peut le susciter au présent. Alors que viendraient faire des regrets là-dedans ?
    Ton exemple du village ravagé est tellement une expérience signifiante. Et tu en as retiré un fruit essentiel : « il ne sert à rien de s'attacher aux choses ».
    Tu me confirmes ainsi la valeur du détachement matériel. Bien entendu il ne s'agit pas de vivre dans l'indigence, la pauvreté le dénuement. Le nécessaire vital est indispensable. Mais que de tonnes de surplus inutiles nous avons usé, accumulé. Nous nous sommes laissés rouler dans la farine par cette société de consommation ! Et ça continue. Plus on nous parle de sobriété, plus nous consommons frénétiquement. (Hormis quelques personnes étonnantes avec leur bonheur du « pas grand-chose »)
    il faudra un jour que je raconte cette rencontre marquante il y a tellement d'années avec une sorte d'ermite dans la ville, heureux et joyeux de tout ce qu'il n'avait pas.

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    1. C'est l'intensité du ressenti présent qui demeure comme constitutif de nous bien sûr !
      il est troublant de se dire que chaque souvenir a été un moment présent avant d'être un souvenir.
      Et ce souvenir en est d'autant plus fort qu'il a été vécu avec intensité...
      Le détachement (Vairagya en sanscrit ) : voilà une notion que nous travaillons beaucoup en cours de yoga. Pas seulement sur les choses matérielles, mais sur tout ce qui nous encombre en fait...
      J'adorerai que tu me racontes l'histoire de cette rencontre étonnante. Etre joyeux de ce que l'on n'a pas...ça me ressemble. Quand on possède l'essentiel, le superflu paraît bien ridicule.
      Du fond du coeur mon Alain.
      Merci.
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  11. Je suis d'accord avec toi : la vie est un éternel recommencement qui se caractérise par le spectacle continuel de l'impermanence ...
    Tant de civilisations apparues, qui ont pris de l'ampleur et qui, après une décrue ont finalement sombré dans l'oubli, jusqu'à ce que des curieux, archéologues dans l'âme, les fassent ressurgir comme fossiles d'une vie disparue.
    Ainsi va le monde.

    Alors, effectivement seul le temps présent se laisse saisir, autant qu'il peut l'être.
    Cette dernière conception, la seule préoccupation du temps présent, est la fille aînée d'un emballement du cursus historique... Cela va tellement vite que nous ne maîtrisons plus rien. Nous avons collectivement perdu le sens de la durée des cycles de vie et d'évolution en général.

    Dans ce sentiment universel d'une accélération du temps (en dépit du rythme inchangé de l'écoulement des secondes), nous perdons pied.

    Il y a plus de 35 ans de cela un employeur émérite, convaincu de la nécessité d'offrir au plus grand nombre une formation professionnelle de qualité gage d'un emploi valorisant, me disait déjà : "On ne sait pas où l'on va, mais on y va".

    Alors certes, je veux bien célébrer l'immense variété de l'existence des êtres dans leur individualité, comme dans celle de leurs relations. C'est effectivement comme un gigantesque kaleidoscope qui fait de notre présent une réalité toujours changeante.

    Mais le parti pris actuel pour la déconstruction derridienne toujours plus vide de sens me donne le tourni.

    Je ne peux m'empêcher de penser à cette lecture que mon second fils m'a un jour proposé : une réflexion générale sur l'impermanence des civilisations. Dans cet ouvrage un passage limité à quelques pages du livre m'initiait à l'effondrement
    récent (au 20eme siècle) d'une société de chasseurs cueilleurs dans une tribu du nord de l'Ouganda : la tribu des Iks.

    Par suite de la raréfaction des ressources (eau et nourriture) , cette société de base s'est disloquée. Les lieux publics de partage : disparus. Les raisons de faire couple limitées au seul besoin d'être à deux pour construire un abri. Les enfants évacués des l'âge de 3 ans, se regroupant en bande pour se protéger des adultes , voire leur subtiliser de la nourriture. Un frère, chanceux un jour de trouvaille d'un bout de nourriture , qui laisse à côté crever son frère moins chanceux.

    Oui, moi l'adepte du Petit Prince et de son regard neuf , de Saint Exupery saluant le courage et le dévouement de ces pilotes risquant leur vie pour la communication universelle, je ne peux que regretter l'indifférence, la lâcheté et l'incohérence de ces responsables qui nous dirigent vers des affrontements plutôt que de nous guider vers le partage dans le respect Mutuel.

    Les croyances fanatiques tout autant que l'absence de croyance en ces principes de base dont résulte la vie sont en fait les deux faces d'une même pièce tragique.
    Décidément, oui , Petit Prince, tu as raison, les humains sont des êtres très très bizarres.

    Mais je les aime et leur souhaite de se ressaisir, avant que le Présent disparaisse de leur horizon.

    Bises pleines d'espoir

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    1. J'ai essayé d'aller me renseigner sur la fameuse « déconstruction » de Derridat, mais je n'ai rien compris.
      « « La “déconstruction” est, en soi, une réponse positive à une altérité qui nécessairement l’appelle, la somme ou l’encourage. » Elle exige de moi de faire en sorte que « la langue de l’autre ne souffre pas de la mienne, me souffre sans en souffrir, reçoive l’hospitalité de la mienne sans s’y perdre ou intégrer ». On retrouve ici un autre concept derridien important, l’hospitalité, témoin d’une ouverture radicale et non d’une fermeture – contrairement aux idées reçues sur la « déconstruction » du courant « woke » et autre cancel culture.

      La déconstruction a bien entendu, de ce point de vue, une dimension politique : « La déconstruction n’est pas, ne devrait pas être seulement une analyse des discours, des énoncés philosophiques ou des concepts, d’une sémantique ; elle doit s’en prendre, si elle est conséquente, aux institutions, aux structures sociales et politiques, aux traditions les plus dures. » Le passage cependant, n’est jamais évident. Car la déconstruction ne s’intéresse pas directement aux structures de domination, elle questionne bien davantage la fragilité irréductible des soubassements métaphysiques sur lesquels ces structures reposent.

      La déconstruction est, en ce sens, une œuvre absolument ouverte, qui s’efforce de rouvrir le sens là où il se ferme par impensé. Elle n’est pas une doctrine, et même pas, à proprement parler, une méthode, un ensemble de « procédures techniques qu’on pourrait répéter d’un contexte à l’autre ». Elle invite, simplement, à tendre l’oreille aux fantômes qui bruissent à travers le langage, à l’absence en toute présence circonscrite, aux lézardes obscures qui travaillent toute parole.

      Si tu peux m'expliquer en termes clairs, je suis preneuse...
      Pour le reste, je suis d'accord avec toi, cher Petrus. Comme je le suis avec le Petit Prince et ses étonnements métaphysiques.
      Je t'embrasse
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  12. Ah comme j'aimerais avoir ta sagesse. Ne pas m'attacher aux choses. J'ai beau essayé, je n'y arrive pas. Fermer une porte, savoir que je ne reviendrai plus, tous ces moments d'arrachement me fracassent en sanglots. Si j'avais dû vivre ce que ton frère et toi avez vécu lorsque Alex a sévi, j'aurais été dévastée. Et pourtant je sais .....

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    1. J'ai été dévastée, aussi, je te rassure. Mais c'est plus tard que je me suis dit : ma cousine a perdu sa maison, tous ses souvenirs, or elle a réussi à rebondir et à trouver qu'elle avait eu « de la chance » de sortir vivante de la catastrophe. Je ne peux être plus affectée que la principale intéressée....
      Quant aux portes que l'on ferme, c'est quotidiennement que l'on peut se dire cela : chaque fois que l'on voit quelqu'un, on sait qu'on ne le reverra peut-être plus. C'est la loi de la vie. Pour les lieux que nous découvrons et aimons, nous nous disons souvent que nous n'aurons pas le temps d'y revenir, alors on se tourne sans regret vers d'autres découvertes. C'est une façon positive d'appréhender le temps. je ne dis pas que c'est la meilleurse mais c'est celle qui me convient, et j'ai la chance d'avoir trouvé quelqu'un qui pense comme moi.
      Bisous ma fougueuse sister
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  13. J'adore ta façon Célestine de nous raconter tes morceaux de vie...Quels luxes dans les détails...Je retiens cette phrase "relativiser, et qu'il ne sert à rien de s'attacher aux choses." ..."souvenirs bonbons"...Oui, mais attention à ne pas trop les garder en bouche"...
    Je suis d'accord avec toi...Je ne m'attache pas aux objets, aux meubles, je m'en sépare sans regret..De la maison de mon enfance, je ne garde que les extérieurs, les champs, les roulades, les glissades, l'air pur, les vaches dans l'étable, les poules...Même la peur de rentrer à la maison, pour subir la punition de notre mère, me fait rire maintenant, c'est à celui qui prendrait les devants pour l'affronter, le plus courageux en somme...Je garde ces souvenirs comme tes bonbons fondants....
    Quel drame la tempête Alex ! J'imagine la peine de ceux qui ont tout perdu...mais, comme on dit, il faut se dire "on est en vie, c'est le principal".....enfin, c'est vite dit, la peine est bien là....Sympath les amoureux sur le banc...N'est-ce pas toi Célestine et ton amoureux qui ont posé pour Peynet ? Signé : Julie, de V...y

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    1. Attention à ne pas trop les garder en bouche Tu as raison. Trop de nostalgie pourrait provoquer des caries, et c'est ennuyeux quand on aime croquer la vie à belles dents...
      Les objets...On est attachés à certains, qui ont une valeur sentimentale, et c'est bien normal. Il ne s'agit pas de tout jeter. On peut faire très attention à conserver ces objets qui nous sont chers, être vigilant, précautionneux s'ils sont fragiles. Simplement, je parle de l'attitude à adopter si par malheur nous perdons l'un deux : que cela ne devienne pas un drame. Savoir relativiser à ce moment là, et en faire le deuil comme on le fait d'une autre personne. je me souviens de mon ex-mari qui s'était fait voler son portefeuille avec tous ses papiers, sa CB, etc. Il avait eu une expression démesurée : « C'est la fin du monde ! » Alors que pour moi, c'est juste une contrariété...
      Voili voilou, ma Julie.
      Merci de ton message qui m'a permis de réfléchir et d'affiner ma pensée.
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  14. belles châsses y'a eu un problème !
    Tu racontes bien les instants furtifs mais combien délicieux.
    Délicieux parce qu'ils sont brefs justement, ne pas effeuiller la marguerite dans le pot au feu, comme l' a chanté le grand Georges dont tu connais chaque chanson.
    Belles châsses gardons nos souvenirs bien au chaud dans nos cœurs !
    PS : la statue représente l

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    1. Comme dit quelqu'un que je connais bien, « il n'y a pas de problème, il n'y a que des solutions »
      Tu as raison, les souvenirs les plus furtifs ont ce goût de sel et de miel qui les rend inoubliables...
      Ils ont droit à un écrin particulier, et restent intacts malgré les années.
      Gros kiss mon andiamounet
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  15. Encore un blème ! La statue représente le chevalier de la Barre, mais après avoir regardé de plus près il n'a pas la barre !... Justement.
    Tendres souvenirs belle gosse.

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    1. Sacré Chevalier ! Un nom pas facile à porter, comme aurait dit jean-Louis Barrault...
      Merci pour cette remarque qui m'a rappelé les riches heures blogborygmiennes. (ou devrais-je dire blogborygtiennes ?) :-)
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  16. Je te crois Célestine, en effet la rivière renouvelle continuellement son eau, elle chante son émoi de tout ce qu'elle rencontre en dévalant entre les berges !
    Je me souviens de ma rivière landaise Adour quand j'étais petite et que l'ami Georges nous faisait grimper dans sa barque, c'était le bonheur !
    Des inondations il y en avait, moins meurtrières, mais quand-même, ils vivaient à certaines périodes de l'année au premier étage et les vaches devaient être conduites plus haut comme les autres animaux de la ferme...
    Je comprend que la perte de tes souvenirs chers, liés à ta famille, à tes amis doit être malgré tout bien douloureuse, même si tu les enjolives...
    Je t'embrasse bien fort

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    1. Aucune méchanceté dans la rivière qui a tout dévasté à Saint Martin Vésubie.
      Juste la force de la nature qui s'exprime scientifiquement, et sans affect.
      On devrait garder à l'esprit que nous ne sommes que des atomes malmenés par le vent sidéral...Et quand on joue aux apprentis sorciers, ça finit toujours par nous revenir dessus en boomerang.
      Bisous chère marine
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  17. Mieux ou moins bien qu'avant, inutile de se poser la question, vivre le présent du mieux que l'on peut.
    Je suis sûre que tu aimeras définitivement les bancs ;-)

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    1. Je les aime depuis toujours. Même s'il m'est arrivé de me faire larguer par un amoureux sur un banc... Mais c'était il y a fort fort longtemps (voir ce billet)
      Merci de ton passage, Praline
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  18. Attention ! le détachement n'est pas indifférence. C'est simplement avoir du recul par rapport aux événements qui surgissent. La maisonde mon enfance a été rasée pour construire un immeuble à la place mais les souvenirs sont toujours vivants .

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    1. Tout à fait. Ni indifférence, ni abandon, ni je m'enfoutisme, ni renoncement.
      Ce n'est pas si facile...Mais tu le sais bien, toi qui pratiques le yoga...
      Et le recul, la prise de distance, la relativisation, voilà des notions qui permettent d'accepter moins difficilement ce qui nous semble inacceptable...
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  19. Malicieux clin d'oeil avec cet extrait du Baiser de Souchon, « Ce passage-là était bien », tout à fair représentatif d'une heureuse nostalgie sublimée dans des souvenirs inaltérables.
    Pour ma part j'aime naviguer dans le présent, enrichi d'expériences et ressentis multiples, qui m'ont nourri et me servent de boussole. Le présent, oui, mais avec des racines mémorielles et des objectifs. Le présent est trop bref pour ne pas s'étirer dans une temporalité qui l'amplifie. Impermanence rémanente. Je me demande si nous ne cherchons pas tous à faire durer l'éphémère, quoi qu'on en dise et quelles que soient les méthodes que l'on adopte pour ne pas s'attacher aux choses... à défaut de ne pouvoir adopter le même détachement par rapport aux êtres.

    Je te rejoins : on ne cesse d'apprendre à ne pas trop s'attacher. D'un autre côté, je me demande si j'ai vraiment envie de ne plus m'attacher à rien. Mais je sais que ce ne n'est pas le sens de ton propos.

    Il y a quelques jours, avec ma fratrie-sororie, nous explorions tout ce que nos parents avaient conservé de matériel... tellement animé d'une vie qui fut et dont nous sommes héritiers et transmetteurs. Nous ne jetons qu'avec parcimonie. Dans d'autres familles plus aucune trace matérielle à transmettre, que ce soit par volonté ou accidentellement, comme en tellement de lieux ayant subi inondations ou incendies. Je préfère notre situation ;)

    Bises inspirées

    PS : j'aime beaucoup le texte de d'Ormesson que tu as cité pour Lorenzaccio.

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    1. Oui, j'aime cette chanson de Souchon, qui met en lumière ces moments furtifs où la vie prend tout son sens. je me souviens d'un certain concert de Cabrel : ce passage-là était très bien aussi, j'en garde un souvenir ému.
      J'entends ta prise de position sur l'importance des racines mémorielles : je ne pense pas les avoir niées en écrivant ce billet. Tout ce que nous avons vécu constitue à jamais notre substrat. mais pour qu'il reste riche et nourrissant, ce substrat a intérêt à être nettoyé de tous les éléments négatifs qui le polluent : vieille croyances, peurs ancestrales, blocages en tout genre. C'est pourquoi le travail sur les objets "signifiants" est terriblement important.
      Une de mes amies gardait au doigt depuis son divorce (c'est à dire depuis quatorze années) son alliance. cet objet, à mon sens, avait une charge symbolique bien trop importante pour qu'on puisse le considérer comme un simple morceau de métal, fût-ce de l'or.
      Lorsqu'elle s'est enfin décidée à l'enlever, sa vie a changé : elle a trouvé acheteur pour sa maison (cela traînait depuis des lustres), elle a rencontré son nouveau compagnon et acheté une nouvelle maison dans laquelle elle s'épanouit enfin.
      Alors oui, jeter avec parcimonie, mais surtout, je pense, avec discernement.
      Merci pour tes inspirations qui me réjouissent toujours, cher Pierre.
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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    2. Oh, aurais-je laissé entendre que tu avais nié quelque chose ? Ce n'était pas mon intention. En relisant ton texte initial je lis ce fragment qui, sans doute, a coloré la tonalité de mon commentaire sans que j'en aie conscience : « il ne sert à rien de s'attacher aux choses ».
      Je crois que cette formulation m'a conduit à tenter de nuancer ce propos, parce qu'il simplifie, à mon sens, quelque chose d'éminemment complexe : à quoi s'attache t-on ? Pourquoi s'attache t-on aux "choses" ? Pour moi c'est un questionnement actuel puisque, comme je l'ai mentionné, je suis confronté aux objets (meubles, papiers, photos...) auxquels mes parents étaient suffisamment "attachés" pour les conserver. Et bien souvent les transmettre, puisqu'ils en ont hérité de leurs propres parents, grands-parent... Cette réflexion aussi vague que subtile, à peine consciente, me prolonge vers mon propre rapport aux objets auxquels je suis "attaché"... et que je vais en partie transmettre à ma descendance. Quel tri opérer ? Conserver ou jeter ? Pourquoi ai-je gardé ? Jusqu'à quand vais-je garder ? Quel sens cela a t-il de garder ? Patrimonial ? Sentimental ? Affectif ?

      Bref : le « il ne sert à rien de s'attacher aux choses » a percuté mes pensées flottantes. En particulier le mot "servir" accolé à "rien". Ce vocabulaire utilitaire résonne t-il avec le rapport que j'entretiens avec la matérialité ? Et s'il s'agissait de tout autre chose que de "servir" ? Ne serait-ce pas plutôt de l'ordre du lien ? Lien avec des personnes, des moments particuliers ? Je suis sûr que pour moi l'attachement a cette coloration émotionnelle et sentimentale. Et puisque tu parlais de paysages, de maisons, de lieux définitivement disparus du fait d'une catastrophe naturelle... je comprends que le détachement par rapport à ce qui n'est plus est salutaire. La seule chose à faire est de "lâcher prise" et ne plus se fier qu'aux souvenirs.

      Re-bref : tout cela me fait cogiter :)
      Et je t'en remercie.

      Je comprends aussi que dans ta formulation, dans ton univers, il y a d'autres choses que dans le mien. Ce que tu appelles "éléments négatifs". Le symbole de la bague au doigt post-divorce est signifiant, en effet. Il me rappelle que j'ai moi même conservé cette bague quelques mois, avant de l'ôter parce qu'une alliance portée seul(e)... ça n'a guère de sens ;) Et à mon sens ce n'est pas d'avoir quitté son alliance qui a libéré ton amie : c'est de s'être libérée qui lui a fait abandonner ce symbole dont elle a perçu l'anachronisme.

      Nous sommes d'accord : jeter a son utilité, mais avec discernement.

      Et merci pour l'évocation d'un furtif moment :)

      Belle journée à toi, ma chère Célestine !

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  20. "c'est en vivant intensément le présent que l'on se fabrique des souvenirs bijoux, des souvenirs bonbons. Sans remords ni regrets" ... merci à toi pour ta positivité, ta sagesse inconditionnelle Céleste, toi qui sais si bien exprimer les choses les plus intimes.
    Ton billet fait du bien au coeur et à l'âme.
    ....mais rien ne disparaît totalement...et c'est ce qui nous a construit !!
    douce journée à toi près de la cheminée.
    bise.

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Je lis tous vos petits grains de sel. Je n'ai pas toujours le temps de répondre tout de suite. Mais je finis toujours par le faire. Vous êtes mon eau vive, mon rayon de soleil, ma force tranquille.
Merci par avance pour tout ce que vous écrirez.
Merci de faire vivre mes mots par votre écoute.