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31 janvier 2020

Kyudo



« Rallie-toi à tous ceux qui essaient, qui prennent des risques, qui tombent qui se blessent et qui se risquent à nouveau. Éloigne-toi de ceux qui assènent des vérités, qui critiquent les gens qui pensent autrement. Qui n'ont jamais fait un pas sans être certains d'être respectés. Et qui préfèrent avoir des certitudes plutôt que des doutes.

Rallie-toi à ceux qui s'exposent et qui ne craignent pas d'être vulnérables : ceux-là ont compris que l'on ne peut s'améliorer qu'en regardant ce que fait son prochain, non pas pour le juger, mais pour admirer son dévouement et son courage. »
Paulo Coehlo

























Ce matin, j'ai marché dans la mousse qui fait à la colline comme une sorte de pelisse vert fluorescent. J'ai senti sa douceur fraîche sous mes pas.  Je suis allée m'asseoir sur la pierre, là-haut. Elle était chaude des premiers rayons un peu hardis que prodigue le soleil à cette époque de l'année. Le ciel liserait l'horizon d'une étoffe bleu cobalt. C'était d'une beauté...
Les chênes frétillaient autant que des cerisiers japonais. 
 Les mésanges saluaient ce dernier jour de janvier de leur petit boucan joyeux. 
On aurait dit le printemps, dis, tu le crois ? 
J'ai lu d'un trait « La Voie de l'Archer » un petit livre que j'ai acheté à la librairie hier soir, au gré de mes musardages. Je vous ai dit combien j'aimais les librairies déjà ? Ah oui, bien sûr je vous l'ai dit...
 Un petit livre à la couverture sensuelle comme une peau. Quelle diablerie ces coquins d'éditeurs mettent-ils dans ces détails qui font vendre : la matière, la composition de la couverture, les couleurs choisies, la finesse de l'illustration ?
Je me suis laissé pénétrer lentement par cette sagesse du bout du monde, et pourtant si présente, si universelle. Je cheminais à côté de Tetsuya, le maître, et ses paroles simples et puissantes entraient en moi comme de fines aiguilles d'acupuncture, touchant chaque partie de moi pour lui faire du bien.
J'ai respiré profondément quand la flèche a pénétré dans la cerise. Oh je vois d'ici vos regards égrillards se réjouir de mes mots à double entrée...Et pourquoi pas ? La lecture a pour moi quelque chose de profondément charnel qui ne stimule pas seulement mon cortex. Mais aussi mon épiphyse, mon hypothalamus et ma glande pinéale (en forme de pomme de pin, bien évidemment)
Alors ouvrez votre troisième oeil et laissez-vous séduire par Paolo Coelho et son conte oriental et métaphorique. On y retrouve l'ambiance initiatique du Guerrier Pacifique de Dan Millman.

« La flèche est l'intention. Elle doit être cristalline, inflexible et bien équilibrée. Si tu ne prends pas de risques, tu ne sauras jamais quels changements tu devais mettre en oeuvre. »
Sous la douche bienfaisante de ces mots chargés de symboles, je réalise que j'ai l'âme d'un archer depuis toujours. J'irais presque, et pourquoi pas ? m'essayer au tir à l'arc...Peut-être en tirerais-je de nouveaux enseignements pour regarder le monde ?















Merci à Candide de m'avoir donné envie de lire ce livre.

24 janvier 2020

Les souffleurs de rêves


« Il n'y a pas un millimètre au monde qui ne soit savoureux. »
Jean Giono








La Souffleuse de Verre, Arte, 2019




En musardant dans le vieil Antibes, je suis entrée par hasard dans l’atelier d’un souffleur de verre. L’homme a de quoi vous surprendre. Il a l’âge limite des lecteurs de Tintin, et pourtant une énergie extraordinaire. Cet olibrius, tenant davantage de Haddock que de Tournesol, nous explique avec une truculence et une gentillesse faussement bourrue, qu’il aime le verre depuis l’enfance. 
C’est fou, une passion unique, ça m’a toujours interloquée. Toute une vie à donner sa préférence à l’objet de choix, au bel objet travaillé dans le secret d'un savoir-faire millénaire, toute une vie à tourner la pâte dans une chaleur d’enfer, et à souffler dans de longues flûtes pour gonfler des bulles de silicium. Lancer au défi du temps des bulles de rêve coloré. Un métier de poète, en somme, précieux et fragile...
Le geste est admirable, le tour de main fantastique.



Avec sa tête de maroufle des bas-fonds, patibulaire mais presque, notre homme tient son public en haleine, un rien cabotin. Il nous raconte se débuts avec un maître verrier de Venise, mazette ! 
Ce dernier – visionnaire ? Ou seulement attentif aux talents en herbe ?-  sut lui promettre sans se tromper une belle carrière. Et après avoir transmis l'amour du verre à son fils, il continue de former des débutants, infatigable.
Bramant comme un orignal après ses deux apprentis aux visages de jeunes pages, imperturbables et vaguement amusés, il nous explique les secrets du souffleur, ses yeux de braise emplis des étincelles de son four. Ses mains semblent dotée d'autonomie et cheminent seules dans les étapes entre l’idée de base et la réalisation finale. Ses citations bien rodées pour amuser les gens sont empreintes d’une sagesse bougonne, ponctuée de mots en patois nissart. 
« Les jeunes d’aujourd’hui travaillent comme des charafi , ils sont trop occupés avec leur IBM…» 
Je souris. Il est émouvant, ce vieux fou de Maurice...
La pâte incandescente a une couleur de corail brûlant. C'est fascinant. Le souffleur la tient au bout de sa canne, sa « fêle » comme on disait jadis, avec la légèreté du peintre pour son pinceau. Il la souffle vers le haut, puis vers le bas, dans un moule pour lui donner une forme ronde et régulière. Il la découpe, l'étire, la rechauffe, la torture avec dextérité.
« En douceur ! En douceur !  » Répète-t-il aux jeunes qui ont tendance à trop appuyer pour imbiber le verre, en le roulant sans le déformer, dans des cristaux de poudre blanche. Cette poudre, en fondant, décorera l’objet de dessins aléatoires et ravissants.
Aujourd’hui, ce sont des gobelets à sangria qui sortent de l’imagination du souffleur. Demain, des lampes, des poissons, des carafes...
Le maître-mot, pour continuer à attirer la clientèle, c’est innover. Etre original. Créatif. Mais dans la tradition des grands verriers du midi de la France.

En sortant, les joues rougies et le coeur content, j'ai repensé à ce superbe film, la Souffleuse de Verre, dont mon ami Didier m’avait parlé. Saviez-vous qu'à une époque, les femmes n'avaient pas le droit de souffler le verre ? Sans doute parce qu’elles n'étaient pas jugées dignes d'accéder au divin...
En tout cas, c'était un bonheur de regarder cet homme faire jaillir l'amour de ses mains.





La pâte incandescente a une couleur de corail brûlant....

...dans une chaleur d’enfer...

Toute une vie à tourner la pâte...

Un métier de poète, en somme, précieux et fragile...





...et à souffler dans de longues flûtes

...pour gonfler des bulles de silicium...

Il la découpe, l'étire, la chauffe, la torture avec dextérité.



...de jeunes pages.

Deux apprentis aux visages ...


« En douceur ! En douceur !  »

...imbiber le verre, en le roulant sans le déformer, dans des cristaux de poudre blanche.


Allez visiter l’atelier de Didier Saba à Antibes...

***






Pour les Plumes d'Asphodèle chez Emilie, il fallait placer les mots: EXTRAORDINAIRE FANTASTIQUE BIZARRE ORIGNAL   TOURNESOL 

OLIBRIUS UNIQUE VISIONNAIRE SURPRENDRE INNOVER   IDEE  
INTERLOQUER




Pour l'atelier d'Olivia, il fallait placer les mots
créative – tour – promettre – geste – cheminer – citation – gentillesse – choix – pinceau – page – maroufle – préférence




20 janvier 2020

Little women







« J'accepte la grande aventure d'être moi. »
Simone de Beauvoir, Cahiers de Jeunesse.












J'aime cet endroit. J'y venais souvent avec ma mère, à Saint Martin, prendre un chocolat à l'heure où les ombres s'allongent et deviennent bleutées. Nous choisissions la table ronde, au fond. Elle posait toujours son manteau sur le dossier de la troisième chaise, et s'installait près du poêle à bois. 
Aujourd'hui, pour la première fois depuis longtemps, je m'y suis assise seule. 
Là-bas, dans ton île sous le vent tropical, tu ne peux imaginer le froid piquant qui fourmille en étoiles sur les vitres, ni les monts poudrés de neige qui voltige sur les mélèzes. 
Toi en maillot et en bateau. 
Moi en manteau et en chapeau.

J'ai  goûté pleinement ce bonheur précieux d'être une femme libre dans un pays libre. De pouvoir m'asseoir tranquillement dans un café sans rien demander à personne. Sans rendre de compte. Le chocolat fumant brouillait un peu mes yeux d'une buée étrange mêlée d'émotion. Je me sentais à ma place, sereine après la tempête. Pas triste, non. Juste rassurée. Joyeuse et mélancolique à la fois. 
J'ai pensé à toutes ces femmes merveilleuses et libres qui m'entourent. Où que je regarde, dans ma famille, je vois des femmes volontaires, intrépides, indépendantes et libérées des carcans qui ont étouffé tant de générations. Aucune carrière n'est trop bien pour elles, ou inaccessible. Rien ne les effraie. Elles voyagent, elles gèrent, elles échafaudent des projets fous, une flamme volontaire au fond du regard. Elles sont notaire, pharmacienne, architecte, coach en gestion du stress, ingénieures ou chef cuisinière, elles partent en Irlande ou au Japon, elles bougent, inventent, vibrent...

Elles m'emplissent de fierté et d'admiration. Corinne, Mathilde, Véronique, Hélène, Anaïs, Marlène, Margot, Vanessa, Océane, Marion, et, bien sûr, Sibylle, ma petite graine de bout de femme, vous êtes mes étoiles, mes soeurs d'âme, et je vous aime. 
Vous êtes, tout comme moi,  les dignes héritières de Jo March, la fougueuse, l'impétueuse et insoumise écrivaine du roman éponyme « Little Women » plus connu en France sous le titre « Les quatre filles du Docteur March. » 

Le Goût va encore dire que j'ai quinze ans, et me trouver trop romanesque. 
J'assume. 😊


***


Pour le devoir de Lakévio du Goût.


16 janvier 2020

Amour velours


Photo Pastelle




L'amour doux. Le vrai. Celui qui, plein de confiance, laisse le champ libre à l'oiseau. Celui qui n'enferme pas, qui éblouit par son innocence, comme s'il était inventé à l'instant, au carrefour de deux routes de soie vers l'éternité. 
L'amour qui prend soin, qui s'inquiète sans s'angoisser, sans déstabiliser, qui éclaircit, qui nettoie, qui comble. L'amour qui réchauffe quand on a le coeur de givre, et qui rafraîchit la peau brûlante.
L'amour qui transcende, qui sublime, qui respecte. L'amour tendresse. Rembourrage de satin contre les piquants de sel.
L'amour fort, évident. Qui grandit.
Celui qui arrive, irrésistible, après un long chemin mutuel.
Celui qui est là, tapi en nous, comme un écho dans la montagne qui trouve un écho en miroir.
Celui qui donne envie. Qui fait comprendre. Qui désire et qui apaise. Qui propose sans imposer.
Celui qui rime avec velours, avec humour, avec Cabourg...
Celui qui veut le bien de l'autre, parce que ce bien fait du bien.
L'amour qui n'est pas urticant, qui ne blesse ni en actes ni en paroles. L'amour lac. L'amour plage. L'amour prairie. L'amour foyer, sans chaînes ni sans cage.

L'amour doux. L'amour très doux.


***



Merci à vous tous pour vos mots de réconfort, d'amitié, d'amour sur mes derniers billets.
Merci à Pastelle dont j'admire tellement le talent, allez visiter son univers...
Pardon à Emilie d'avoir loupé les premières Plumes de l'année.




Merci à Olivia qui reprend, à ma grande joie, son atelier.

Avec les mots imposés : proposer – rembourrage – givre – Cabourg (facultatif vu qu’il s’agit d’un nom propre) – irrésistible – déstabiliser – foyer – tendresse – éternité

10 janvier 2020

Les grands souffles









Voilà. Elle est partie vers cet ailleurs étrange que chacun pare à sa façon de ses désirs ou de ses craintes. 
Le grand souffle froid de la faucheuse est venue éteindre la bougie vacillante qui tremblait encore dimanche, accrochée à la vie qu'elle était, depuis son incroyable sursis. Elle ne mangeait plus, ne parlait pas, respirait mal, fermait les yeux. Mais elle était encore là. 
On était tous là, comme dans la chanson d'Aznavour.
Même ceux du Nord de la France. On l'a entourée, réchauffée, bercée pendant toutes ces trop longues journées. On a eu le temps de lui dire au revoir chacun à notre tour. Et elle a attendu que le dernier de ses cinq enfants soit arrivé pour fermer ses grands yeux bleus, dont je n'ai jamais totalement percé le mystère. Car dans sa tête, c'était un entrelacs inextricable, un fouillis de douleur, une carte mentale complexe où elle se perdait depuis longtemps.
 J'en ai souffert, souvent, longtemps, et puis un jour, j'ai compris. Je suis née une deuxième fois quand j'ai arrêté de la fantasmer, de l'idéaliser, je l'ai acceptée comme elle était. Faisant la pluie et le soleil plusieurs fois dans une journée. Emouvante et tourmentée. Odieuse et adorable. Bipolaire, quoi, disons le mot. J'ai travaillé. J'ai pardonné. J'ai accepté la paix en moi. J'ai accepté les sentiments contradictoires qu'elle m'inspirait. C'était elle. Ça faisait partie d'elle. 
Le grand souffle chaud de l'amour, de la solidarité familiale l'a enveloppée, comme une aile de coton toute douce. 
Et ces grands souffles contradictoires me brassent dans tous les sens depuis dix jours, comme ces arbres qui s'échevèlent sous les vents tropicaux.  J'avais raison de parler d'essoreuse à salade. Ça secoue ! Mais ce n'est pas le tsunami provoqué par le départ de mon père. C'est plus doux, plus accueilli. Et je suis tellement mieux soutenue, aussi...
Me voilà orpheline, et en première ligne désormais. 
Mais apaisée de la savoir apaisée. C'est bizarre, de sentir de la douceur dans un chagrin.

Elle allait fêter ses quatre vingt-dix hivers, le 23 de ce mois. Elle est partie le jour des Rois Mages, manger sa galette avec les anges. Ma mère ne faisait jamais rien comme tout le monde. On avait fini par la croire immortelle...Mais là, elle a bien dû se plier aux usages qui veulent que toute vie rende les armes à la Camarde.
C'était ma mère, un sacré personnage, une tempête perpétuelle, un combat contre ses démons, une forte personnalité, forte et fragile, et elle laisse un trou béant et silencieux que je vais m'attacher à combler en le fleurissant de mes précieuses graines de vie. Mes larmes seront l'eau de ce jardin encore inédit. Plein de fleurs des champs, les seules qu'elle aimait.
 Repose en paix, ma petite maman, tu l'as bien mérité.




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