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20 décembre 2011

La lampe magique



C'était la nuit la plus courte longue de l'année. Orion éclairait de sa superbe le ciel glacé. C'était une nuit propice à la rêverie éveillée. Je ne dormais pas. Je contemplais à travers les vitres les trois étoiles de la Ceinture, aux noms très romantiques d'Alnilam, Alnitak et Mintaka. Je laissais ainsi vaguer mon esprit quand il me sembla apercevoir, sur la commode, en face de mon lit, un objet que je ne connaissais pas. 
C'était un récipient au bec allongé ressemblant furieusement à une lampe de conte des mille et une nuits. Elle luisait à la faible lumière des réverbères d'un éclat étrange, comme un éclair cuivré qui traversa ma rétine pour aller se ficher dans mon cerveau. Je me levai, mue par une force magnétique, et me surpris à faire le geste mythique, vu et revu: je frottai la lampe doucement.  Je m'attendis à en voir sortir un génie de type connu, une sorte de Monsieur Propre replet et jovial, de Tarass Boulba aux yeux bridés et aux muscles avantageux.

Mais rien ne se passa. Je retournai me coucher, un peu déçue, quand une voix me fit sursauter: "Que désires-tu?"  
Dans le fauteuil, là, dans le coin, une toute petite fille me regardait avec des yeux mauves traversant la pénombre de leur intensité. Elle tenait une poupée dans ses bras. Elle me fit penser à Shirley Temple, la petite actrice prodige...
-Que désires-tu? demanda-t-elle pour la deuxième fois.
-Qui es-tu? demandai-je.
-Qu'importe, tu m'as délivrée, que désires-tu?
Des questions me brûlèrent la langue: combien de voeux pouvais-je faire? Avais-je vraiment carte blanche? Combien de temps me donnait-elle pour me décider?
Car sonder son cœur à la recherche de ses désirs profonds n'est pas une affaire anodine et ne saurait se faire à la légère...
Cela demande évidemment une intense et mûre réflexion.
-Tu as trois voeux, quels qu'ils soient, et trois minutes pour les formuler. Après quoi, je disparaîtrai à jamais.
Je restai pétrifiée. Jamais je ne parviendrais à choisir en si peu de temps! Il y avait tant de choses à souhaiter pour que ce monde cruel et imparfait s'améliorât, tant de choses ignobles ou révoltantes à éradiquer, tant de malheurs, d'injustices, à gommer, tant de fléaux... et puis il y avait les souhaits moins universels, qui concernaient mes proches, mes amis, ma famille. Des réussites , des protections, des guérisons, des prises de conscience. De l'amour. Du bonheur. J'avais aussi des choses à me souhaiter à moi-même, de l'énergie, de la santé, de l'enthousiasme, il ne s'agissait pas de m'oublier. Au passage, je retrouvai en moi le sempiternel conflit entre ma tendance résolument altruiste et cette part de moi qui me souffle qu'un peu d'égoïsme ne nuit pas. Difficile, n'est-ce pas! 
Mais le temps passait...Je m'aperçus soudain avec dépit que la petite fille avait disparu. J'avais été trop longue à me décider, comme devant la vitrine d'un pâtissier quand, petite, il me fallait choisir un gâteau pour faire plaisir à ma tante Paulette.

Je m'endormis avec un sentiment doux-amer de défaite. Mais au réveil, quand je me remémorai mon rêve bizarre, cette allégorie nocturne me fit sourire: après tout, j'avais déjà tout ce que je pouvais désirer, dans ma vie personnelle.  Pour faire des voeux, il me suffirait d'attendre dix jours: sous une branche de gui, dans ma belle robe à paillettes, je lèverais mon verre de champagne à l'espoir d'un monde meilleur. En y croyant très fort. Comme chaque année. Et en repensant au beau regard innocent d'une petite fille aux boucles blondes. Une petite fille qui n'était autre que moi enfant, venue simplement me rassurer sur mon âme de gosse restée intacte.

Edit du 21 décembre Merci à Antiblues de m'avoir fait remarquer mon lapsus très freudien: j'avais écrit la nuit la plus courte, sans doute parce qu'inconsciemment je préfèrerais être en juin qu'en décembre...

27 commentaires:

  1. en prévision de ce beau jour où une fée me proposerait ce genre de voeu, j'ai décidé, vers l'âge de dix ans, de répondre: je veux que le monde entier soit heureux! c'est le stratagème que j'avais trouvé pour garantir paix, amour etc etc à toute la planète, ainsi je n'oublierais personne tout en étant servie moi-même ;-)
    joli rêve, Célestine!

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  2. Magnifique rêve, j'en connais plus d'un qui se serait précipité pour demander des richesses matérielles en oubliant où est l'essentiel !

    Mais la prochaine fois, évite les dîners trop lourds la veille, hein ! ;~)

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  3. Tu as une très grande sagesse....alors à dans quelques jours dans ta jolie robe..... Bises

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  4. Après avoir frotté la lampe, un génie apparut..
    -Tu peux formuler un souhait me dit-il
    -Craignant le mal de mer et les voyages en avion, bon génie, je voudrais une autoroute reliant Brest à New-York !
    -T'es malade ! Reformules ta demande, !
    -Euh... Alors explique-moi la logique féminine...
    -Bon, ton autoroute tu la veux à 2 ou 4 voies ?

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  5. ANDIAMO niarf niarf niarf! très drôle!

    PATRIARCH venant de toi, le compliment m'honore.

    TANT BOURRIN Ben pourtant il avait l'air bon ce pâté de chevreuil...

    ADRIENNE oui je crois que c'est qui me serait venu à l'esprit si je l'avais eu pragmatique et logique, mais bon, il n'y aurait pas eu d'histoire...Et puis la logique féminine, comme dit Andiamo...

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  6. Très joli rêve et très touchant! Comme toi je crois que je n'aurais pas eu le temps de choisir entre mes voeux pour la terre entière et mes voeux plus personnels!
    J'aimais beaucoup Shirley Temple enfant:-)!

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  7. Un joli rêve fort bien écrit, garder son âme d'enfant et croire, croire...est peut-être la plus belle illusion.

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  8. J'avais essayé une fois (je suis belge) mais je n'ai pas ton talent :
    http://samedidefi.canalblog.com/archives/2009/03/14/12887366.html

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  9. Nous avons rêvé à tes côtés chère Célestine et formulé bien plus de trois voeux pour ceux qui nous entourent et tous les autres aussi.

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  10. tu m'as donné des frissons... ♥

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  11. ELLA Merci ma luciole! je te retourne le compliment sur ton dernier billet.

    DELPHINE Je crois que des milliers de pensées unies vers la même chose ont une force. Et Noël est propice à ces retrouvailles.

    JEAN-CHARLES oui, croire en un mieux, garder de l'espoir n'est-ce pas la plus belle façon de ne pas baisser les bras?

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  12. WALRUS ton histoire de djinn tonique m'a fait hurler de rire! C'est drôle comme tout est relatif: en la lisant, je me disais que c'est toi avais bien du talent...

    MAMMILOU Shirley Temple était l'idole de ma grand-mère...dire qu'elle a 83 ans maintenant!

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  13. Célestine, toujours délicate.
    Voilà, c'est un conte délicat. Fragile et précieux.

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  14. C'est beau et tendre !!
    Une petite question: N'est ce pas la nuit la plus longue de l'année et non pas la plus courte ? ;)

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  15. Garder son âme d'enfant et s'émerveiller encore et toujours est une gageure dans ce monde cynique et cruel... Mais certains ne la perdent jamais et c'est tant mieux ;)

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  16. La lampe magique, qui permet de rêver un instant, quand tous les possibles s’ouvrent à nous. Puis le bon génie disparaît, emportant tous nos espoirs. Reste le rêve, à savoir ici le monde de l’enfance (incarné par cette petite fille que vous fûtes), qui refait un instant surface dans notre vie d’adulte. Le vœu (tourné vers le futur) est donc moins important que le souvenir (tourné vers le passé). Notre futur serait-il donc derrière nous ? Peut-être bien. Le monde magique de l’enfance ne se cache-t-il pas derrière notre désir d’écrire ?

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  17. J'aime vraiment tes textes aux ambiances fantastiques, oniriques, toujours légers, mais ne pas s'y méprendre, le fond est bien métaphysique, qui laisse un quelque chose à méditer, voire à transformer en soi-même ... Attachante fillette, attachante Célestine aux mots doux et humains.
    Je t'embrasse

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  18. ZENONDELLE ah que ces mots sont doux à mes oreilles...J'aime écrire à la frange de la réalité, c'est là que je me sens le plus moi-même...

    FEUILLY belle réflexion, belle étude de texte. Sans doute Zenondelle a donc raison de dire que mon petit conte incite à réfléchir. En tous cas, pour moi qui suis une adepte du juste milieu, je me sens bien dans le présent, ce moment délicat en équilibre entre passé et futur...et aucun des deux n'a plus d'importance que l'autre pour moi.

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  19. ASPHODELE une gageure? Moi je dirais plutôt une question de survie pour ne pas se faire happer dans une réalité spongieuse et noire...

    ANTIBLUES c'est corrigé: ce n'était qu'un lapsus très significatif révélant mon "amour inconditionnel de l'hiver".(hum hum)

    BERTHOISE Merci pour ce beau compliment qui me va droit au coeur. La Délicatesse est à l'honneur ces jours-ci...

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  20. J'ai toujours cru que la vraie recompense c'etait d'avoir delivre le genie de la lampe, que rendre la liberte a un etre enferme suffisait a tout bonheur et que donc tout le reste etait superflu.
    Merci a Celestine de delivrer les petites filles de leurs enfermements.
    Un souhait : une de mes amies souffre encore d'un tel mal : elle est enfermee dans son histoire et tout le bonheur qui l'entoure n'arrive pas a l'en sortir vraiment. Puisse les mots de Celestine l'aider a en sortir.
    Bon Noel.

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  21. Nous avons tous des enfermements, des histoires douloureuses, des épines dans le pied, des souvenirs difficiles à effacer. J'aurai une pensée particulière pour votre amie, et j'espère qu'elle trouvera la sérénité, puisqu'autour d'elle il y a du bonheur, tous les espoirs sont permis.Cher Jacques, elle a beaucoup de chance d'avoir un ami tel que vous, qui pense à elle de cette façon si délicate.

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  22. Je crois que je n'hésiterai pas! Paix amour et harmonie pour tous, voilà mes voeux, les mots que je répète chaque matin en ouvrant les yeux et qui sont imprégnés en moi. Oh, je s ais, c'est idéaliste mais je crois que si chacun s'y baigne, le monde progressera

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  23. C'est un très beau conte, très bien raconté comme toujours. Et justement j'ai récemment essayé de faire une liste de tout ce que je désirerais faire si il ne me restait plus que quelques années à vivre. J'ai eu beaucoup de mal.....il y a une seule chose qui m'est venue tout de suite à l'esprit et pour le reste j'ai vraiment dû beaucoup réfléchir......

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  24. Souhaiter que plus jamais personne n'ai plus jamais rien à souhaiter...

    Mais, suis-je bête, cela existe heureusement déjà, cela s'appelle la mort...

    Sans elle, ce serait un éternel enfer ; elle seule rend la seule véritable justice, nous rendant enfin tous égaux !

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  25. Passe un bon Noël avec ceux que tu aimes

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  26. C'est magnifique de te lire , tu es une vraie conteuse
    je te souhaite un Noël doux , serein et tendre
    je t'embrasse Célestine

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  27. JEANNE, MARIE-MADELEINE je vous embrasse et vous souhaite joyeux Noël à toutes deux.

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Je lis tous vos petits grains de sel. Je n'ai pas toujours le temps de répondre tout de suite. Mais je finis toujours par le faire. Vous êtes mon eau vive, mon rayon de soleil, ma force tranquille.
Merci par avance pour tout ce que vous écrirez.
Merci de faire vivre mes mots par votre écoute.