« C'est un trou de verdure où chante une rivière »
Rimbaud, le Dormeur du Val
Un petit coin d'eau et d'ombre serpente sous le pont de pierre. C'est un endroit calme qui me raconte son histoire, toujours la même et pourtant nouvelle à chaque pas. Vous l'aimeriez, je crois.
Je prends la route poudreuse qui monte à la Bastide. Le village s'accroche au roc, blotti sous le vent. L'air frais de février commence à buissonner de mésanges, qui sifflent leur joie dans les amandiers. Ça claque comme un tableau aux couleurs saturées. Un ciel bleu roi, sur les prés qui verdissent.
C'est un endroit où l'on boit l'air comme de l'eau, les yeux fermés de plaisir, les poumons dilatés par la joie.
Les odeurs d'herbes enivrent mes narines.
Les ânes si doux de l'enfance gardent toujours de la place pour les secrets, aux creux de leurs oreilles veloutées. Dès qu'ils sentent une présence humaine, ils rappliquent. Leurs regards brodés de noir ont toujours compris tous les mots. Tous les maux aussi. Les douleurs mal ficelées, les langueurs de la nuit, les doutes tenaces, qui allaient s'ébrouer dans le ruisseau comme poussés par un charme mystérieux. Aujourd'hui je leur ai dit mon bonheur. Ils ont souri de leurs grandes dents jaunes, avec le tendre et l'émouvant au bord des yeux.
Les maisons tirent leur force des volcans, dont elles ont pris les pierres noires. Elles offrent leurs fissures à la pluie, au vent, au soleil des quatre saisons, et tiennent pourtant debout comme on veille un malade. Sans jamais fermer l'oeil, sentinelles minérales du ciel.
Doucement, les brumes du matin ont capitulé à l'avancée du jour. Le soleil a gagné la partie. La lumière a gravi les murailles sans se soucier du temps. L'ombre ne triche pas. La campagne toute entière bruisse de silence. Les seuls sons audibles montent de la nature qui s'éveille, comme un battement de coeur de la terre. Chant d'oiseaux, murmure de l'onde et craquements des brindilles.
Après ma journée de yoga, hier, c'est un complément d'objet essentiel que cette balade m'a offert aujourd'hui. Une vraie méditation.
Et cette grammaire céleste a de quoi me séduire.
Musique Fiona Joy, Earthbound