Ah, ces dimanches comme je les aime...Réveillée par le bruit du tonnerre, je me pelotonne encore un peu sous ma couette. Une masse de boulot m'attend, tout le monde roupille encore. Je me rendors une petite heure. Le chat a faim, miaou...(poliment) miaou (un peu plus fort)...MIAOU! (en insistant vraiment) non mais tout de même, elle va s'occuper de moi cette fainéante! Ah! le cri du chat affamé, le matin au fond de la couette... Le ciel ressemble à un test de Rorschach, chacun peut y trouver les images que lui dicte son inconscient, dans cet amoncellement de nuages d'un gris d'encre séchée. Le vent a renversé les pots de fleurs rendus trop légers par un mois de sécheresse et de négligence des jardiniers.
Le sapin du voisin a déversé nuitamment toutes ses aiguilles mortes devant la fenêtre, sur la terrasse que j'avais si bien balayée. Cela fait un tapis, une constellation de brindilles collées aux carreaux, amalgamées par endroits , on y lirait presque des paysages, des vallées, des montagnes, on y lirait presque l'avenir ..." la journée s'annonce sous les meilleurs auspices pour vous les béliers" susurre la radio en sourdine. Oui, c'est déjà une chance pour les béliers de simplement parvenir à saisir l'horoscope, car ces idiots de chroniqueurs astrologiques commençant invariablement par les béliers, justement, et avec le temps de réaction matinal légèrement ralenti par la torpeur du saut du lit, on loupe neuf fois sur dix les prévisions de notre signe. Nonobstant, j'aime ces réveils embrumés, où l'odeur suave du café qui passe se mêle aux effluves appétants du pain qui grille.
Puis, peu à peu, émergeant de son antre comme un loup sorti du bois par les tiraillements de son estomac, chacun descend avec ce pas traînant des ados le matin, le cheveu en bataille et l'oeil torve, le cri de guerre poussé: "J'ai une de ces dalles!", les yeux encore pleins de rêves et de poutine, mot poétique dont ma grand-mère usait dans mon enfance pour désigner les petites et jaunes concrétions lacrymales séchées autour de l'oeil. "Viens par ici! disait-elle armée d'un coton imbibé d'eau de fleur d'oranger, que je t'enlève toute cette poutine!" Ce qui explique, bien des années plus tard, mon demi-sourire narquois à la simple évocation du patronyme de certain dirigeant russe éponyme...
Ensuite il y aura le doux chuintement des douches qui coulent, comme le bruit d'une rivière dans le lointain, les piles de linges à plier, le repas empiétant sur l'après-midi, et toute une somme de gestes lents et mesurés pour accomplir des tâches nombreuses-ze-z-et-variées, en se disant philosophiquement que tant que l'on a du pain sur la planche c'est que l'on a du pain, et une planche. La nuit reviendra vite, trop vite, et l'accélérateur de particules propulsera à nouveau les grands dans leur train ou leur autocar, nous laissant abasourdis mais heureux, de la fuite du temps qui passe, tel le café, en libérant tous ses arômes...