Comme je
suis contente d’avoir acheté ce cahier bleu !
Un de ces gestes instinctifs et fulgurants que l’on
a parfois, sans que l’on puisse se les expliquer.
J’étais
entrée dans la boutique du village pour lui acheter du chocolat, et j’ai vu ce cahier posé sur le comptoir.
Je n’ai
pas réfléchi. Je l’ai pris. Il était joli.
C’est après que j’ai eu l’idée.
« Tu
devrais écrire ta vie, regarde, comme il est beau ce cahier bleu.
-Non, je
ne saurais pas, je n’écris pas bien comme toi, tu sais, je ne me rappelle plus…
-Mais
si, ne dis pas de bêtises, tu étais première en composition française, tu te
souviens ?
-C’était…il
y a si longtemps…oui, je me souviens…c'était...en 1942, je crois »
-Alors,
écris.
Oh, maman, comme je suis heureuse que tu aies finalement accepté d’écrire, que tu oublies un peu tes idées noires…Et comme c’est bien que ton temps te semble couler plus vite, toi qui t’ennuies tant dans ta chambre d’hôpital ! J'étais tellement dépitée ces derniers temps, il me semblait que je ne pourrais plus rien faire pour toi.
Le passage où tu racontes ma naissance m'a étreint la gorge de larmes rentrées.
Je n’ose te dire combien ce cahier me sera précieux, plus tard, le jour où…
Je n’ose te dire combien ce cahier me sera précieux, plus tard, le jour où…
Mais pour
l’instant, je te regarde tenir ce stylo entre tes doigts tremblants, et il me
semble entrevoir l’enfant que tu as été, la fillette appliquée qui tirait la
langue en composant ses rédactions de certificat d’études.
L’écriture prend soin des âmes, j'en suis convaincue. Les mots me relient à toi, après tous ces jours d'angoisses, d'incompréhension, d'impuissance, de chagrins, c'est comme si un fil ténu mais solide se resserrait entre nous. Comme si cela t'aidait à retrouver celui de ta mémoire.