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28 août 2017

Terre Happy

Sous-titre : indécrottable...










J'ai une image de l'enfance.
Je suis dans la cour de l'école. Je ne me rappelle plus le temps qu' il peut faire. Peut-être une de ces journées d'automne où le ciel coule comme de l'encre délavée sur les feuilles roussies.
Ou bien un matin de printemps avec un soleil en auréole sur les marronniers en fleurs.
Bref, peu importe. C'est la récré, j'ai sept ans, et j'essaie de me faire des amies parce que mes parents viennent juste d'emménager, que je suis encore la petite nouvelle, et que pour l'instant les filles se moquent de mon accent et conspirent entre elles avec des gloussements de pies.

L'une d'elle me fascine, avec ses cheveux coupés comme un garçon et son air conquérant. Elle s'appelle Gabrielle. Je la vois encore. C'est fou comme un souvenir peut rester net, après tant d'années...Elle me dit viens, on va jouer. Elle se place derrière moi et me donne la règle du jeu: il s'agit de me laisser tomber en arrière, les yeux fermés, et que je ne m'inquiète pas: elle me rattrapera...je dois avoir à peu près la tête de la petite fille de la photo, les fleurs en papier en moins...

Gabrielle ne m'a pas rattrapée. Je me suis étalée comme une grosse merde molle sur le macadam de la cour, sous les rires idiots de ses copines. Lâchée par une fille au prénom d'ange en qui j'avais mis toute ma confiance. Je n'ai jamais oublié la douleur qui a transpercé tout mon être à cet instant-là. Mon amour-propre, ma naïveté, ma candeur laminés en en une seconde. Des étincelles dans le coeur. Comment pouvait-on être si méchante ? 
J'en ai gardé une fragilité, bien sûr, qui a sans doute influencé en partie mes relations aux autres. Mais aussi, paradoxalement,  une force inoxydable. 
Bien sûr la trahison m'est toujours difficile à vivre et l'ombre de cette peste revient me picoter à chaque fois que je me sens blousée. Ah ! Gabrielle, tu brûles mon esprit...
Son geste, qui relevait de l'inconscience d'une enfant, aurait pu avoir de fâcheuses conséquences en me laissant à jamais paraplégique. Ou faire de moi une misanthrope aigrie et méfiante. 
Mais en me préservant du pire ce jour-là, je me dis que le destin m'a comme indiqué la voie, et donné le goût absolu de ce miracle permanent, ce havre, cette consolation magnifiques.
Elle est là, ma force: je fais encore confiance à l'existence. Vous vous rendez compte...Indécrottable...A mon âge et à l'heure qu'il est. Je me relève, et je repars la fleur au fusil. Oui, malgré tout, la Vie, c'est ma terre happy... 



¸¸.•*¨*•




Musique : Solas.

25 août 2017

Du beau langage

Où l'on retrouve Laure Tograff et son amie Sainte Axe...











Dans cette époque épique où tout part à vau-l'eau, certaines expressions malmenées quotidiennement vont-elles vraiment finir par s'imposer, ou est-il encore utile de rappeler ce qu'il serait bon de dire en lieu et place d'icelles ? 
Je me pose la question, mais je vous la pose aussi, lecteurs chéris, vous qui faites preuve d'un goût si sûr en venant traîner vos augustes guêtres par ici...
Êtes-vous de ceux qui « croivent » que cela n'a pas d'importance ? 
Que la langue évolue « croûte que croûte » ?
J'en ai sélectionné une dizaine parmi celles que j'entends le plus souvent dans les médias et partout ailleurs, et qui écorchent mes chastes oreilles de « bescherellosaure » mais vous en trouverez sûrement beaucoup d'autres...
Chronique d'un combat perdu.

*


Dites « La gent féminine » plutôt que « la gente féminine » (Bien que nous soyons souvent de gentes dames envers vous, messieurs, je vous le concède...)


*
Dites « je ne suis pas prête à capituler » ou encore « je ne suis pas près de capituler » mais pas  « je ne suis pas prête de capituler ». 


*
 Dites « pallier ses lacunes » et non « pallier à ses lacunes ».  Pallier se construit sans préposition.
*

 Si vous êtes une fille, dites quand même « je me suis permis de vous le dire » et non « je me suis permise de vous le dire » 
De la même façon, dites « je me suis fait avoir » et non « je me suis faite avoir »
(Quoique je ne vous le souhaite pas...)


*

 Dites « je ne m'en souviens plus » ou « je ne me le rappelle plus » au lieu de  « je ne m'en rappelle plus ». Se rappeler aussi est transitif.


*

Dites « apporter un objet » et « amener quelqu'un » et non l'inverse.


*

 Dites « aujourd'hui » et pas « au jour d'aujourd'hui » Ah...ce fameux double pléonasme dégoulinant d'emphase...


*

Dites « aller chez le docteur à vélo » plutôt que « au docteur en vélo ». ( En même temps, celui qui se déplace à vélo a-t-il besoin d'aller chez le médecin ?)

*

Dites « nous avons une alternative » , et non  « nous avons deux alternatives » . (Une suffira.)

*
Dites « résoudre un problème »,  c'est quand même plus simple que « solutionner un problème » non ?


*

Mais comme dit Con Fucius,  « tou sa, cé des détailles, l'essanciel cé kanmême de se komprandre. »
Mouif, cépafo.


¸¸.•*¨*•













21 août 2017

Villégiature

Mel nous propose une consigne amusante.
Il s'agit d'écrire une lettre commençant par « Je vous écris » suivi d'un lieu de vacances, et incluant vingt-six verbes imposés, que vous choisissez de mettre dans l'ordre de l'abécédaire, ou pas.


Allonger, balancer, couler, dévaler, étirer, fêter, gazouiller, habiller, inviter, jaillir, klaxonner, longer, mener, nager, orienter, pousser, quitter, ronronner, sourire, tituber, ululer, valser, whitelister, xylophoner, yoler, zigzaguer.














Mes amis, 

Je vous écris de ce petit bord de mer secret qui s’Allonge en une baie d'eaux turquoises, où Balancent doucement les palmes des cocotiers comme dans un poème de Verlaine ou sur le parking du super U de Juan les Pins.
Je suis venue y Couler quelque jours tranquilles loin des événements qui ont récemment Dévalé en avalanche les pentes de ma vie, me transformant en stoquefiche bouilli. Les heures s’Etirent mollement entre deux mojitos. Fêter le simple fait d'être vivante,  en toute solitude et sérénité,  reste mon seul projet raisonnable du jour. 
L’oiseau bleu de twitter ne Gazouille plus sur mon écran de smartphone Habillé de noir, devenu un sombre miroir aux alouettes Invité à se taire.
C’est bien assez qu’en moi Jaillissent ces images cacophoniques, qui Klaxonnent à mes pauvres esgourdes comme un concert d’avertisseurs le samedi entre la mairie de Bouzigues et l'église saint-Jacques-le-Majeur (ou l'auriculaire) , Longeant mes axones et Menant une sarabande folle dans mes neurones anémiés. 
Je Nage en pleine confusion, pour dire le vrai.  Je dois m’Orienter dans ce dédale, Pousser le cri qui tue du bonobo en grève générale et Quitter les sables mouvants de la fange bourbeuse dans laquelle je Ronronne depuis trop longtemps. 
Sourire à nouveau sans Tituber, laisser Ululer les vieilles buses de malheur au glaive séculier et au bras vengeur et envoyer Valser les préjugés…Bref Whitelister quelques amis sûrs et les reconnaître d'oreille quand ma sonnerie Xylophonera à nouveau son petit air fripon.

A part ça, ma chère Mel, comment placer Yoler sans Zigzaguer dangereusement entre le ni-queue et le ni-tête, hein,  je te le demande ?

¸¸.•*¨*•

18 août 2017

Forêt de symboles

Photo du net






Au cours préparatoire,  on apprend à déchiffrer. Décortiquer ces signes cabalistiques que sont les lettres et les mots. On comprend la combinatoire, cette science qui agence entre eux les sons consonnes et voyelles. Les sons qu'on sonne avec la langue, avec les dents...
B, A, BA...Balbutiement de ce qui sera la quête de toute vie... Pour vous rappeler combien c'est difficile, pour un enfant de six ans, essayez donc de lire rapidement et aisément ce texte à l'envers.




La fluidité ne s'acquiert pas en un jour.
Ensuite, aux cours élémentaires et moyens on apprend théoriquement à lire de façon aisée et coulante. On apprend que la lecture, c'est comprendre ce qui est écrit. Donner du sens.
La dernière étape, la plus longue aussi,  étant de comprendre aussi ce qui n'est pas écrit. Lire entre les lignes. Accéder à l'implicite, rude tâche pour l'apprenti lecteur. L'apprenti citoyen, l'apprenti électeur, l'apprentie femme, l'apprenti homme. 
Apprentissage qui dure toute l'existence. Décoder le non-dit, le non-écrit. Accéder au subtil message des signes en déjouant les pièges de la précipitation, de l'approximation ou de l'inconscience aveugle.
Mobiliser ses connaissances, son expérience et tous ses sens pour appréhender celui de la vie. Voir le vent même quand il ne souffle pas. 

J'ai tellement aimé apprendre à lire, délicieuse et ambivalente expression évoquant à la fois l'élève et le maître...
Observer les signaux. Interpréter les augures, émietter le marc de café du destin entre ses doigts. Compter les hirondelles.
Et penser que personne n'a l'explication formelle de ce qui nous arrive, à part nous-mêmes.

Décoder la vie, cette fascinante forêt de symboles. Avancer à pas de louve. Sans machette, avec juste son coeur en bandoulière. Connaître son langage, le murmure des sources, les énigmes de la nature et les leçons que nous dispensent à chaque minute les battements sourds d'un coeur invisible mais si présent. 
Quel que soit le nom qu'on lui donne.


¸¸.•*¨*•



Musique: Charlotte Gainsbourg. L'un part et l'autre reste.

14 août 2017

Amoco Cadiz



 Sous-titre : 
À tous ceux qui ont senti un jour la morsure
du « rien ne dure »







































« J'ai sur la peau le reste d'un rêve qui refuse l'oubli... » *

Elle se souvient... La route semblait n'avoir jamais de fin. 
De longs filaments 
Diaphanes et scintillants tels des filaires
pêchés dans la rivière
Etoilaient le chemin. 
Oh bien sûr, il y eut
Des cahots
Des cailloux
Des cabosses...
Et pourtant l'herbe faisait aussi un velours doux 
sous leurs corps si beaux.
C'était comme respirer ensemble un parfum rare. 
Le voyage palpitait sous les roues. 
C'était toujours neuf.
C'était bon. 
Cela sentait la giroflée et le jasmin.
Elle avait sa façon à elle d'ouvrir le flacon des nuits et des jours. 
Pas toutes les nuits. 
Pas tous les jours. 
Il leur fallait en garder 
pour ne pas succomber à l'habitude. 
Pour ne pas casser le cristal fragile 
De l'éblouissement.
N'est-ce pas pas comme cela
Que l'on préserve
La fraîcheur des choses 
et le sel des instants ? 
Il disait qu'elle mettait la barre haute, 
Il disait haute, oui, 
Elle avait plutôt l'impression d'être
mouette égarée que vieux loup de mer.
Elle avait dû le faire marrer
Avec ses candeurs enfantines
Elle n'était pas si haute, 
finalement, 
cette barre. 
Elle s'est échouée dans le goudron, 
Amoco Cadiz éventrée déposée sur le bas-côté
avec les mille précautions d'usage. 

Elle s'est sentie paquetage
 de marin. 
Filet troué. 
Un goéland qui gît 
sans force
un peu sonné
aile engluée. 
Un vent glacé souffle dans ses doigts engourdis
Pourtant
Elle a sur la peau le reste d'un rêve qui refuse l'oubli...


¸¸.•*¨*•









* Phrase trouvée sur le net.
Musique: Kevin Kern, Remembering the light.







08 août 2017

Petite pause

Photo Céleste



Là-haut, sur ma colline...
A très bientôt.

01 août 2017

Bizzarmonie




Sous-titre: « Bohort, une pédale...»



Photo du net





C'est dingue comme une fausse note peut m'arracher les oreilles. C'est sans doute un des effets de l' hyperesthésie, dont m'a dotée la nature...Un bienfait, un don, un cadeau, mais parfois aussi, une douleur.
Savez-vous qu'en musique chaque ton est divisé en « commas » et qu'entre un ré dièse et un mi bémol il y a une différence d'un seul comma ? Autant dire un demi-quart de patte de mouche atrophiée. Que les claviers bien tempérés ont laissé de côté comme des insignifiances.
La dysharmonie me bousille les esgourdes, pour reprendre une expression de Kaamelott, dans ce passage de la quinte juste qui vous fera mourir de rire si vous êtes un peu sensible à la musique et surtout à l'humour subtil et jubilatoire d'Alexandre Astier.
Pourtant je ne suis pas une théoricienne de la musique. Je ne joue que d'oreille, comme Django. (Mais un tout petit peu moins bien, évidemment !
Hé, respirez, je plaisante hein, c'est du second degré, là...même pas en rêve je me comparerais à ce génie. Fin de la parenthèse)
Le solfège a toujours tenu pour moi de la torture (sans doute les méthodes coercitives utilisées au collège ont-elles lamentablement échoué à me faire trouver ça intéressant). Le solfège, à mes yeux, rougis par les longues veilles à déchiffrer des partitions, c'est un peu comme aller voir Antigone en japonais dans la cour d'honneur du palais des papes. Ou lire le code pénal en serbo-croate. Chiantissime. 
Mais c'est parce que je n'ai pas assez travaillé, j'en suis bien consciente. Je suis une grosse feignasse de la gamme et de la vocalise, en fait. 
Je me dis que j'aurais bien aimé devenir une virtuose du violon, par exemple, mais sans me péter le cou et le bras gauche huit heures par jour. Je l'avais raconté ici, d'ailleurs, ce rêve flou.
Mais revenons à nos moutons, mes agneaux, et aux fausses notes, donc, qui se disséminent partout et pas seulement en musique. 
Couleurs criardes, voix dissonantes de harpie ou de fausset, plats immangeables ou simplement insipides, vins frelatés, odeurs fétides, bâtiment hideux défigurant un pur joyau du XIX ème, ou textes bourrés de fautes d'orthographe, combien de grincements esthétiques, sensitifs, sensibles, sensuels nous agressent chaque jour, combien de petits grains de cailloux gâtant la beauté d'un ensemble ? 
L'autre jour, au restaurant, je priais Vichnou in petto que les ceusses qui avaient fait la déco ne fussent pas ceux qui préparaient le repas...
Dans les relations humaines, même toutim. Les crins-crins discordent, les hautbois yoyotent de la anche, les cuivres geignent et les vents détonnent ou en font des tonnes. Pas facile d'atteindre l'harmonie, quand chacun  joue sa partoche en mi perso mi ego.
Mais peut-être suis-je la seule à ressentir ces crissements de craie sur le tableau noir quotidien, qui me hérissent la pilosité ? 
Peut-être suis-je la lieutenant Columbo du petit détail qui tue ? Une perfectionniste du contrepoint, du point d'orgue, de l'équilibre, de l'unisson, de l'accord parfait. Une collectionneuse de petits moments de pure osmose baudelairienne, où dans une forêt de symboles je trouve enfin, parfois, mes correspondances.
Ah si la vie pouvait être un orchestre symphonique...



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Musique: Mozart, concerto numéro 5 pour violon et orchestre.