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30 septembre 2011

Méfiez-vous des caramels mous...

Connaissez-vous ces blagues idiotes que l'on trouve dans certains caramels mous de forme allongée ?
Mon fils, du haut de ses sept ans triomphants, me posa un jour ce dilemme crucial, la diction légèrement enzozotée par sa friandise :
« Papa, écoute : dans la série « les soix impossibles » : préfères-tu, toute ta vie, être suivi par trente canards, ou avoir des zambes en mousse ? »
Je croisai son regard d'un bleu candide. Le caramel baignait ses dents, dont trois manquaient encore à l'appel, dans un jus marron de bave collante, lui donnant un sourire béat un peu répugnant de Quasimodo. Il attendait visiblement une réponse.
-Euh...Ze soisis...pardon je choisis... les trente canards ! lançai-je un peu vite, avec un faux air sérieux, cachant mal mon envie de me débarrasser de mon importun gamin. C'est que j'avais du travail, moi!

C'est ce jour-là que j'aurais mieux fait de me casser une "zambe". Au moment exact où j'ai ouvert la porte de la salle d'attente...
-Docteur Martinot ? a dit une voix. Une étrange voix nasillarde.
Je regardai ahuri les chaises vides, quand un palmipède émergea en claudicant de sous la table basse.
-Ce n'est pas trop tôt ! dit-il, n'attendant pas que je l'invite à pénétrer dans mon cabinet.
Je m'épongeai le front.
-Dites-moi que je rêve !
-Mais pas du tout, jeune homme, le rêve étant l'ensemble de phénomènes psychiques éprouvés au cours du sommeil, et par lesquels s'exerce l'activité nocturne du cerveau, il ne saurait être question d'onirologie ici. Vous ne rêvez point.
-Tu parles !
-Mais bien évidemment que je parle. La parole étant le langage articulé symbolique destiné à communiquer la pensée, s'adressant à un interlocuteur pouvant être éventuellement soi-même, et permettant d'exprimer des besoins, pensées, sentiments, souffrances ou aspirations, nous pouvons considérer que je possède ladite parole.
-Je suis dermatologue, je ne vois pas ce que vous attendez de moi, dis-je en reluquant ses plumes d'un beau noir doré.
-Ah ! La dermatologie ! La science de la peau, des muqueuses et des phanères, habituellement associée à la vénérologie...Non, mon derme et mon hypoderme vont très bien, je vous assure, mon derme réticulaire, papillaire, ma membrane basale, mon stratum granulosum...se portent à merveille.
-Mais je nage en plein délire ! Que désirez-vous , à la fin ?
-Délire...perturbation globale, parfois aiguë et réversible, parfois chronique, du fonctionnement de la pensée...Désir...effort de réduction d'une tension issue d'un sentiment de manque...
-Ça suffit ! hurlai-je excédé.Vous me faites perdre mon temps !
Je sentais la sueur inonder mon front d'eau glacée.
...Voilà que je parle à un canard, et en le vouvoyant en plus...non mais ça va pas, moi...
-Perdre votre temps ? Voulez-vous dire ce concept développé par l'être humain pour appréhender les changements du monde, ou bien l'ensemble des conditions physiques des basses couches de l'atmosphère à un moment précis et en un point précis ?
-Tu vas me faire le plaisir de dégager d'ici, Saturnin, et rapidement ! dis-je en attrapant l'emplumé qui me mordit cruellement à la main gauche.
-Aïe!
-Sachez monsieur, que je ne suis pas un canard ordinaire ! Je suis un fuligule à collier de la famille des Anatidés de l'ordre des Ansériformes. Et vous allez payer votre audace !
Il avait l'air furax.
Il sortit d'un air digne et outragé.On aurait dit une duègne offusquée.
Je me laissai tomber chancelant dans mon fauteuil de cuir noir.
Un silence étrange régnait dans le cabinet.
On sonna.
Je traînai les pieds jusqu'à la porte en massant ma main endolorie.
J'ouvris.
Et je les vis. Rangés en file indienne sur le trottoir.Une file d'attente de cauchemar,  un concert de claque-becs caquetants et volubiles.
-Ce n'est pas trop tôt ! dit celui qui se trouvait le plus proche de la porte. Il portait le numéro 29. A côté de lui, le fuligule ricana, avec un rictus vénéneux.

 Je m'évanouis.



Pour le défi du samedi, il était question de médecin et de canard savant...


Merci à Wikipédia pour avoir instruit mon fuligule...
Merci à Pierre Palmade pour m'avoir prêté quelques éléments de son sketch que j'adore.
Merci à C*r*mb*r  pour les blagues dans la série "choix impossibles".



11 commentaires:

  1. Huhuhuhu ! :~)))

    En même temps, pas de regrets à avoir : avec des jambes en mousse, tu aurais rétréci de 50 cm à chaque fois que tu aurais porté un objet un peu lourd !

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  2. Géniale l'histoire !
    Avec les consignes de départ c'est vraiment super bien trouvé.
    Une journée qui débute avec un grand sourire. :)

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  3. il y a juste une chose qui me tracasse, je vais partir au boulot et je me demande comment je vais pouvoir faire rentrer 30 canards dans ma Twingo !!

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  4. Ne connaissant pas ce sketch de Palmade mais l'imaginant aisément dans ce style légèrement...délirant, j'aime bien ton texte plutôt bien imaginé.
    Mais où vas-tu chercher tout ça?

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  5. joli conte à dormir debout !

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  6. Quand je commence à lire sur un blog un truc un peu (voire complètement) déjanté, je sais maintenant que c' est un "devoir sur table"! Le tien m' amuse beaucoup!

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  7. Ah célestine, bravo ! C'est très drôle !
    J'ai encore passé mon tour cette semaine.

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  8. Dis, Maîtresse, tu peux récapèpèter, siou plé ?...
    Un jeu le samedi ? quelle drôle d'idée, après celui du lundi, du jeudi, du vendredi, du dimanche...

    Non, je fais pas classe le sam'di, moi !
    Bises de Lyon et bon dimanche

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  9. Sur le moment, j'ai cru que tu avais fait un cauchemar ! Très bien trouvée l'idée !

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  10. Je peux te proposer quelques adresses dans le Sud-Ouest, tes canards seront choyés, bichonnés, nourris, logés, blanchis... et étiquetés. A moins que tu les préfères à l'orange...
    Baci

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  11. Rire
    ( arrivé ici via le commentaire que tu as laissé chez Xoulec , tous les chemins mènent soit à Rome soit ailleurs )

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Je lis tous vos petits grains de sel. Je n'ai pas toujours le temps de répondre tout de suite. Mais je finis toujours par le faire. Vous êtes mon eau vive, mon rayon de soleil, ma force tranquille.
Merci par avance pour tout ce que vous écrirez.
Merci de faire vivre mes mots par votre écoute.