Sous titre :
Billet un peu iconoclaste
ou Toute médaille a son revers.
Les événements fortuits et dramatiques ont pour effet de déclencher des réactions variées, où la palette des émotions s'épanouit tel un arc-en-ciel aux teintes étonnantes.
L'incendie de Notre-Dame est en soi un événement fortuit et dramatique. Comme tous les accidents. Il a généré en moi une salve de ressentis, comme en chacun d'entre vous. Des ressentis différents selon que l'on croie au ciel ou que l'on y croie pas. Selon que l'on soit la rose ou bien le réséda. Selon que l'on soit sensible aux symboles ou pas. Selon que l'on ait ou pas un bout d'histoire personnelle avec le lieu.
Je suis sensible aux symboles. Et dans un premier temps, ma fibre littéraire, artistique et aussi française s'est sentie atteinte, et triste. Un peu éberluée, même. Parce que le Bossu. Parce que les gargouilles, les chimères. Parce qu'Esméralda et sa fougue de femme indomptable. Parce qu'un pan de mon enfance, celui qui a étudié Hugo. Hugo qui avait quand même imaginé et décrit cet incendie, c'est surprenant...
Et puis le Paris éternel, les quais, les bouquinistes, l'accordéon, les peintres, Chagall le premier... les Grandes Orgues sublimant Bach...La faiblesse tendre que l'on a pour les joyaux d'art et d'architecture qui font la beauté de la ville et le renom de la France. Et l'appartenance au patrimoine de l'humanité...Oui, tout cela... Soupir...
Mais une cathédrale, c'est aussi, d'une certaine manière, le symbole d'un pouvoir asservissant. C'est un monument que des milliers d'anonymes ont construit, dans des conditions sans doute difficiles, et, pour la plupart, morts sans avoir contemplé le résultat de leur travail. Mais ils y allaient, le coeur content, la fleur au fusil comme en quatorze, convaincus d'oeuvrer pour leur salut éternel et la gloire de Dieu.
Dans les divers reportages sur l'histoire de Notre Dame, il a été dit qu'elle avait été « malmenée » et endommagée pendant la Révolution. Le peuple d'alors connaissait bien le sens de ces édifications pharaoniques. Il n'en pouvait plus de crever de faim depuis des millénaires devant des ors et des trésors inaccessibles et arrogants. Il sortait de ses peurs obscures. Il osait dire stop à une élite hautaine.
Deux cents ans après, il est prêt à donner de ses deniers pour la réparer, c'est quand même étonnant, l'histoire des hommes.
Et puis, je m'interroge aussi sur cette communion nationale interchangeable, quel que soit l'événement. On retrouve la même ferveur, les mêmes discours, les mêmes larmes, les mêmes rassemblements, les mêmes surenchères médiatiques, les mêmes déferlements sur les réseaux sociaux, que ce soit pour la Coupe du Monde de Football, pour les attentats faisant des centaines de morts, pour le décès de Johnny Halliday ou pour l'incendie d'une cathédrale, fût-elle la plus célèbre. Comme si tout se valait. Ça me gêne. Ça m'interpelle quelque part au niveau du vécu, comme disait Coluche.
Enfin, je me demande pourquoi tout à coup les Grandes Familles ouvrent largement leur pécule, et je me prends à rêver à tout ce que l'on pourrait faire de bien et de bon avec cette manne...Et je ne dis pas ça parce qu'on ferme encore des classes, des lits d'hôpitaux, des lignes de trains, des maternités...Ni parce que la cour des miracles existe toujours, au coeur des villes, des mendiants, des Quasimodos sans dents, des miséreux.
Non, pas taper, pas taper ! Je ne fais que m'interroger, je suis comme une truie qui doute...Et même si j'ai conscience de dissonner comme un bourdon fêlé, je ne peux m'empêcher d'exprimer ces questionnements. Sinon je me mettrais à douter aussi de ma liberté.