Alors, oui, bien sûr, c'était mon anniversaire, aujourd'hui. Un jour très joyeux...Enfin, qui se devait de l'être...Mais au nom de quelle logique devrait-on être heureux d'avoir une année de moins à vivre? De voir la vie se rétrécir d'année en année, comme une peau de chagrin?
Ça me troue quand même relativement le fondement, cette histoire de tradition, de gâteaux, de bougies, de cadeaux et de fleurs...On fait la fête, certes, mais n'est-ce pas s'enivrer pour oublier que "le temps est assassin et emporte avec lui les rires des enfants...Ah! m'asseoir sur un banc cinq minutes avec toi...Et regarder la vie tant qu'y en a..."
Saturne me rend frileuse et morfondue aux alentours de cette date fatidique. Ouais, Saturne, un vieux pote à moi, à moins que ce ne soit mon ennemi juré, "morne et taciturne"...C'est lui qui me refile mon coup de mou saisonnier, je suis allée le signaler aux services compétents, mais il est insaisissable et coule comme du sable entre les doigts...Ils n'ont jamais réussi à le rattraper...
"Fille d'avril, fille difficile"...je sais, je sais. Je crache dans la soupe! Mais vous ne comprenez donc pas que j'aime trop la vie? Que ça me rend chose de la voir filer comme une anguille? Que je retiens mes larmes pour ne pas gâcher la fête?
Bien sûr, j'ai été gaie, aujourd'hui, gâtée, le temps radieux, les messages nombreux, les coups de fil des enfants, les bouquets de fleurs, les amis merveilleux, le repas délicieux, la promenade entre amis sous un soleil généreux, tout y contribuait...
Dès potron-minet, chacun s'ingénia à y aller de sa trille, de sa ritournelle ( je parle des piafs) ils se chuchotaient "Psstt! c'est l'anniversaire de Célestine! allez-y les gars, mettez le paquet!" Il m'a semblé que les cerisiers avaient fleuri pour moi en une nuit...Le ciel s'était cousu un habit bleu-roi du plus bel effet, le soleil s'était passé au mirror...
Pourtant je n'ai pu m'empêcher de ressentir ce terrible pincement au coeur, une sorte de manque, comme une absence, un regret, une infinitésimale tristesse.
J'ai fermé les yeux pour ne pas laisser filer le temps trop vite.
J'ai laissé mon esprit vagabonder par-delà les collines riantes, par-delà les plaines et les montagnes, jusqu'à la mer d' iroise, turquoise, jusqu'à la montagne enneigée, jusqu'aux grands espaces absolus seuls capables de m'apaiser quand je perds pied. Fugue salutaire...
Oui, j'ai eu comme une absence, au milieu du repas.
"Allons, ma vieille, souris, tu es filmée! arrête donc de faire la mélancolique, tiens toi droite, souffle tes bougies, ouvre ton cadeau, apprécie ce bon moment de convivialité! C'est ton anniversaire! "
Eh Zazie, tu les entends? Tu ne dis pas "anniversaire mon cul?"
Ben non, elle ne le dira pas Zazie, parce que, malgré mon coup de calcaire, je sais reconnaître la chance que me donne la vie. Etre bien entourée, pour passer ce cap, c'est quand même mieux que d'être toute seule!
Et puis, je vois que le grand Bébel fête ses quatre-vingts balais le même jour que moi. Finalement, je suis une vraie gamine?
-Ben oui, arrête de flipper, c'est ce qu'on s'évertue à te dire...
-Merci mes amis. Tous mes amis. Vous aussi, amis de la toile. Désolée de vous avoir un peu plombés avec mes états d'âme.
Tous comptes faits, c'est quand même chouette, d'avoir un an de moins que l'année prochaine...
Emprunts et crédits à Renaud, Voulzy, Brassens, Queneau, Spirou... et Thierry, un autre de mes potes.