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10 avril 2012

Le grand bazar



















Il y avait des jours et des jours que le bazar s'installait dans ses tiroirs. Par manque de temps, par négligence, par lassitude, par fatigue, elle avait laissé faire. 
Il était temps qu'elle mît un peu d'ordre dans ce véritable bordel qu'était devenue sa vie. Il s'agirait de faire le grand nettoyage de printemps. De retrouver le chemin de ses priorités, de ses rassurantes certitudes, de sa joie de vivre. Ce ne serait pas facile. Certains recoins étaient pleins de toiles d'araignées, la crasse quotidienne s'incrustait dans les rainures, cela rendrait malaisé le passage du chiffon. 
Des zones d'ombres nouvelles apparaissaient. Au hasard d'une conversation terrible elle avait vu choir ses illusions comme de vieux pétales fanés. Des illusions de petite fille qu'elle gardait comme des images jaunies entre les pages d'un livre. Non, sa sainte famille, celle où elle avait grandi, n'était pas différente, hélas, de celles qu'elle avait lues chez Gide, Mauriac ou Bazin. Mais au contraire pleine de jalousies ancrées, de non-dits, de secrets inavoués, de trahisons, de bassesses, de pitoyables médisances. Des nids de serpents. Les liens du sang se révélaient empoisonnés. Rien n'était idéal.C'était sa famille, elle l'aimait comme cela aussi.
Elle tremblait maintenant pour sa propre progéniture, désirant ardemment ne jamais la voir un jour se déchirer ou se mépriser. 
Les deuils étaient difficiles à faire. Elle le réalisait, elle avait présumé de ses forces, elle que l'on disait toujours un roc, un rocher, une force vive de la nature...n'était plus qu'un vieux paquet de chiffons humides et gris, quand elle pensait aux pertes de son existence...
Le temps avançait inexorablement, et si son visage était encore miraculeusement préservé, elle ressentait déjà les rides de son coeur, comme des griffures. Et la douleur étreignait parfois son corps sans qu'elle l'ait bousculé.
Les vacances lui semblaient bien courtes pour retrouver l'énergie qu'il lui faudrait pour le troisième trimestre, et se replonger dans l'étourdissant tourbillon. Et affronter les mêmes injustes critiques, les mêmes usants problèmes. Sa zénitude habituelle était mise à mal.
Les mots eux-mêmes la trahissaient: elle qui les aimait, les adorait même, elle qui écrivait comme elle respire, avec bonheur, avec jubilation, se posait  des questions sur ce blog, la nécessité ou non de s'épancher. La pudeur lui interdisait d'entrer trop dans l'intime, et en même temps, elle en avait besoin. Et puis, elle avait expérimenté la difficulté d'exprimer exactement les ressentis, dans cette fameuse et dévastatrice conversation où elle s'était retrouvée épinglée comme un papillon dans une boîte, par l'incompréhension et le double langage, et la difficulté de faire comprendre qu'elle n'était plus la même. Qu'elle avait changé en mieux, pensait-elle. Mais que les mots pouvaient être pauvres parfois, devant l'immense fossé qui sépare les êtres!
L'Autre, son Autre,  ne comprenait pas ces soubresauts, ces interrogations existentielles, suivait sa route en caracolant devant sans l'attendre et ainsi elle apprenait à ses dépens que l'être humain est toujours seul dans ses pauses respiratoires, ses apnées de l'âme. Elle,  s'essoufflait, il lui fallait se désaltérer à une source, ralentir le pas, flâner un peu.
Elle ressentait dans toutes ses fibres ce mal-être, sachant qu'il lui faudrait puiser en elle la force de se ressaisir.
Et c'est là que surgissait le premier espoir: sa vitalité naturelle était toujours là, tapie. Même s'il lui fallait souffrir, tirer des traits, renoncer encore et encore, elle allait rebondir, elle en était sûre.. Elle s'en rendit compte, à ce demi-sourire qu'elle sentit flotter sur ses lèvres après avoir essuyé ses yeux.



19 commentaires:

  1. Comment transcrire l'indicible, dire l'intranscriptible ? Question sans réponse... Ou plutôt si, la plus belle des réponses : des mots finement ciselés et un sourire malgré toutes les blessures...

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  2. Je ne dors pas... et je suis là, à te lire avec émotion
    Ce billet j'aurais pu l'écrire... tellement je me retrouve dans tes mots
    Je n'ai pas de mots de "consolation" à te donner
    Oui on est toujours seul(e)
    Et pourtant un petit signe amical est bienvenu
    C'est celui que je donne au bord du matin qui va bientôt se lever
    En même temps que ton courage qui se forge sa place dans ton demi-sourire
    Courage, ma belle Célestine
    Je t'embrasse fort

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  3. Parler de soi à la troisième personne, même pour mettre une certaine distanciation, me met toujours mal à l'aise. Mais si ça peut t'aider ...
    Nul doute que la métaphore des petits tiroirs ne tienne pas le choc en cas de gros "déménagement" de la vie!
    La résilience qui pointe le bout de son ressort à la fin du texte nous prouve que l'estime de soi n'est ps morte. Je n'en doutais pas :)
    Un jour nous serons vieux et apaisés, mais pas maintenant, pas maintenant ...

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  4. Petits et grands secrets de famille, petites et grandes mesquineries, on en découvre encore en rangeant (en vrai) les photos jaunies bien longtemps après que le dernier ai disparu. On ne peut même plus s'expliquer et on regrette ses illusions perdues qui faisaient qu'on pensait que tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil.

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  5. chère Célestine, voilà une fois de plus un billet que j'aurais pu écrire, la lassitude qui a mis du bazar dans la maison, les familles vipère au poing, les deuils à faire, les conditions de travail souvent si usantes, l'énergie à retrouver le temps des vacances, et la question de l'intime et du blog...
    oui, une fois de plus toute ma vie est là ;-)
    et pour répondre à Antiblues: plus le billet est intime, plus je choisis moi aussi depuis toujours de parler à la 3e personne
    Bonnes vacances et bon nettoyage, Célestine, ta phrase finale me semble si positive que le mieux est déjà présent :-)

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  6. La vie n'est pas toujours un "fleuve tranquille" mais nous le savons très bien. Alors oui, il faut avoir le caractère bien trempé... et parfois aide ceux qui ne l'ont pas...

    Bises et belle journée.

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  7. Les bleus à l'âme, ce sont eux qui nous font une armure.
    Mais dans toutes les armures il y a les pièces où s'articulent les différentes parties, et c'est là où ça fait mal...
    Quelle délicate écriture tu as ))

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  8. Une toile d'araignée...c'est beau.

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  9. Bonjour Célestine. Quel cadeau pourrais-tu t'offrir aujourd'hui? Ne cherche pas trop, accepte ce qui vient et savoure. ça fait un bien fou de s'offrir un petit cadeau à soi-même. Cadeau matériel ou non.
    Bisous et belle journée.

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  10. C' est bien de vider les placards pour que les suivants n' aient pas à le faire. Je t' embrasse.

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  11. On n'est jamais vraiment seul, la preuve.. Bisous ♥

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  12. Les apnées de l'âme, comme c'est joliment dit, comme tout le reste d'ailleurs.
    Respire Célestine, je te vois en Roc, même si un roc a toujours des failles.

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  13. Il est beau ce texte, il est "pur" . Il y a ce désarroi mais cette lumière des dernières phrases si belles, qui contienennt tout l'espoir d'une vie, toute la force qu'on espère tous avoir en nous. La lumière verte de Gatsby....

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  14. Un petit coucou pour te souhaiter bon courage. Gros bisous de Belgique et à bientôt Célestine.

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  15. Et si je te dis aujourd'hui, vendredi 13, que demain, demain est un autre jour ? Vraiment un autre jour .... rien que pour toi ;-)

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  16. Je lis attentivement tous vos commentaires et je vous remercie de votre sollicitude . Répondre avec un smartphone n'est pas très commode mais le cœur y est. Je me ressource et j'essaie de comprendre pourquoi je me suis laissée submerger

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  17. BRAVO Célestine. Ressource toi bien. Je te souhaite une très belle journée. Je t'embrasse.

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  18. Ce que tu dis est si juste ! Pourtant je vois dans le sourire des derniers mots une ultime politesse de ta part. Si tu te sens submergée, attend que la marée reflue, prend le temps... Mais oui, par contre, on est toujours seul pour faire le point...

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Je lis tous vos petits grains de sel. Je n'ai pas toujours le temps de répondre tout de suite. Mais je finis toujours par le faire. Vous êtes mon eau vive, mon rayon de soleil, ma force tranquille.
Merci par avance pour tout ce que vous écrirez.
Merci de faire vivre mes mots par votre écoute.