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12 juin 2025

Côte ouest

 





Je suis passée à l'Ouest un certain temps. J'étais bien, face aux flots de l'océan, baignant l'immense Golfe de Gascogne dans toute sa diversité de paysages. Vous savez bien ce que j'aime : le bruit des vagues se brisant sur les récifs, les phares, les ports à marée basse, l'odeur de l'iode et le cri des goélands. Tout cela me rend vivante, absolument.
Mais j'ai aimé aussi rencontrer les marcheurs de Compostelle à Roncevaux, là où la brume noie les contreforts des Pyrénées dans une ouate humide d'où émergent les sapins, comme de petits fantômes au garde-à-vous. Les pèlerins sous leurs pèlerines, taches multicolores sur le vert sombre.
Le Pays Basque m'a enchantée : dire que je ne connaissais pas Biarritz, ni Hendaye, ni Saint Jean de Luz... J'ai adoré le ballet des surfeurs sur les crêtes liquides frangées d'écume. C'était beau. La lumière du soir. Manger au bord de l'eau. Me sentir en vacances, déconnectée. Ravie. 
J'ai discuté avec un professeur de pelote basque, devant un de ces magnifiques frontons qui ornent les villes de cet étrange pays, à l'identité aussi forte que la Catalogne. Passionné de son art, le gars. Il nous a tout montré dans son estancot, les chistera en osier, les balles lourdes et denses comme des pierres, les tenues des pelotaris, les gants, les paletas.
Et si on sautait la frontière et poussait jusqu'à Bilbao, pour voir le formidable musée Guggenheim et ses volumes démesurés ?  Ce qu'il y a de bien, dans les roads trips, c'est le côté improvisation. On a envie d'aller là, on y va. 
Parfois, improviser joue des tours : impossible d'entrer dans le célèbre monastère de San Juan de Gastelugatxe. Il fallait prendre ses billets sur internet deux semaines à l'avance... On s'est contenté de le voir de haut, perché sur son minuscule îlot cerné de bleu.
De là, un crochet par Guernica, tristement célèbre par le carnage immortalisé par Picasso et Paul Eluard. A Lekeitio, à Bermeo, à Bernado, des ruelles, des bar à tapas animés, la vie espagnole comme on l'aime. Les formidables salines d'Añana, où l'on peut patauger dans l'eau saumâtre au sens premier du terme.
A Pampelune, l'hôtel dominait la ville, c'était divin. Le toro y est roi. Arènes, statues, boutiques, tout parle des abrivados, ces lâchers de taureaux dans les rues de la ville, qui ne sont pas des vachettes inoffensives comme on pourrait le croire...
Puis retour avec une escale à Dax, dans une ambiance de ville thermale du début du vingtième siècle, et une autre à l'île d'Oléron. Les maisons colorées du Château d'Oleron valent vraiment le détour. Ainsi que le phare de Chassiron. 
Un bol de découvertes et d'air marin qui m'a requinqué les neurones.

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Biarritz, la grande plage



La Côte basque sauvage





Un professeur de pelote basque, passionné.

               

Une maison typique

Une touriste ravie à Irun

Bilbao

Les fantastiques sculptures d'acier de Richard Serra à Guggenheim

La demesure digitale et numérique

Un oeuf Kinder géant ;-)

Des tulipes impressionnantes

Le monastère de Gaztelugatxe

Une ruelle à Bermeo

Sur la plage de Lekeitio

Les salines d'Añana

La ville forte de Bernedo



Les fameux bocadillos

Donne moi ta main... euh... ton bras !

Des pèlerins à Roncevaux

Compostelle, c'est par là !



Un monument dédié aux courageux amateurs d'abrivados

Et un hommage aux marcheurs de Compostelle


Le style Arts Déco de l'hôtel Splendid à Dax.


Sur le port de Blaye, non loin des fameuses « Côtes »...

Les reines de l'île, comme à Ré.

Le port de Saint Pierre

Le Phare de Saint Pierre

...et celui de Chassiron, à la pointe de l'île.





La plage de cairns à Saint Denis, dont le conseil
municipal a décidé la démolition... Dommage !

Moules frites à Saint Georges

Les maisons de pêcheurs à Château d'Oleron.

C'est tout pour aujourd'hui. 😉






25 mai 2025

Le bonheur du linge












Le linge frais, éclatant, celui que les lavandières étalaient à même l'herbe, en prenant bien garde de ne pas frotter le tissu : les taches vertes sont si récalcitrantes au savon... Aux temps anciens, on étendait le linge, littéralement, le mot est resté, même si l'invention de l'épingle à linge a changé les habitudes.
Un étendoir balançant doucement le linge au vent et au soleil, c'est beau comme un film italien. Et étendre le linge à deux, oser mélanger pour une fois les torchons et les serviettes, se chercher, se trouver, braver les interdits... c'est la magie cachée de la pince à linge.
Qui dira l'érotisme subtil de ce jeu de cache-cache à travers les draps humides ? Un jeu vertical, prélude sans nul doute à d'autres jeux plus horizontaux. 
Une silhouette nue derrière une nappe à carreaux vichy et l'on devient Bardot et sa croupe incendiaire, zieutée par un Curt Jurgens cramé de désir. 
Un soutien-gorge en satin rose et l'on est Magnani. Belluci. Cardinale. Héroïne fellinienne de la lessive Plouf.
Les draps sont les rideaux d'un théâtre d'ombres derrière lesquels se jouent l'amour et le hasard. Leur odeur de verveine ou de lin bleu enflamme les sens, enivre le corps qui se met à battre la campagne. Rien de plus suggestif qu'un triangle de dentelle ensouplinée qui oscille sur son fil sous la brise d'un matin de mai.
D'ailleurs, en parlant de campagne, voilà un plaisir que les pauvres citadins, condamnés au « tancarville » ou à l'affreux sèche-linge qui roule les fringues en boule ont le droit de ne pas connaître. Sauf peut-être dans les villes du sud, où le linge pavoise les rues en oriflammes grâce à un système ingénieux de fils et de poulies. On en revient à l'Italie. On ne quitte pas l'Italie. Ma mère ne reniait pas ses origines. Santa madre ! « Le linge, ça sèche à l'air sinon ça pue » ! Elle n'y allait pas par quatre chemins, la madre. Elle étendait dehors, tout le temps, et l'hiver, le gel rendait parfois les vêtements durs comme du bois et friables comme du verre. Nos chemises étaient en carton, ourlées de givre, ça nous faisait rire. 
Elle les rangeait dans l'armoire dédiée avec de petits sacs de lavande. Elle repassait tout, même les gants de toilette. Je suis moins assidue au fer.
Mais d'elle, j'ai hérité ce goût pour la lessive qui sèche à l'air. Et pour la délicieuse odeur du linge de maison impeccable.
 Quant à l'érotisme de l'étendage, je crois qu'elle se serait signée en levant les yeux au ciel à la lecture de mes billevesées... Alors que mon père, bien qu'il fût imberbe,  aurait frisé sa moustache. 

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12 mai 2025

Mon petit soleil sur pattes

 






Mon petit soleil sur pattes. C'est comme cela que je l'appelais affectueusement.
 Enfant, elle avait une bouille ronde et les cheveux d'une blondeur de blé. On aurait dit une petite hutte toute illuminée de soleil. Le surnom lui est resté. La Hutte. Ma chère Hutte des Bois... Les plus fidèles parmi vous se souviennent peut-être de son blog « Petit Singe Vert ».
Les tribulations d'un adorable singe en peluche plus vivant que nature. J'adorais sa poésie. Son humour. Son caractère bien trempé. Ses facéties me faisaient souvent rire. Petit Singe Vert, c'était elle, et sa joie ingénue de peluche cachait sûrement des blessures. Peut-être n'ai-je pas su les voir ?
Notre relation n'a pas toujours été simple. Mais je l'aimais, et je l'aime toujours.
Bien sûr, dix ans nous séparent. Je suis l'aînée, elle la benjamine, d'une fratrie de quatre garçons. Rien que pour cette raison, notre sororité nous donnait une complicité qui aurait dû durer toujours. 
  Mais ces dix ans d'écart ne sont rien à côté de l'énorme fossé qui s'est creusé entre nous depuis quatre ans bientôt.  Notre petit fil de sœurettes s'est cassé. Nos chemins ont bifurqué. Je respecte son éloignement, son besoin de ne plus voir personne. J'essaie de comprendre ses raisons, de me dire que c'est passager, que ce n'est pas contre moi, que ça ne peut pas être définitif, et que nous nous reverrons. J'aimerais l'aider, mais peut-être n'a-t-elle pas besoin d'aide, au fond... 
Mais plus le temps file et plus je perds l'espoir. Je tente de maintenir le lien, par de petits messages, des photos, des clins d'oeil. J'ai parfois une réponse, pas toujours. Ou alors un smiley.
Qu'en est-il de toi, vraiment, ma sœur ? Où en es-tu ? Que fais-tu ? Quelle flamme t'anime encore ?
Oui, ma sœurette, j'essaie de me dire que tu vas bien, que tu es toujours un petit soleil sur pattes, mais je ne sais plus rien de toi. Je ne sais pas si tu lis toujours mon blog, parfois je l'espère secrètement, en me disant que nos amarres ne sont pas complètement rompues, et qu'un jour, on se reparlera. C'est quand même trop bête, dans ce monde dingue au-dessus duquel planent les vautours de l'incompréhension et de la violence, de ne pas pouvoir seulement se parler entre sœurs, non ?
Enfin, voilà. Mon bonheur est un grand ciel bleu, avec, tout au fond, un petit nuage gris persistant. Ce soir, il m'a grossi un peu le cœur. 





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02 mai 2025

Et au milieu coule une fontaine





L'avez-vous remarqué ? En ce moment, le silence du matin est bercé par des chants d'oiseaux différents des autres saisons. Ils sont comme étonnés des premières chaleurs, et tout à leur ouvrage de nids et d’amours. 

J'atterris doucement de ce tourbillon d'émotions que je viens de vivre. Ce n'est pas rien, un mariage, même simple, même « dans l'intimité »...

Ce matin j’entrouvre un œil : dix heures ! 
Comment peut-on dormir aussi longtemps, paresseuse, alors qu'il est pressé de profiter du temps précieux ? L’âme pâteuse je descends pour trouver le café qui m’attend, fumant, à côté du pain grillé. Un pain doré à point, croustillant, dont mon ami Bleck faisait l’éloge il y a peu. Un bonheur d’instant. C’est bon de se laisser choyer…
Je ne sais plus quel journal de psychologie posait la question : « Faut-il réussir dans la vie ou réussir sa vie ? »
Évidemment derrière cette pirouette sémantique se cache le vieux débat sur l’être et l’avoir.

Réussir dans la vie. La réussite au sens commun, parlons-en … Une escalade de biens matériels, un métier qui rapporte autant d’argent que ce qu’il dévore de temps, la fameuse montre qu’il faut absolument posséder avant cinquante ans, et qui ne mesure que plus amèrement encore ce temps perdu… 
Une insatisfaction perpétuelle, à se faire la « belle situation », à devenir le « beau parti » et toutes ces expressions si vieillottes.  Est-on vraiment ici-bas pour amasser, spéculer, étaler ses biens et oublier que tout n'est que poussière ? Et puis le pouvoir, la puissance, cette maladie mentale qui gangrène les « grands de ce monde » mais pas que... Pauvres Napoléons, pauvres rois pharaons comme disait Brassens. Me revient cette phrase très juste d'Yves Simon : « Monsieur Gregory Corso, qu'est-ce que la puissance ? -Rester debout au coin d'une rue et n'attendre personne. » 

Oui, rester debout, imparfaits, libres et heureux face à toute cette vanité, et tenter humblement de réussir sa vie : cela tient davantage du labeur opiniâtre du jardinier que de l'agenda du businessman.
J'en ai arraché, des mauvaises herbes d'émotions négatives, du chiendent de pensées parasites et de liens toxiques, et j'en ai cultivé, des relations vraies, dans un substrat riche d'expériences profondes et de joies simples.
Avec mon amour comme binette et ma joie de vivre comme arrosoir.
Je suis devenue une jardinière de vie.

Je respire profondément. 
Dans le champ, en bas, les coquelicots ont envahi la place. Leur splendeur rouge donne la mesure de ma réussite : je vis dans un livre aux pages fragiles, mais superbes. Fragiles parce que soumises à l'impermanence. Mais superbes, parce qu'elles s'ouvrent sur un jardin apaisant, à l'image des iris de ma bannière, fruits de mes soins attentifs.  J’aime chaque chapitre de ce livre. 

Mon rêve était de réussir à recomposer une famille à partir de deux, à tisser du lien entre nos enfants, et que nous soyons, Lui et moi, le ferment de cette belle cohésion.
J'ai beaucoup versé de larmes, durant ce mariage, parce que c'est émouvant de dire oui à l'homme que l'on aime. Et que c'était doux de sentir les bras de mes petites étoiles serrant très fort mon cou ! Elles ne m'avaient jamais vu pleurer, il faut dire qu'une Célestine ça rit plutôt. Ça raconte des histoires, ça joue de la guitare. Mais ça ne pleure pas.
J'ai pleuré en lisant mon discours, en dégustant le délicieux petit film qu'ils ont monté tous ensemble, en écoutant la chanson qu'ils ont composée pour nous. J'ai pleuré aussi en les regardant rire, jouer, cuisiner ensemble, en voyant tous nos petits-enfants s'égailler (et s'égayer) sous la pluie pour chercher les oeufs de Pâques.  J'ai pleuré encore, une vraie fontaine,  en découvrant leur cadeau collectif... une fontaine, justement. La pièce manquante de la maison sur la Colline.
Quel plus beau symbole de simplicité, d'unité, de jaillissement, bref, de vie... Ils sont formidables, nos enfants. 

10 avril 2025

Toi, moi et Baudelaire


 « Un mariage heureux est une longue conversation qui semble toujours trop brève. »
André Maurois







Oh mon vivant pilier, mon arbre tutélaire, Baudelaire avait raison. Nous nageons au milieu de symboles, une dense forêt de symboles.
Je vois des signes partout, des clins d'oeil du destin, de la vie, de l'univers, chacun lui donne le nom qu'il veut.
 Nous aimons nos mots, nous aimons nos silences si pleins, entre les mots. 
Notre longue conversation, notre chant du monde, notre cantique des cantiques, je les vois ici, dans ce paysage, là où mes dieux lares se penchent doucement sur moi pour m'insuffler leur force : ils ont pour nom Pagnol, Giono, Mistral, Daudet. Dans un souffle ils me rappellent que mon chemin pierreux s'est couvert de lavandes quand je t'ai rencontré. Les cigales se sont remises à chanter. Les tesselles de mon coeur en miettes ont reconstitué un beau vase aux filets d'or. Tu as fait de moi un Kintsugi. Ne cherche pas, je te donne le sens : « Le Kintsugi est la technique japonaise de réparation à l'or, pour valoriser un objet abîmé en magnifiant ses défauts. »  
La maison, c'est notre amour, solide et ancré à la terre, trait d'union entre ciel et horizon, havre et refuge, entre nature et culture, au confluent de nos deux âmes unies à jamais.
Le roc dur des montagnes, ce sont les difficultés. Qui n'en traverse pas ? Depuis sept ans que nous cheminons ensemble, nous en avons barré, des bateaux vacillants, des tempêtes rugissantes. Nous avons pleuré des rivières et griffé des murs de chagrin. Avec l'amour pour gouvernail. Nous sommes parés comme d'une armure.
 Les fleurs, c'est la douceur, de tes mains, de nos peaux. De nos petits matins, de nos midis gourmands, de nos soirs flamboyants. Ensemble. Et parce que nous avons aussi navigué sur des eaux scintillantes et calmes, sur des lacs miroirs et des torrents frissonnants. Dans la douceur d'un quotidien revigorant, tranquille, départi d'inquiétude.
Le ciel, c'est l'aventure, le voyage, la découverte. Vaste comme la nuit et comme la clarté, sacré Baudelaire ! Comment le dire mieux ?  Le ciel, cet infini toujours renouvelé. Parce que chaque mariage est unique et éclipse toutes les défaites. 
Mon beau pilier, mon loup alpha, mon bel amour d'ombre et d'eau fraîche, je suis heureuse de t'épouser, dans deux jours, dans deux nuits, pour le meilleur et pour le rire.


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03 avril 2025

Dans la prairie

 



 Depuis quelques jours, la colline s'est constellée de fleurs des champs. Le printemps nous assène doucement sa grande claque annuelle. Une véritable explosion germinale qui renouvelle le miracle. Une symphonie de pétales. Quoi de plus beau ?
Ce matin, avant qu'il ne disparaisse sous les dents de la tondeuse, je suis allée fouler cet incroyable tapis, les primevères m'ont saluée, de leurs couleurs soyeuses, elles m'ont rappelé leurs lointaines cousines des alpages, mais oui, rappelez-vous, quand la petite chèvre croit que toutes les fleurs se penchent devant elle, cette petite folle inconsciente.  
Les pâquerettes couvraient le sol en rang serrés, comme si elles voulaient faire oublier la couleur de l'herbe. Les pissenlits étoilaient d'or la verdure. Les muscaris lançaient vers le ciel leurs hampes timides d'un beau violet profond. Et bien d'autres espèces dont j'ai cherché les noms délicats ou étranges, mélilot, mauve, achillée, rhinanthe, violette, myosotis, fritillaire.



J'éprouvais d'ailleurs en marchant dans cette onde chatoyante cette exaltation, cette ivresse que l'évaporée biquette ressent avant d'aller se fourrer dans la gueule noire du gros loup griffu. Mais cela est une autre histoire qui m'a bien traumatisée étant petite. Avant de comprendre, bien plus tard, que la liberté a toujours un prix, et que c'est cela qui lui donne son goût unique.
La prairie est une ode au jaillissement de la vie. Au printemps, n'ayons pas peur des mots, la nature est véritablement en amour avec elle-même. J'aurais eu cinq ans, j'aurais été Carrie Ingalls, qui dévale la pente en se roulant dans le pollen... ;-)



Voyez avec quelle obstination la moindre pousse se fait sa place au soleil ! C'est étonnant. Epoustiflant.  Les fleurs happent à pistil rabattu l'énergie vitale, la force de s'arracher à l'hiver. Les étamines frétillent, les rhizomes rampent, les bourgeons brisent leur gangue. Les petites mains œuvrent sans bruit pour nous offrir une sonate en corolles majeures. Tiens, l'érable du Japon que nous avions planté à l'automne a éclos ses premières feuilles. Les bégonias ont triomphé des gelées hivernales.
Pour nous donner ce spectacle grandiose, vert tendre, jaune d'or, rose doux, combien ont-elles dû s'endurcir, les petites graines... 
Nous aussi, nous sortons doucement de l'hiver. Avec une belle envie de défroisser nos pétales. 



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19 mars 2025

Lettres du Kenya (fin)

Une semaine déjà que la brume froide du Vercors a remplacé la douce moiteur de l'Equateur sur ma tasse de café. Une semaine que mon avion a posé ses grosses ailes en ramenant mes tonnes de sensations dans ma valise trop petite. Toute la semaine, je me suis refait le voyage en triant mes photos. Un énorme travail. Je suis vidée de toi, cher Kenya qui m'a tant remplie.
L'album va être très beau : presque deux cents pages.
Ce fut un voyage assez troublant. Différent. Dans un endroit envoûtant. Sans véritable chronologie, un peu comme si les animaux et les hommes donnaient leur propre rythme aux jours.
Avec de longues pauses en deuxième semaine, où j'ai beaucoup médité, en attendant les plongeurs. Et j'ai écrit ça, par exemple :


« Contempler. Voilà le maître mot. En attendant les plongeurs, je me promène sur la plage, il ne fait pas encore trop chaud. J'en profite pour me baigner longuement dans l'Océan Indien, en savourant cette pensée : je suis seule, à 6000 kilomètres de chez moi, et pourtant  le ciel vibre  tout pareil que là-bas. Les hommes et les femmes me ressemblent plus que l'on ne croit. Et je leur ressemble. Alors pourquoi aurais-je peur ?
Cela peut paraître étrange, mais voyager consiste bien sûr à se dépayser, mais aussi, et surtout, à vérifier que tout est relié sur notre petite planète qui flotte au milieu du néant.
La nature déploie les mêmes trésors d'ingéniosité, d'adaptation partout dans le monde.
Chaque arbre parle le langage universel des arbres, où que l'on soit.
Chaque animal, chaque brin d'herbe, chaque grain de sable participe de cette grande horloge cosmique dont ne ne sommes qu'un infime rouage.
Et nous, nous nous croyons différents les uns des autres, au point d'avoir construit le mot étranger sur la racine du mot étrange. 
Plus que jamais, je ressens à travers l'étranger tout ce qu'il peut m'apporter de richesse intellectuelle, spirituelle, sensitive, émotionnelle.

Je contemple cet étalage de tissus colorés se balançant au Kaskazi, l'alizé qui souffle sur la côte Est du Kenya à la saison sèche. 
Les vendeurs dorment, allongés à l'ombre de leurs tissus, vulnérables et pourtant certains que rien ne peut leur arriver de fâcheux pendant leur sommeil. 
Je me sens reliée à eux, comme si j'avais compris ce qu'ils attendent de moi. Veiller sur leurs écharpes, et sur leur souffle. »

Ce sera ma dernière Lettre du Kenya. Ou devrais-je dire lettre au Kenya ? J'aurais tant à lui dire ! Pour vous, enfin, une moisson de quelques moments qui restent fichés en mon coeur comme ces épines d'acacia dont raffolent les girafes. Je crois que j'ai laissé un bout de moi là-bas.


Une montagne Noire à faire pâlir Chinou. De la lave à l'état brut, sur laquelle parviennent à pousser quelques arbustes...


Il n'est pas rare de voir de tels équilibres sur la tête des femmes.


Celle-ci porte son enfant, pleine de tendresse.


Un lit d'un autre temps, incroyable décor sorti tout droit d'un roman...


Des dizaines de poissons rouges agglutinés sous la mangeoire des oiseaux.


Ce Masaï arpentant la plage en tenant son présentoir à bracelets comme une lance.


Crépuscule et couchant sur la savane. Fière de mes photos.




Un endroit incroyable au milieu de la brousse : la thalasso des éléphants ocres.



Une feuille en forme de coeur.




Un adorable dik-dik, la plus petite antilope du monde.


Des femmes magnifiques. Des traits de lumière conquérante au milieu du trafic.


Les fameuses chaussures confectionnées avec des pneus : hyper confortables !


Les baobabs du Petit Prince.


Deux hommes sur Diani Beach. Seuls avec moi.


Une émouvante petite porteuse d'eau.


Et votre Célestine, toujours vivante. Plus que jamais, même. 
Merci à tous ceux qui m'ont suivie dans ce beau voyage. Il me faut maintenant planter un arbre. Je commence demain. Mais ce ne sera pas un baobab.

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